Les populations de graminées adventices résistantes aux herbicides sont en augmentation depuis de nombreuses années. Plus récemment, ces résistances se développent de façon préoccupante sur les dicotylédones. Tous les moyens d’action doivent être mobilisés.
Une adventice est dite résistante dès lors qu’un herbicide utilisé à la dose supposée efficace ne contrôle plus les populations et que ses caractères de résistance sont acquis par sa descendance. Les antigraminées appartenant aux familles des « fop », « dime » et « den » (groupe de mode d’action HRAC A) et les sulfonylurées (groupe HRAC B) sont principalement touchées par ce problème. Néanmoins, les cas de dicotylédones résistantes se multiplient. D’autres modes d’action, comme le groupe O (2.4D) sur coquelicots ou le groupe K3 (flufénacet) sur ray-grass, voient leur efficacité diminuer.
Deux principaux types de résistance
La résistance à un herbicide est un phénomène naturel et spontané (les populations résistantes sont ensuite « sélectionnées » par l’utilisation des herbicides). Elle peut être définie comme un mécanisme généralement simple, transmissible à au moins une partie de la descendance, qui donne la capacité à une plante de supporter des doses létales pour les autres individus de l’espèce.
Deux grands types de résistance se distinguent – même s’il en existe d’autres, beaucoup moins fréquents :
- la mutation de cible, une mutation génétique qui concerne directement le site d’action de l’herbicide (généralement une enzyme), ce dernier ne peut alors plus se fixer et ne peut agir ;
- la résistance par détoxication, dans ce cas la substance active herbicide est dégradée dix à vingt fois plus qu’une plante sensible, rendant son action nulle ou très limitée. Dans la mesure où il s’agit d’une dégradation, elle s’exprime à des niveaux extrêmement variables. Par ailleurs, cette résistance interfère sur l’action de multiples herbicides, sans lien particulier entre eux. Ce type de mécanisme est probablement le plus répandu chez les graminées résistantes aux inhibiteurs de l’ALS.
Dans les deux cas, l’alternance des modes d’action et des familles chimiques utilisés minimise les risques d’apparition de populations résistantes, sans garantie toutefois que cela soit suffisant. Ce premier principe à mettre en œuvre doit être complété par d’autres leviers, agronomiques notamment.
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Différents facteurs de risque
Au sein d’une parcelle, la présence de plantes résistantes est d’autant plus probable que l’infestation est importante. Il convient d’être vigilant sur les apports « extérieurs », en particulier lors de la récolte, au moment du passage de la moissonneuse-batteuse entre deux parcelles.
La vitesse du développement de la résistance des adventices aux herbicides dans une parcelle dépend de plusieurs facteurs, liés aux plantes elles-mêmes, mais aussi aux pratiques culturales. Ainsi, des plantes allogames – qui reçoivent du pollen d’un autre individu pour qu’il y ait fécondation – présentent des fréquences d’apparition de résistance supérieures aux plantes autogames, du fait d’un brassage génétique plus important.
La fréquence des individus résistants dans la population originelle, de même que la densité des mauvaises herbes, sont des facteurs aggravants. En théorie, plus la population est importante, plus la probabilité d’apparition d’individus résistants est importante.
L’utilisation trop fréquente d’herbicides ayant le même mode d’action entraîne une pression de sélection élevée. Cela favorise la survie d’individus présentant une meilleure adaptation à ces traitements. De même, une modulation de dose, peu efficace sur la population à gérer, contribue à l’apparition de résistances.
D’un point de vue agronomique, des rotations courtes, voire simplifiées (monoculture par exemple) créent une pression de sélection extrêmement importante sur les adventices. On observe alors une réduction du nombre de leurs espèces, qui s’adaptent également plus facilement au milieu dans lequel elles se trouvent.
La résistance des adventices aux herbicides est un phénomène directement lié à l’historique de la parcelle (pratiques culturales, application d’herbicides…). Chaque cas de résistance n’est pas imputable à un paramètre précis.
L’apparition d’une résistance est aléatoire, sur le plan spatial comme temporel ; c’est l’application d’un même mode d’action qui la met en lumière.
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Réduire la pression des adventices
La lutte préventive est basée sur une bonne gestion agronomique des parcelles : assolement équilibré (alternance de cultures d’hiver et de printemps), travail du sol en interculture et à l’implantation, alternance des familles d’herbicides.
En situation d’échec d’efficacité, ne pouvant être expliqué par de mauvaises conditions d’application (conditions météo défavorables, stade des adventices non adapté à la période de traitement, levées ultérieures à l’application, dose d’herbicide trop faible…), une résistance peut être suspectée. Certains indices, tel que la présence à proximité dans la parcelle de plantes détruites par l’herbicide et de plantes indemnes, augmentent la probabilité de cette hypothèse.
Dans ce cas, des mesures s’imposent pour maîtriser la population résistante et éviter de la disséminer dans d’autres parcelles : diversifier la rotation et inclure des cultures de printemps (ou des cultures d’hiver pour la résistance d’adventices estivales, type ambroisie), labourer après un échec de désherbage (surtout en graminées), réaliser des déchaumages superficiels ou des faux-semis et détruire toutes les levées avant le semis, utiliser des herbicides appartenant à d’autres groupes de mode d’action que celui mis en cause, récolter en dernier une parcelle infestée d’adventices résistantes (graminées, ambroisie…) et nettoyer la moissonneuse-batteuse après la récolte.
Ces mesures ont pour objectif de diminuer la pression des adventices et in fine le risque de développement de populations résistantes. C’est la première stratégie à mettre en œuvre avant de désherber.
Ajuster les herbicides
Face à un problème de résistance dans une parcelle, le premier réflexe est d’identifier le mode d’action concerné ou la substance qui ne fonctionne plus. Idéalement, il ne faut plus l’utiliser – sauf si elle est indispensable pour contrôler d’autres adventices non concernées par la résistance, comme les coquelicots résistants aux sulfonylurées dont l’utilisation reste indispensable en cas de présence de carotte sauvage.
Ensuite, il convient de mettre en œuvre des programmes de désherbage (plusieurs passages) avec des modes d’action différents. Le succès de cette stratégie dépend aussi de l’absence de résistance croisée entre les herbicides utilisés. Dans les situations les plus difficiles (vulpins résistants aux groupes B et A), le programme d’automne est indispensable (prélevée puis post levée précoce).
Une autre stratégie est celle des « mélanges » qui consiste à combiner au moins deux herbicides ayant des modes d’action différents. Il s’agit ainsi d’exposer les adventices simultanément à plusieurs herbicides qui les contrôlent efficacement. Cette stratégie repose sur la très faible probabilité de voir apparaître une double résistance. Cependant, son coût peut être un frein, les herbicides devant être utilisés à leurs doses efficaces, généralement à pleine dose. En cas de sous dosage de chacun des produits, cette stratégie anti-résistance est plus discutable.
Veiller constamment à la maîtrise du salissement
Les pratiques favorables à la gestion et à la prévention des populations résistantes sont assez bien connues des agriculteurs avertis. Cependant, leur mise en œuvre, souvent chronophage et coûteuse, limite leur utilisation, en particulier dans les grandes exploitations. Elles impliquent aussi une certaine prise de risque.
Si les mesures de gestion agronomique sont efficaces sur beaucoup de graminées, il n’en va pas de même pour la plupart des dicotylédones. Leur biologie, notamment leur production grainière importante et la persistance des semences dans le sol, réduisent les actions de ces leviers.
Concernant le désherbage chimique, il est primordial d’appliquer les produits dans les meilleures conditions : éviter les modulations de doses insuffisamment efficaces, respecter les stades d’applications et les bonnes conditions d’hygrométrie et de température.
Prévenir le risque de résistance, chez les graminées comme chez les dicotylédones, impose une alternance rigoureuse des modes d’action herbicide. Cette alternance doit se faire à l’échelle d’une culture (herbicides en programme ou en association) mais aussi à l’échelle de la rotation. Les agriculteurs et les conseillers agricoles n’ont pas toujours une connaissance parfaite des modes d’action associés aux différents herbicides. Cette information mériterait un affichage clair sur les bidons et les notices techniques.
La gestion préventive de la résistance repose sur un équilibre précaire, entre systèmes de culture diversifiés, utilisation d’herbicides de modes d’action différents et performances technico-économiques. Les exigences réglementaires, comme la sortie annoncée du glyphosate (groupe HRAC G – unique), réduisent la diversité des modes d’action. Un report sur un nombre plus restreint de produits entraine un réel risque de progression rapide des populations résistantes.
Plus que jamais, il est nécessaire de veiller constamment à la maîtrise du salissement des parcelles en utilisant toutes les marges de manœuvres possibles (éviter les montées à graines, lots de semences propres, nettoyage attentif du matériel…).
Source : Arvalis & Terres Inovia
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