Le Maroc, pilier du marché européen de la tomate

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well growing tomatos in modern greenhouse

Dans le paysage mondial des échanges agricoles, la relation commerciale entre le Maroc et l’Union européenne dans le secteur de la tomate constitue un exemple remarquable de partenariat stratégique et d’interdépendance économique. Au fil des années, le royaume s’est imposé comme un acteur incontournable de l’approvisionnement du marché européen en tomates fraîches et autres produits maraichers, transformant ce qui était initialement une simple opportunité commerciale en un véritable pilier de son économie agricole et de sa stratégie d’exportation.

Cette prédominance marocaine s’explique par plusieurs facteurs convergents. D’une part, les conditions climatiques favorables du pays permettent une production quasi continue tout au long de l’année, offrant ainsi durant un complément idéal à la production européenne, particulièrement les mois d’hiver où la production locale est limitée. D’autre part, la proximité géographique avec l’Europe, notamment avec l’Espagne, facilite le transport et garantit la fraîcheur des produits, un atout considérable pour un produit périssable comme la tomate.

L’accord de libre-échange entre le Maroc et l’Union européenne, entré en vigueur le 1er octobre 2012, a également joué un rôle de catalyseur dans cette dynamique, malgré certaines restrictions comme le quota préférentiel et le prix d’entrée minimum. Ces mesures, bien que limitatives, n’ont pas empêché le Maroc de développer considérablement ses exportations, témoignant de la compétitivité de sa filière tomatière.

L’année 2024 a marqué un tournant significatif dans cette relation, le Maroc accédant au rang de deuxième plus grand fournisseur de tomates de l’Union européenne. Cette position privilégiée s’est consolidée avec une part de marché impressionnante de 65% des importations totales de tomates de l’UE en 2023, un chiffre qui témoigne de la dépendance croissante du marché européen vis-à-vis de la production marocaine.

Cependant, ce succès n’est pas sans susciter des tensions. L’afflux de tomates marocaines sur le marché européen a suscité des préoccupations parmi les agriculteurs européens, particulièrement dans les pays producteurs comme l’Espagne, l’Italie et les Pays-Bas. Ces inquiétudes portent notamment sur la concurrence en termes de prix, les différences de coûts de production et les questions relatives aux normes sociales et environnementales.

Parallèlement, la filière tomatière marocaine fait face à ses propres défis, notamment la gestion durable des ressources en eau dans un contexte de changement climatique, l’amélioration continue des pratiques agricoles pour répondre aux exigences croissantes des consommateurs européens en matière de qualité et de durabilité, et la nécessité d’investissements substantiels dans les infrastructures pour maintenir sa compétitivité.

Dans ce contexte, l’analyse du marché européen de la tomate ne peut faire l’économie d’une compréhension approfondie du rôle central qu’y joue le Maroc. Ce partenariat, bien qu’asymétrique et parfois source de tensions, illustre la complexité et l’interdépendance des chaînes d’approvisionnement alimentaire mondiales contemporaines. Il met également en lumière les opportunités et les défis que représente l’intégration économique euro-méditerranéenne dans le secteur agricole, un domaine particulièrement sensible tant sur le plan économique que social et politique.

La saison 2024‑25

La saison 2024‑25 s’annonce globalement sous les meilleurs auspices pour les exportateurs marocains de tomate, avec un retour à la croissance et une conquête de nouveaux marchés. Néanmoins, la filière devra rester vigilante face aux enjeux de durabilité (ressources hydriques, qualité des sols) et de compétitivité (coûts de production, normes sanitaires et phytosanitaires) afin de consolider cette dynamique dans la durée.

La filière de la tomate au Maroc se montre particulièrement résiliente sur la campagne 2024‑25. Après avoir accusé un recul notable en 2023‑24, les exportations repartent à la hausse, dépassant ainsi les volumes de la campagne 2022‑23. Selon les données communiquées par Morocco Foodex arrêtées au 12 février, près de 437 000 tonnes de tomates devraient être expédiées, soit une progression de +15 % par rapport à 2023‑24.

La culture de la tomate occupe une place de choix au Maroc, qui figure parmi les 20 premiers producteurs mondiaux. Le pays se distingue particulièrement en tant que premier fournisseur de l’Union européenne (UE), couvrant à lui seul 65 % des importations européennes.

Dans le sud d’Agadir, des milliers d’hectares de serres s’étendent sur le sol sableux de la plaine de Chtouka Ait-Baha, au cœur du Souss. Située au piémont de l’Atlas, non loin des brises marines atlantiques, cette région bénéficie de conditions idéales pour l’agriculture des primeurs. En hiver, les températures y oscillent entre 15 et 30 °C, faisant de cette zone, depuis les années 1970, la principale région d’exportation maraîchère et fruitière du Maroc, tout en approvisionnant également le marché national. La production de tomates au Maroc se caractérise par un équilibre notable entre l’exportation et la consommation locale, avec une répartition quasi égale de 50 % pour chaque débouché.

Depuis une quinzaine d’années, la région est reliée à l’autoroute reliant Agadir au port de Tanger-Med, ce qui permet aux remorques réfrigérées de rejoindre la France en moins de 48 heures. Ce pays sert de point de transit pour 80 % des tomates marocaines exportées vers l’UE.

Depuis 2024, le Maroc est devenu le deuxième fournisseur de tomates des États membres de l’UE, dépassé seulement par les Pays-Bas. Selon les données d’Euroestacom (ICEX-Eurostat) depuis 2016, l’Espagne, qui était auparavant en tête des ventes de tomates vers l’UE, a vu sa part de marché diminuer de 34,2 %, tandis que la Turquie et le Maroc ont augmenté leurs parts de 171,35 % et 47,18 % respectivement. La part des Pays-Bas a également diminué de 21,11 %.

Le climat, responsable des fluctuations des prix

Les variations de la production de tomates au Maroc sont principalement liées aux conditions climatiques, constituant ainsi un véritable défi structurel pour l’agriculture du pays. En plus de la rareté des ressources en eau, les fluctuations de température ont fortement impacté la production ces dernières années. Les périodes de chaleur intense ou de froid extrême provoquent des baisses de rendement, entraînant inévitablement une hausse des prix.

L’année dernière en est un exemple frappant : la température à Agadir a atteint un record de 52 °C, persistant pendant trois jours consécutifs. Cette chaleur extrême a directement affecté les fleurs de tomates, provoquant leur destruction et entraînant ainsi une chute de la production, suivie d’une augmentation des prix.

La campagne actuelle n’a pas été épargnée par les aléas climatiques. Entre septembre et décembre, la région d’Agadir a connu quatre mois de forte chaleur, avec des températures avoisinant les 30 °C. Ces conditions ont favorisé une surproduction qui a affaibli les plants. En novembre et décembre, des vagues de chaleur successives ont provoqué une maturation simultanée des tomates, saturant le marché local et provoquant une chute des prix, oscillant entre 20 et 60 dirhams la caisse, soit environ 1 à 2 Dh/Kg.

En janvier, une baisse significative des températures a ralenti la floraison, aggravée par la propagation de maladies et de virus. Ce contexte a entraîné un creux de production observé en février et au début de mars. Cette situation a coïncidé avec une reprise de la demande après les fêtes de Noël, entraînant une hausse des prix sur le marché. Cependant, avec l’arrivée du printemps et l’amélioration des conditions climatiques, la production a repris tant en plein champ qu’à l’intérieur des serres.

Il est à noter qu’au début de la campagne, face aux températures élevées, la majorité des producteurs avaient décidé de retarder les semis de 15 à 20 jours afin d’éviter les plantations en pleine chaleur, limitant ainsi les risques de maladies.

L’Europe en tête, mais diversification en vue

Avec près de 92 % des volumes absorbés, l’Union européenne et le Royaume‑Uni restent le principal débouché du Maroc. La France, le Royaume‑Uni, les Pays‑Bas et l’Allemagne constituent les marchés les plus importants. Cependant, d’autres destinations commencent à se démarquer : l’Afrique subsaharienne et les pays du Golfe affichent des croissances intéressantes, même si leurs parts restent limitées.

En Europe, la tomate standard ronde a toujours sa place dans les étals. Mais, de plus en plus, les consommateurs recherchent des options plus originales et plus gustatives en essayant différents types de tomates, variables par leur taille, leur forme et leur couleur. A titre d’exemple, la consommation de petites tomates est en constante croissance car elles répondent aux tendances de consommation actuelles : facilité de préparation, diminution du gaspillage alimentaire, snacking sain et, en plus, les enfants les adorent. Le consommateur européen s’intéresse également aux tomates allongées, aux grandes tomates anciennes réputées plus gustatives (ananas, marmande, cœur de bœuf), …

De même, la tendance positive pour les tomates colorées (rose, chocolat, jaune, orange …) se poursuit alors qu’elles n’étaient auparavant disponibles que sur les marchés d’Europe du Nord, elles sont maintenant consommées sur tout le continent. Certains distributeurs proposent un mélange de tomates de différentes couleurs avec une saveur vive qui fait la différence par rapport aux tomates standard. Les sondages ont montré qu’un nombre croissant de consommateurs de certains pays européens est prêt à acheter des tomates colorées, mais à condition qu’elles répondent aux attentes d’une tomate au goût haut de gamme.

Une étude a également montré que si le marché européen de tomate a jusqu’à présent été plutôt stable en termes de volume, il progresse en­core en terme de chiffre d’affaires. Ceci s’explique en partie par le fait que le consommateur européen, très regardant en matière de prix pour les produits standard, est beaucoup plus ouvert dès qu’il s’agit de produits de seg­mentation. D’ailleurs, l’écart de prix en­tre la tomate standard et les produits spécifiques ne cesse de s’accentuer.

En réponse à ces évolutions, la production marocaine évolue essentiellement du point de vue de la diversification. En effet, les producteurs s’orientent de plus en plus vers des segments plus ré­munérateurs. Ainsi, la tomate ronde est passée de 80% des surfaces il y a quelques années à près de 50% actuellement. Cette baisse s’est faite au profit d’autres segments comme la tomate type tomate plum, la tomate cerise, la tomate type Cencara, etc. La segmentation a par ailleurs permis au Maroc d’élargir son calendrier des exportations qui s’étale actuellement sur toute l’année pratiquement.

Surfaces et segmentation

Cette année, la surface totale consacrée à la tomate sous serre dans la région de Souss Massa s’élève à 6 770 hectares, répartie comme suit :

  • Tomate ronde Calibre 2 : 3 450 ha
  • Tomate ronde Calibre 3 : 650 ha
  • Type Cencara : 250 ha
  • Type Plum : 1 550 ha
  • Cerise ronde : 800 ha
  • Beef : 70 ha

Si la tomate ronde demeure un pilier des exportations, c’est la tomate dite “de segmentation” – regroupant différentes variétés spécialisées – qui enregistre la plus forte progression. Cette évolution reflète la stratégie de montée en gamme opérée par les exportateurs marocains, en réponse à une forte demande des marchés européens pour des produits plus spécifiques et à plus forte valeur ajoutée.

Cette segmentation permet ainsi à la région de Souss Massa de répondre efficacement aux exigences variées et évolutives des marchés internationaux, particulièrement européens, en adaptant constamment son offre aux préférences spécifiques des consommateurs finaux.

Il convient de souligner que cette saison, la superficie consacrée à la tomate ronde a connu une augmentation notable, estimée entre 10 et 15 %. Cette progression s’explique en grande partie par les subventions accordées par l’État, qui se chiffrent à 70 000 dh/ha pour les cultures sous serre, et à 40 000 dh/ha pour les variétés cultivées en plein champ. Selon les professionnels interrogés, ces aides représentent environ 10 % du coût annuel global d’une saison agricole. Par ailleurs, suite à l’interdiction récente de la culture de la pastèque, plusieurs régions du Maroc telles que Guelmim, Tata, Zagora, Chichaoua et Doukkala ont vu les producteurs rediriger leurs efforts vers la tomate. Ce phénomène de reconversion, encouragé par les aides financières, a ainsi permis une diversification et une augmentation des superficies plantées en tomate ronde, notamment en plein champ. La participation d’autres régions agricoles du pays à cette culture a également contribué à accroître l’offre et par conséquent à une baisse des prix sur le marché à certaines périodes.

Partout le ToBREF change la donne !

À l’échelle mondiale, la propagation rapide du virus ToBRFV perturbe considérablement les programmes de production, notamment en Italie, aux Pays-Bas, au Mexique et au Canada. En conséquence, les producteurs européens par exemple tendent désormais vers des variétés à haute valeur ajoutée telles que les spécialités à petits fruits, les tomates colorées et les anciennes variétés gustatives, permettant une meilleure valorisation commerciale.

En Espagne, la situation liée au virus reste relativement stable. Cependant, on observe une nette diminution des surfaces destinées aux tomates rondes classiques ainsi qu’aux tomates en grappe standards, au profit des types tomates raf, marmande, et les petits fruits en grappe, répondant ainsi à la demande croissante pour ces segments spécialisés.

Aux Pays-Bas et en Belgique, la conjonction entre l’impact sévère du ToBRFV et l’augmentation considérable des coûts de chauffage des serres (conséquence directe de la guerre en Ukraine) pousse de nombreux opérateurs à se réorienter vers le Maroc, voire la Tunisie, pour garantir leur approvisionnement. Certains choisissent de s’installer directement au Maroc, tandis que d’autres optent pour des collaborations stratégiques avec des partenaires locaux.

Par ailleurs, même si l’offre variétale tolérante au ToBRFV s’élargit constamment, producteurs et semenciers continuent activement leurs recherches afin d’identifier des variétés durablement résistantes. L’apparition de porte-greffes résistants constitue également une avancée notable.

Cette évolution entraîne un bouleversement profond du paysage variétal dans de nombreux pays. Autrefois dominé par une ou deux variétés principales, le marché est désormais beaucoup plus diversifié et ouvert à un large éventail de nouvelles variétés adaptées aux défis actuels. En effet, terrorisés par ce virus très compliqué à gérer qui peut être transmis par beaucoup de voies (substrat, semence, ouvrier, outils…), les producteurs sont devenus plus ouverts à essayer de nouvelles variétés et à varier leur assolement en diversifiant les variétés et en s’éloignant des leurs options traditionnelles.

Des contraintes croissantes dans la lutte phytosanitaire

La culture de tomates fait face à plusieurs défis phytosanitaires, comparables à ceux de la campagne précédente mais exacerbés par plusieurs facteurs environnementaux et réglementaires. Cette situation affecte significativement les rendements et la viabilité économique des exploitations.

Sur le plan phytosanitaire, la situation actuelle s’avère aussi complexe que celle de la campagne précédente. Les cultures de tomates sont confrontées à une multitude d’agents pathogènes et de ravageurs, notamment le virus ToBRFV, le fusarium race 3, le mildiou, l’oïdium, le botrytis, la Tuta absoluta et l’acarien rouge. Les vagues de chaleur successives ont considérablement favorisé la prolifération de ces organismes nuisibles, créant un environnement propice à leur développement et à leur propagation.

La lutte contre ces fléaux se heurte à deux obstacles majeurs. D’une part, les restrictions croissantes sur l’utilisation de nombreux produits phytosanitaires limitent considérablement les options de traitement à la disposition des agriculteurs. D’autre part, les coûts de production élevés, combinés à un manque de ressources, réduisent la capacité des producteurs à mettre en œuvre des stratégies efficaces de lutte contre ces parasites.

Face à ces contraintes, de nombreux agriculteurs se voient contraints de négliger les pratiques agricoles recommandées et les traitements appropriés. Cette situation conduit inévitablement à une diminution des rendements et, dans les cas les plus graves, à l’abandon des parcelles sévèrement affectées.

Parmi les défis phytosanitaires, deux menaces se distinguent particulièrement. Le virus ToBRFV représente une préoccupation majeure en raison de sa capacité à se propager rapidement et de son impact dévastateur sur les cultures. Parallèlement, on observe une recrudescence inquiétante des attaques de Tuta absoluta, un ravageur qui cause des dégâts considérables dans certaines exploitations.

Cette intensification des attaques de Tuta absoluta s’explique par plusieurs facteurs convergents :

– La forte pression de ce nuisible

– L’impact des changements climatiques sur son cycle de développement

– La réduction progressive des solutions insecticides disponibles

– L’émergence de résistances aux pesticides encore autorisés

– L’abandon des méthodes de lutte biologique traditionnelles, notamment l’utilisation du prédateur Nesidiocoris, par crainte qu’il ne devienne vecteur du virus ToBRFV

La réduction du nombre de pesticides homologués constitue l’un des défis majeurs auxquels les producteurs de tomates sont confrontés ces dernières années. Cette évolution réglementaire impacte directement la gestion des ennemis des cultures, avec des conséquences notables sur la longévité des cycles de production, les rendements et la qualité des tomates.

Dans ce contexte contraignant, les agriculteurs sont amenés à développer des stratégies alternatives de protection des cultures. Si cette approche permet de réduire le recours aux produits chimiques, elle exige néanmoins une gestion plus précise et un suivi rigoureux pour garantir son efficacité.

Faire face au ToBRFV et aux défis du marché

Ce virus continue de peser lourdement sur les rendements des exploitations, entraînant des pertes estimées entre 20 % et 30 % de la production totale. Face à ces dégâts, les producteurs se tournent de plus en plus vers des solutions durables, comme l’adoption de variétés plus résistantes, afin de préserver leurs récoltes.

Pour répondre à cette évolution, les maisons grainières intensifient leurs efforts de promotion en mettant en avant leurs nouvelles variétés. Elles organisent régulièrement des visites et des journées portes ouvertes, permettant aux producteurs d’évaluer les performances de ces nouvelles générations de tomates. Parmi les variétés présentées, on retrouve des tomates rondes de calibres 2 et 3, particulièrement prisées sur le marché, ainsi que des tomates cerise résistantes au ToBRFV, très recherchées tant pour leur capacité à faire face au virus que pour leurs qualités gustatives et esthétiques.

Au-delà de la résistance au ToBRFV, les producteurs recherchent également des variétés répondant aux exigences du marché, notamment en termes de rendement, de qualité des fruits et de fermeté, des atouts indispensables pour la commercialisation, en particulier à l’international.

De plus, ces variétés doivent offrir une meilleure tolérance aux pathogènes du sol, notamment le fusarium race 3, qui reste une menace pour les cultures. Pour y faire face, le choix de porte-greffes vigoureux s’avère déterminant, ceux-ci jouant un rôle central dans la santé des plantes, notamment en cas de stress environnemental.

Productivité, résistance, qualité : quelles variétés privilégier ?

Pour les producteurs-exportateurs marocains, choisir la bonne variété de tomate est déterminant pour garantir la rentabilité, la qualité, la productivité et la capacité à satisfaire les exigences des marchés internationaux.

Une variété performante doit avant tout être facile à cultiver et robuste, capable de s’adapter aux variations climatiques et aux différents types de sols. La productivité reste un critère fondamental pour assurer des revenus suffisants. Cependant, la stabilité d’une variété, c’est-à-dire sa capacité à produire de manière régulière d’une année à l’autre, revêt également une grande importance, notamment pour anticiper les volumes à exporter. Une variété offrant une qualité et des rendements constants permet d’optimiser la logistique et d’assurer un approvisionnement continu, indispensable pour fidéliser les acheteurs internationaux.

Un autre aspect essentiel est la capacité de la variété à bien supporter le transport et le stockage. Les tomates destinées à l’exportation doivent résister aux manipulations et aux longues périodes de transit sans altération, garantissant ainsi leur fraîcheur à l’arrivée chez le consommateur.

Les exigences des marchés en matière de calibre, de qualité et de résidus de produits phytosanitaires varient considérablement d’une destination à l’autre. En Europe, par exemple, les marchés nordiques, tels que la Suède et la Norvège, imposent des critères de qualité particulièrement stricts. Par ailleurs, certains pays ont des préférences spécifiques en termes de calibre : au Royaume-Uni, les tomates plus petites (130 à 150 grammes) sont prisées, tandis qu’en France, on privilégie généralement des fruits plus volumineux, pesant entre 150 et 170 grammes.

Le rôle du porte-greffe dans le choix variétal

Le choix du porte-greffe influence directement la réussite de la culture de la tomate. En pépinière, il doit offrir un bon pouvoir germinatif et une levée homogène pour garantir un greffage efficace. Pour les producteurs, il est essentiel d’opter pour un porte-greffe adapté à la variété : vigoureux pour les plantes peu robustes et modéré pour les variétés plus fortes.

Le système de culture conditionne également ce choix : en sol, la tolérance aux nématodes et aux pathogènes est prioritaire, tandis qu’en hors-sol, cet aspect est moins déterminant. Par ailleurs, face à l’émergence du fusarium 3 dans la région du Souss, les producteurs se tournent vers des porte-greffes vigoureux et résistants, bien que le choix sur le marché soit encore limitée. Il est recommandé de privilégier des fournisseurs reconnus pour garantir leur fiabilité génétique.

Néanmoins, la vigueur excessive de certains porte-greffes peut compliquer la gestion culturelle, notamment dans le cas des tomates cerise allongées, où un porte-greffe trop vigoureux se traduit par une diminution du taux de Brix. Pour identifier les combinaisons les plus performantes, des essais sont actuellement menés tant chez les producteurs que dans les stations expérimentales des semenciers.

Choix du duo gagnant !

Le choix de la bonne combinaison variété/porte-greffe permet aux producteurs de mieux répondre aux défis de production. Une telle combinaison offre une meilleure résilience face aux maladies et aux stress environnementaux. Elle garantit également une longévité de cycle plus importante, réduisant les risques liés à des arrêts de production dus aux maladies ou aux conditions climatiques extrêmes. Cette résilience se traduit par un rendement plus important et une capacité à mieux répondre aux exigences de marché, en termes de continuité, de quantité, de qualité et de taille des fruits.

Défis face à un environnement en mutation

De l’avis d’un producteur, actuellement, il est difficile de réduire les charges tout en maintenant la qualité de la production. Seuls quelques producteurs chevronnés sont capables de relever ce défi avec succès. Certains producteurs maintiennent la même quantité d’intrants et cherchent à obtenir de meilleurs prix auprès de leurs clients. D’autres optent pour une réduction des coûts et en tolérant une certaine réduction du rendement, ce qui peut finalement réduire leur rentabilité. Il s’agit d’un dilemme complexe pour les producteurs de tomates qui bataillent pour trouver le juste équilibre entre coûts, qualité et rentabilité.

Deux cycles courts au lieu d’un seul long !

Selon les professionnels interrogés, le passage de la production traditionnelle de tomates sur un seul long cycle annuel vers deux cycles distincts présente plusieurs avantages :

– Premièrement, cette pratique permet aux producteurs de répondre plus rapidement aux fluctuations du marché et surtout une continuité de l’offre tout au long de l’année, notamment bénéfique pour les producteurs de mini plum et d’autres spécialités à petits fruits, dont la clientèle réclame une disponibilité constante, y compris durant l’été.

– Deuxièmement, cette stratégie offre une réponse efficace face à la menace du virus ToBRFV. Plusieurs producteurs réalisent désormais un deuxième cycle, non greffé, à partir du mois de janvier, leur permettant ainsi d’obtenir des récoltes au printemps et en été. Selon eux, cette approche réduit significativement les coûts de production et permet d’avoir déjà récolté une quantité satisfaisante avant que le virus ne touche les cultures.

Adopter cette pratique au Maroc pourrait offrir des avantages significatifs, notamment en termes d’efficacité et de rentabilité. Cependant, il est essentiel de prendre en compte les spécificités locales. Une étude approfondie et des essais pilotes sont recommandés pour évaluer la faisabilité et l’impact potentiel de l’introduction de deux cycles de culture de tomates dans les zones concernées.

Hors sol et économie d’eau

Dans ce contexte, le Maroc a observé ces dernières années un essor de la culture hors sol, une technique qui a permis de répondre à plusieurs défis liés à la gestion des ressources en eau et à la résistance aux maladies. Cette méthode permet de mieux contrôler les facteurs environnementaux et de réduire les risques de maladies liées au sol. Elle permet également une meilleure utilisation de l’eau et un contrôle plus précis des nutriments, offrant ainsi aux producteurs une alternative face à la raréfaction des ressources en eau.

L’une des solutions les plus efficaces pratiquées dans d’autres pays pour optimiser la gestion de l’eau consiste à installer des systèmes de recyclage, qui permettent de récupérer et de purifier l’eau utilisée pour l’irrigation. Cependant, cette technique nécessite des investissements en infrastructure, notamment pour les canalisations et les systèmes de désinfection, afin d’assurer une qualité d’eau optimale pour la culture. Bien que coûteuse au départ, cette solution s’avère rentable à long terme, en particulier dans un contexte où l’eau devient une ressource de plus en plus précieuse.

Utilité de la comptabilité analytique

La comptabilité analytique constitue un outil précieux pour les producteurs, car elle offre une vision détaillée des coûts de production par unité de culture. Elle permet de ventiler les charges fixes et variables selon chaque type de production : main-d’œuvre, intrants, énergie ou matériel. Cette répartition aide les producteurs à mieux comprendre la rentabilité de chaque culture ou parcelle.

Son principal intérêt réside dans la prise de décisions avisées. Un producteur peut ainsi identifier les postes de dépenses les plus importants, comparer la rentabilité entre différentes cultures ou systèmes de production, et choisir les solutions les plus avantageuses. Elle contribue également à l’optimisation des ressources en mettant en lumière les coûts à réduire, tels que l’achat d’intrants ou la consommation d’eau, ce qui peut générer des économies significatives.

Outils d’aide à la décision

Plusieurs outils d’aide à la décision (OAD) complètent la comptabilité analytique en optimisant la gestion des exploitations agricoles. Ces solutions comprennent des logiciels de gestion intégrant des données économiques, climatiques et techniques. Ils permettent de simuler divers scénarios de production en tenant compte des prix du marché, des coûts des intrants et des rendements attendus.

Parmi ces outils, certains sont spécialement conçus pour gérer l’irrigation, prévoir les rendements ou analyser la rentabilité des cycles de culture. Ils facilitent l’ajustement des pratiques pour maximiser la rentabilité tout en limitant les risques. Ces applications se révèlent particulièrement utiles dans un contexte marqué par des variations climatiques et des fluctuations des prix des intrants, offrant aux producteurs une meilleure anticipation des aléas.

France : un emballage commun pour valoriser les tomates locales

Les producteurs de tomates cerises membres de l’association Tomates et Concombres de France, qui regroupe 20 organisations de producteurs (OP) et 2 producteurs indépendants, lancent un nouvel emballage de 250 g pour promouvoir l’origine française. L’objectif est de renforcer la visibilité des tomates françaises en rayon grâce à un visuel commun et facilement identifiable.

Ce packaging sera disponible dans les magasins partenaires dès le début de la saison, bien que la liste des distributeurs ne soit pas encore communiquée. Les tomates cerises seront conditionnées dans des barquettes en carton de 250 g avec flowpack, et pour certains producteurs, en emballages 100 % carton.

L’association souhaite également augmenter progressivement les volumes proposés chaque année, afin de répondre à la demande croissante. Le nouvel emballage devrait être présent en rayons tout au long de la saison de production française.