La compréhension et l’amélioration de la résistance des plantes aux stress biotiques et abiotiques sont essentielles pour une agriculture durable. En combinant des approches traditionnelles de sélection variétale avec des technologies modernes comme les bio-stimulants et les osmoprotecteurs, les agriculteurs peuvent mieux protéger leurs cultures et assurer une production stable et de haute qualité. Les recherches continues et l’innovation joueront un rôle déterminant pour relever les défis posés par les changements climatiques et les pressions environnementales croissantes.
Les plantes sont constamment exposées à divers stress qui peuvent nuire à leur développement et à leur productivité. Ces stress sont classés en deux catégories principales : les stress biotiques et les stress abiotiques. Les stress biotiques sont causés par des organismes vivants tels que les champignons, les insectes et les bactéries, tandis que les stress abiotiques résultent de facteurs environnementaux non vivants comme la sécheresse, les températures extrêmes et la salinité.
Défense contre les stress Biotiques
Les stress biotiques, causés par des organismes vivants obligent les plantes à développer des mécanismes de défense sophistiqués. Par exemple, elles peuvent sacrifier les cellules infectées pour empêcher la propagation des pathogènes, renforcer leurs barrières mécaniques en épaississant leurs parois cellulaires, et produire des métabolites antimicrobiens ainsi que des enzymes capables de dégrader les pathogènes.
Les plantes disposent également de mécanismes de reconnaissance des pathogènes grâce à des molécules signal présentes dans les parois des micro-organismes. Cette reconnaissance déclenche une réponse immunitaire systémique qui renforce la résistance de l’ensemble de la plante contre une variété de pathogènes. Des stimulateurs des défenses des plantes (SDP), ou éliciteurs, peuvent être utilisés pour préparer la plante à une attaque future en mimant l’attaque d’un pathogène sans provoquer la maladie. Ces agents, souvent d’origine microbienne ou végétale, activent les mécanismes de défense des plantes, offrant ainsi une méthode préventive contre les infections. Mais le producteur peut également intervenir pour les aider à améliorer leur résilience.
Les réponses aux stress Abiotiques
Les stress abiotiques, tels que la sécheresse, les températures extrêmes, la salinité, le rayonnement solaire, les carences nutritives, le vent… perturbent gravement les fonctions physiologiques des plantes, affectant leur croissance et leur rendement.
Le stress hydrique et salin est celui qui affecte de manière importante les végétaux. C’est même la tolérance à ce stress qui détermine la répartition des espèces végétales sur la surface de la terre. En situation de stress hydrique, la plante met en place des mécanismes d’adaptation pour rééquilibrer son statut hydrique, souvent aux dépens d’une fraction de son métabolisme.
L’eau est indispensable aux plantes à tous les niveaux :
– à l’échelle moléculaire, l’eau agit comme matrice pour toutes les réactions enzymatiques au niveau de la phase photochimique de la photosynthèse et apporte de l’hydrogène et de l’oxygène.
– à l’échelle de la cellule, l’eau a un impact direct sur l’architecture des organes et leur élongation.
– à l’échelle de la plante, elle permet l’assimilation des solutés présents dans le sol et leur migration vers les parties aériennes de la plante, tout en assurant en parallèle une régulation thermique des tissus exposés aux rayons du soleil. Par conséquent, un déficit en eau prolongé modifie les composantes du rendement.
La demande climatique, communément appelée évapotranspiration potentielle (Etp), engendre une perte d’eau au niveau des stomates. En l’absence d’une ressource en eau suffisante et accessible aux racines de la plante, la plante perd une partie de son eau interne et le potentiel hydrique des cellules s’abaisse. Les conséquences sont multiples mais la principale d’entre elles est une réduction de la photosynthèse qui se traduit par :
– Une réduction de l’expansion cellulaire : une baisse du potentiel hydrique des cellules conduit à une réduction de la pression de turgescence, moteur de la croissance cellulaire. Les cellules sont alors plus petites, ce qui se traduit par une plus faible taille des feuilles. La surface foliaire de la plante étant réduite, sa capacité à intercepter de la lumière baisse, de même que son potentiel photosynthétique.
– Une réduction de l’afflux de CO2 : la chute de la pression de turgescence conduit à une fermeture des stomates ce qui réduit la capacité de la plante à absorber du dioxyde de carbone, limite sa transpiration et ralentit la photosynthèse.
– Un détournement des nutriments destinés aux organes en croissance : pour maintenir son statut hydrique, la culture cherche à accroître la pression osmotique présente dans ses cellules en réduisant sa transpiration et en augmentant son pouvoir de succion vis-à-vis de l’eau du sol. Elle détourne alors une partie des métabolites destinés aux organes en croissance vers les cellules. Ils servent alors d’osmolytes pour accroître la pression osmotique.
– Une élévation de la température des tissus végétaux : l’évaporation de l’eau a un fort pouvoir thermorégulateur des tissus photosynthétiques. Par conséquent, une réduction de la transpiration conduit à une élévation de température des tissus des feuilles en particulier. Selon les espèces, la réaction photosynthétique a un optimum thermique qui peut être fortement dépassé dans des tissus exposés au soleil et à faible transpiration. Le développement phénologique d’une culture, conditionné par des cumuls de temps thermiques, sera donc accéléré si les tissus s’échauffent par déficit de transpiration. Ainsi, certains stades sont précipités car la plante « ressent » une température plus élevée, ce qui se traduit par une moindre durée calendaire des phases phénologiques et donc une moindre interception de la ressource lumineuse.
Les tomates tolèrent mieux le stress hydrique que d’autres cultures comme les poivrons et les concombres. Elles peuvent modifier leurs processus physiologiques afin de conserver l’eau tout en poursuivant leur croissance. L’exposition au stress hydrique tôt dans la saison (durcissement) rend la plante plus tolérante à tout autre épisode de stress survenant plus tard dans la saison. Bien que cette adaptation permette à la tomate de survivre là où d’autres cultures auraient subi des torts irréparables, un stress hydrique prolongé affecte toutefois le rendement, car il en coûte à la culture beaucoup d’énergie.
Aider la culture à lutter contre les stress
Seules les plantes adaptées à vivre dans des conditions d’aridité et de salinité sont capables de mettre en œuvre de manière spontanée les mécanismes d’ajustement osmotique et de neutralisation des radicaux libres. Ces plantes sont préparées génétiquement pour fabriquer les osmoprotectants et les anti-oxydants. Par contre, la plupart des plantes à intérêt agronomiques sont incapable de fabriquer ces molécules de manière spontanée en réponse à un stress hydrique ou salin.
Pour tirer profit du potentiel des plantes cultivées dans des conditions de chaleur, de sécheresse et de salinité, l’agriculture dispose de deux options complémentaires :
– Prévenir le stress en adoptant des modes de conduite qui permettent de baisser l’intensité du stress (choix de variétés tolérantes, choix de la saison, travail et amendement des sols, fertilisation et irrigation adaptées…).
– Lutter contre le stress par l’augmentation de la tolérance des plantes au stress hydrique et salin.
Avancées de la recherche
Les recherches sur la résistance des tomates à la sécheresse ont montré qu’il est possible de cultiver des variétés capables de survivre et de produire un bon rendement même avec une irrigation minimale. En sélectionnant des plants résistants parmi des milliers de variétés et en utilisant des techniques d’hybridation, des chercheurs ont pu développer des tomates qui tolèrent mieux la sécheresse tout en conservant une bonne teneur en sucres, une belle couleur et une texture adéquate. Cette approche permet de tirer parti de la biodiversité naturelle pour améliorer les cultures.
Quant à l’amélioration génétique, faisant appel aux techniques de transformations génétiques, elle est encore en phase de recherche. Il s’agit d’introduire chez les plantes cultivées les gènes qui confèrent la capacité de perception du stress et du déclanchement des mécanismes d’osmo-régulation et de détoxification.
Des travaux de recherche se concentrent également sur l’amélioration des systèmes racinaires des plantes pour mieux résister aux stress abiotiques. En identifiant des traits génétiques de résistance et en utilisant des interactions symbiotiques avec des micro-organismes bénéfiques, les chercheurs visent à développer des cultures plus résilientes. Ils ont testé des lignes de tomates résultant du croisement entre deux espèces pour la résistance à six différents facteurs de stress abiotiques. Les résultats ont été analysés pour trouver les régions du génome qui contrôlent les traits spécifiques. De plus, des milliers d’échantillons de sève ont été évalués pour mieux comprendre le rôle de la communication hormonale dans la gestion du stress par les plantes.
Par ailleurs, des chercheurs franco-grecques ont étudié l’impact du prétraitement des racines de jeunes plants d’agrumes avec du peroxyde d’hydrogène (H2O2), communément appelé eau oxygénée et avec du monoxyde d’azote (NO) sur l’acclimatation de ces plantes à la salinité. Leurs résultats démontrent que de tels prétraitements réduisent fortement les effets préjudiciables qui accompagnent le stress salin tels que le flétrissement des feuilles ou l’inhibition de la croissance des plantes. Une analyse de la composition en protéines des feuilles a permis de révéler que 85 protéines voient leurs niveaux d’accumulation varier en condition de stress salin. De manière remarquable, une grande partie de ces changements ne sont pas observés lorsque les plantes sont prétraitées au préalable soit avec du peroxyde d’hydrogène (H2O2) soit avec du monoxyde d’azote (NO).
Des apports exogènes pour aider les cultures
Il s’agit d’apporter à la plante par voie foliaire ou racinaires des molécules osmoprotectantes et anti-oxydantes ou d’autres molécules qui leur sont précurseurs. Des produits plus ou moins spécifique sont déjà d’usage sous la désignation de bio-stimulants ou anti-stress, comme :
– Les extraits d’algues : ils ont une action polyvalente. En plus des osmorégulateur (glycine bétaine, proline, Mannitol…), ils contiennent également des anti-oxydants (acide ascorbique, caroténoïde, …) ainsi qu’un ensemble d’oligo-éléments, d’acides aminées, de sucres et de vitamines.
– Les acides humiques et fulviques : Ils n’ont pas un rôle dans l’osmorégulation, mais peuvent jouer un rôle dans la neutralisation des radicaux libres.
– Les acides aminés : les produits communément vendu sous cette désignation contiennent tous les acides aminés qu’on peut trouver chez les êtres vivants. Ils sont présents à des concentrations variables et seuls quelques-uns (proline par exemple) ont un rôle dans la tolérance aux stress hydrique et salin.
A noter que les extraits d’algues, les acides humiques et fulviques ainsi que les acides aminés sont des produits à action polyvalente et non spécifique au stress osmotique. Leurs concentrations en osmorégulateurs et en anti oxydants est plus ou moins faible.
Cependant, il existe des produits purifiés et concentrés en un ou deux principes actifs spécifiques à la lutte contre le stress osmotique. Ces produits sont des extraits de plantes adaptés aux stress osmotique. Leur fabrication nécessite des techniques d’extraction et de purification très avancées qui sont brevetées par leur obtenteur. Parmi les produits disponibles actuellement, on trouve des produits à base de Glycine bétaine purifiée, des produits à base de caroténoïdes, des produits à base d’acide ascorbique et des produits à base de sucre comme le Tréhalose.
L’osmoprotecteur le plus puissant
La glycine bétaïne est l’osmoprotecteur le plus puissant du monde végétal. Elle se déplace dans toute la plante et régule la pression osmotique dans les cellules végétales afin d’éviter la fuite de l’eau hors de la cellule aboutissant à sa mort. Elle dynamise également la circulation des flux de sève permettant la mobilisation de l’eau et une bonne circulation des nutriments comme le calcium et les autres oligo-éléments. De la même manière, elle diminue le point de cristallisation de l’eau à l’intérieur des cellules de la plante. Cela permet de baisser la température de gelée et donc d’éviter l’éclatement des cellules et la mort de la plante.
En viticulture, par exemple, en application foliaire à la fin de la floraison, la glycine bétaïne améliore la nutrition en cas de fortes chaleurs. Et trois semaines avant la récolte, elle permet une meilleure résistance à l’éclatement/fissuration des baies et améliorera la tenue du raisin de table en post récolte.
L’absence de microfissures barre la route aux agents pathogènes comme les champignons.
La réussite réside dans la prévention des agressions. Chaque agriculteur connaît les risques de fortes chaleurs et sait jusqu’à quand une gelée peut encore avoir lieu au printemps.
Le réchauffement climatique promet des épisodes de sécheresse et de canicule de plus en plus sévères. Les osmoprotecteurs ont donc un bel avenir en agriculture pour protéger naturellement les récoltes.
Augmenter la productivité grâce à l’azote nitrique et d’iode
Plus de 50% des terres agricoles irriguées dans le monde sont affectées par des problèmes de salinité. Lorsque les plantes sont cultivées dans un sol salin ou avec de l’eau d’irrigation avec une CE élevée, toute augmentation supplémentaire de la salinité dans la zone d’enracinement doit être évitée afin de ne pas provoquer une diminution du rendement et de la qualité. En effet, l’accumulation de sodium, de chlorure et de sulfate dans le sol augmentera encore plus la salinité du sol.
Un lessivage des sols salins, dans le but de se débarrasser des sels indésirables, peut réduire le problème de salinité, mais il provoquera aussi un lessivage des éléments minéraux bénéfiques. Cela augmente l’empreinte hydrique du produit, réduit l’efficacité de l’absorption des nutriments et augmente les coûts des engrais.
La tolérance des plantes à la salinité peut être augmentée en améliorant la gestion des éléments nutritifs des plantes sous différents aspects. Une nette différence de tolérance au stress hydrique est signalée entre une alimentation des plantes à base nitrique et une alimentation à base ammoniacale. La nutrition azotée nitrique peut avoir un effet positif sur la résistance des plantes au stress lié à la salinité, en particulier lorsque l’azote nitrique est utilisé comme source d’azote à la place de l’azote ammoniacal. Il est important d’apporter l’azote selon un équilibre NO3/NH4 optimal. Il est aussi important d’apporter une quantité suffisante de potassium et d’iode dans la solution nutritive et ce, afin d’empêcher une absorption excessive d’ions néfastes tels que le sodium à travers la solution, dans la racine.
Le métabolisme de l’azote nitrique augmente la quantité d’hormones végétales, telles que les cytokinines, impliquées dans la résistance au stress lié aux excès de sels. Il améliore également à la tolérance de la plante en favorisant l’absorption des cations tels que le calcium ou le magnésium dans des conditions salines.
Les plantes ont besoin d’azote pour synthétiser les acides aminés et produire des protéines, telles que le RuBisCO, les acides nucléiques, les hormones et la chlorophylle. Récemment, il a été découvert qu’un nouveau micro-élément – l’iode – fait partie de bon nombre de ces protéines importantes. L’iode aide la plante à surmonter les effets néfastes de la salinité en augmentant la production de composés phénoliques antioxydants et qui est aussi important au niveau de la croissance racinaire.
De plus, des mesures pour augmenter la croissance du système racinaire peuvent aider la plante à atteindre les couches de sol moins affectées par une forte accumulation de salinité et de bonnes teneurs en oligo-éléments dans la plante peuvent également l’aider à empêcher ou réparer des dégâts survenant dans les cellules liées des espèces réactives de l’oxygène (ROS). Les ROS sont produits dans la cellule en réponse à des concentrations toxiques de sodium ou de chlorure résultant d’une concentration élevée de ces ions dans l’eau d’irrigation.
Une récente découverte a prouvé qu’une carence en iode en production végétale compromettra à la fois la croissance des racines et les mécanismes de résistance de la plante aux stress oxydatifs. Des essais pratiques avec du nitrate de potassium contenant de l’iode ont clairement montré les bénéfices d’un apport suffisant en iode sur l’amélioration de la croissance des racines.
Dans diverses publications scientifiques, des effets bénéfiques de l’iode sur la synthèse des antioxydants en cultures horticoles (sur salade et tomate notamment) ont été clairement démontrés. Par exemple, des essais à l’université de Grenade en Espagne ont montré une augmentation de 28% de la production de feuilles grâce à un apport d’iode sur des salades qui étaient alors soumis à un stress salin – induit par le chlorure de sodium. L’explication de l’effet protecteur de l’iode était d’une part une plus faible absorption de sodium par les feuilles, et d’autre part une production plus élevée de composés phénoliques antioxydants.
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