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Acariens clés des agrumes au Maroc

Approche proactive pour lutter contre

les acariens clés des agrumes au Maroc

Dr. Rachid BOUHARROUD (INRA-Agadir)

 Les agrumes sont d’une importance économique indiscutable pour le Maroc. Cependant, la conduite des vergers nécessite de plus en plus, une grande technicité dans les domaines de l’irrigation, fertilisation, … et lutte phytosanitaire où il s’agit de lutter contre les champignons, virus, insectes et acariens. Ces derniers font partie de ces ravageurs redoutables qu’il faut surveiller de près afin de garantir une bonne production de qualité. Pour s’alimenter ils introduisent leur stylet dans les tissus de la feuille (mésophylle) pour absorber le contenu cellulaire y compris la chlorophylle qui est le facteur vital de la plante. L’assimilation du CO2 et la transpiration sont ainsi considérablement affectées. Les stomates sont également touchés et restent fermées. Dans cet article, nous présenterons les 3 acariens les plus redoutables sur agrumes au Maroc ainsi que les méthodes de lutte disponibles.

   

Tetranychus urticae

  1. urticae est un arachnide qui appartient à la famille des Tetranychidae. La larve est reconnue par une couleur vert-clair avec 3 paires de pattes. La protonymphe et la deutonymphe présentent 4 paires de pattes et des taches plus foncées et la femelle de forme ovale, mesure 0.6 mm en longueur avec une couleur jaune- verdâtre. Il est à signaler que la femelle hivernante prenne la couleur rouge-orangé et cette hivernation est stimulée par les journées à courte photopériode mais aussi par un manque de nourriture.

Cet acarien montre un développement optimal à des températures variant entre 30 et 32 °C et la femelle peut pondre plus de 100 œufs dans une période de 30 jours. Le mâle ressemble à la femelle mais avec une petite taille et un corps étroit et effilé. Le cycle biologique total peut prendre entre 8 et 12 jours en fonction de la température. On ignore le nombre de génération de T. urticae sur agrumes mais sur les autres cultures il est inférieur à 10 générations par an.

  1. urticae est plus polyphage par rapport aux 2 autres acariens des agrumes (P. citri et E. orientalis). Les symptômes se manifestent par des taches chlorotiques sur les feuilles et les fruits et une défoliation en cas de forte infestation.
  2. urticae peut se déplacer activement pour chercher son hôte ou passivement par le vent ou moyennant les outils de travail et les ouvriers.

Panonychus citri

  1. citri appartient aussi à la famille des Tetranychidae. La femelle a une forme globulaire mesurant 0.5 mm. Sa couleur est rouge pourpre et sa face dorsale porte des soies blanches et les pattes sont jaunes. Elle pond entre 20 et 50 œufs au niveau de la nervure médiane des 2 faces de la feuille. Le mâle est plus petit avec un abdomen effilé à sa partie postérieure. La durée de son cycle biologique est en général 12 jours mais elle pourra être plus courte en températures dépassant 30°C. P. citri peut s’alimenter aussi bien sur les feuilles que sur les fruits. Le nombre de génération varie de 12 à 15 par an. Les symptômes se manifestent par des feuilles mouchetées (surtout sur la face supérieure) et des fruits avec un aspect plombé qui persiste après maturité et en déverdissage. En cas de forte infestation, on assiste à une défoliation remarquable.

Eutetranychus orientalis

L’acarien rouge oriental Eutetranychus orientalis, de la famille des Tetranychidae, s’est installé au Maroc il y a quelques années. La larve a une taille moyenne de 0.19 mm. La protonymphe et la deutonymphe ont une couleur allant du brun-clair au vert-clair et une taille moyenne de 0.24 mm. La larve hiverne en conditions défavorables (Photopériode courte surtout).

La femelle est ovale et aplatie avec une couleur variant du brun clair au vert foncé portant des tâches plus foncées à l’intérieur du corps. Les pattes plus longues que le corps sont jaune-brun. Elle peut pondre plus de 30 œufs durant son cycle de vie. Le mâle plus petit que la femelle est allongé en forme de triangle avec de longues pattes. La durée du cycle biologique varie de 10 à 12 jours. Le nombre de génération peut atteindre 27 par an.

Il commence à se nourrir sur la face supérieure de la feuille le long de la nervure médiane et se propage ensuite aux nervures latérales, les feuilles deviennent chlorotiques à la suite de ces dégâts. Les fruits ne sont pas attaqués. Les infestations sévères peuvent causer la chute des feuilles et le dessèchement des rameaux. Il est a signalé que E. orientalis ressemble beaucoup à E. banski et seule l’identification sous microscope peut confirmer la détermination.

Comment lutter contre ces 3 acariens redoutables ?

D’une façon générale, la stratégie de lutte qui a donné ses fruits avec les acariens des agrumes reste l’approche proactive qui consiste à lutter contre ces ravageurs avec un volume de bouillie relativement faible (juste après la taille) et quand les conditions sont défavorables : population réduite, photopériode courte, température basse et hivernation. Ainsi, le traitement d’hiver est obligatoire en conventionnel comme en lutte intégrée ou biologique.

Monitoring :

Le principe d’inspection des feuilles pour les acariens ravageurs et pour les prédateurs est similaire dans plusieurs pays producteurs d’agrumes comme les USA, l’Espagne et la Turquie, cependant, les seuils d’intervention diffèrent d’un pays à l’autre et d’une région à l’autre (cas des USA). Au Maroc, les seuils les plus faibles sont en général adoptés. Ainsi, en absence d’ennemis naturels, les seuils d’interventions doivent se baser sur la présence sur 5 feuilles de 3 individus mobiles par feuille et plus de 10% des feuilles infestées. En présence de prédateurs, aucune intervention chimique n’est nécessaire si le taux de prédateurs est supérieur à 40% (40 acariens prédateurs sur 100 feuilles inspectées). Il faut préciser que le monitoring des acariens prédateurs se fait sur les feuilles de l’intérieur de la frondaison.

Traitements chimiques :

Plusieurs matières actives acaricides peuvent être appliquées pour lutter contre les acariens à savoir acequinocyl, dicofol, fenbutatin oxide, hexythiazox, huiles, propargite, pyridabène, spirodiclofène, bifenazate (sous réserve d’homologation sur les agrumes au Maroc). Le savon potassique est aussi envisageable à condition de bien mélanger la bouillie avant application. L’application à l’eau claire a montré aussi une bonne maitrise de ces acariens et surtout T. urticae.

Une attention particulière devra être accordée à E. orientalis. Un traitement ovicide/larvicide est pleinement justifié vu l’hivernation de cet espèce au stade larvaire. C’est pourquoi on assiste à une pullulation synchronisée de la population de E. orientalis durant son premier pic en avril qui surprend généralement les gérants des vergers non ou mal traités en hiver.

Sur le plan pratique, on distingue 2 types de traitements de ‘’nettoyage’’ ou de ‘’maintenance’’. Le traitement nettoyant est le plus important en termes de coût et de stratégie puisqu’il conditionne la fréquence des traitements en période à haut risque (pic). Ce type de traitement consiste en général en une seule application après la taille, d’une huile minérale, de souffre ou autre acaricide ovicide/larvicide. Il faut préciser que l’huile minérale et le souffre présentent en plus de leur toxicité acaricide l’avantage d’une compatibilité relative avec la faune auxiliaire.

Il faut noter que les populations des 3 acariens tetranyques clés des vergers d’agrumes ont 2 pics au cours de la campagne : le premier vers Avril et le deuxième en Septembre d’une durée longue par rapport au premier pic.

La décision des traitements au cours des périodes à haut risque se base sur les enregistrements du monitoring et sur l’inspection des zones susceptibles d’être foyer à acariens (bordures et arbres non ou mal traités au cours du traitement de nettoyage).

Pratiques culturales :

D’une façon générale et plus particulièrement dans le cas des acariens, les pratiques culturales sont d’une grande utilité puisqu’elles participent à la réduction de la population de ces redoutables ravageurs. Par ordre d’importance on peut citer :

  1. Irrigation optimale évitant le stress hydrique.
  2. Fertilisation optimale évitant l’excès d’azote.
  3. Plantation des brise-vents pour réduire la vitesse du vent et le dépôt de poussière.
  4. Arrosage des allées entre parcelles et limitation de vitesse en vue de réduire le dépôt des poussières sur les feuilles. La poussière est un bon facilitateur de déplacement des acariens.
  5. Désherbage des parcelles tout en gardant une partie pour l’activité des auxiliaires.

 Lutte biologique :

Plusieurs espèces d’ennemis naturels en particulier les acariens phytoseiidae peuvent être de bons candidats à la lutte biologique contre les tétranyques clés des agrumes. La condition sine qua non pour la réussite d’un programme de lutte biologique est le suivi journalier au cours de la période des pics des populations de la densité des ennemis naturels. Euseius stipulatus était le premier candidat et le plus testé dans les conditions marocaines parmi les ennemis naturels des acariens tétranyques. La coccinelle Stethorus est un bon prédateur qui s’adapte mieux à nos conditions sauf qu’elle est limitée par les fortes températures. Des études ont montré que la lutte conjointe avec Neoseiulus californicus et Amblyseius swirskii est envisageable. Des essais au stade recherche ont confirmé l’activité prédatrice de Conwentzia psociformis et Scolothrips longicornis. Concernant les parasites on peut citer Beauveria bassiana et Hirsutella thompsonii.

Les études de lutte biologique contre E. orientalis sont rares et dans ce sens le ministère a débloqué des fonds dans le cadre du contrat programme avec l’AMABIO et les institutions de recherche Marocaines pour financer des essais de recherche/développement pour la lutte biologique en verger d’agrumes.

Autres acariens :

Aceria sheldoni appelé communément acarien des bourgeons appartient à la famille des Eriophydae. Il attaque les feuilles, les fleurs et les fruits et dépend étroitement des bourgeons où il pond ses œufs. Les dégâts se manifestent par des fruits déformés et par la chute des jeunes fruits. En lutte conventionnelle, un acaricide spécifique est nécessaire en période d’attaque (A partir de Septembre), cependant, en lutte biologique le principal prédateur est Euseius sp. Il est à signaler que le citronnier est très sensible à cet acarien.

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