Au Maroc, la superficie occupée par la culture de tomate de plein champ destinée à la consommation en frais avoisine les 6.000 ha. La tomate conduite en déterminée occupe 2.000 ha principalement dans les régions du Haouz, Doukkala, Skhirate Tadla, Gharb (Tiflet, Mnasra, Dlalha, Kénitra), Saiss et l’Oriental. Quant à la tomate indéterminée, elle concerne 4.000 ha surtout sur la zone côtière Skhirat-Oualidia.
Historique des variétés
Tomates lisses et tomates côtelées
Depuis que la tomate est produite au Maroc, aussi bien pour le marché local que pour l’export, les variétés utilisées en plein champ (avant l’introduction des serres) provenaient soit de variétés fixées commercialisées par les maisons grainières installées au Maroc soit récupérées par les producteurs sur les fruits de leur production précédente.
Deux types de variétés étaient utilisés par les maraichers, correspondant à deux périodes de production et d’exportation : les tomates lisses, produites essentiellement en automne dans la région d’Agadir et la tomate côtelée produite en printemps dans la zone côtière Nord allant de Skhirat à Oualidia. Cependant, entre les deux périodes subsistait une période hivernale sans production de tomate.
Il faut signaler qu’initialement la période export n’était pas limitée dans le temps puisque les producteurs pouvaient exporter toute l’année. Ultérieurement le calendrier de production allait en se rétrécissant pour se limiter à la période de Novembre-Mai au cours des années 1970. À la fin de cette période, le marché français –absorbant la majeure partie des exportations– est devenu de plus en plus exigeant envers la tomate marocaine qui commençait d’ailleurs à souffrir de problèmes de qualité et de baisse des prix de vente export. Par conséquent l’OCE a lancé alors un plan d’action primeurs, suivi par un plan national de développement du maraichage soutenu par la banque mondiale. Dans le cadre de ces plans, le maraichage a connu un développement spectaculaire englobant l’introduction des cultures sous abris et de tout l’itinéraire technique lié à ce nouveau mode de production inconnu jusqu’alors dans notre pays. Parmi ces améliorations techniques a été introduit le recours aux variétés hybrides à haut potentiel génétique. Les cultures de plein champ ont également profité de cette évolution et le recours aux variétés hybrides a été progressivement généralisé.
Parallèlement à cette mutation le rétrécissement du calendrier de production, les exigences du marché export et l’extension de la production sous abris ont conduit à l’abandon rapide de la tomate côtelée de la zone nord qui ne répondait plus aux nouvelles normes et à la période export.
Évolution des potentialités génétiques des variétés
Les nouvelles variétés introduites au début de cette transformation profonde des modes de production et de la mentalité des intervenants (producteurs, ouvriers, …) étaient celles que les nouveaux fournisseurs de semences utilisaient dans le sud de l’Espagne, choix qui s’est révélé judicieux pour le lancement de ce genre de production au Maroc. Ainsi, ces nouvelles variétés hybrides, présentant de nombreux avantages, étaient plus productives, permettant une qualité et une maturité régulières, et possédaient une caractéristique nouvelle pour l’époque : la résistance variétale. En effet, les premières variétés introduites aussi bien sous abri qu’en plein champ présentaient une résistance unique, concernant le TMV (Tobacco Mosaic Virus) qui s’est avérée suffisante tout au long de plusieurs années de production. Ultérieurement, suite à l’intensification de la production et à la culture de la tomate sur les mêmes parcelles d’une année à l’autre, d’autres maladies ont fait leur apparition nécessitant des variétés plus adaptées que les précédentes. Par conséquent, les semenciers ont proposé de nouvelles variétés de plus résistantes ou tolérantes, essentiellement à des maladies et parasites que les méthodes de lutte d’alors ne pouvaient éradiquer, d’autant plus que plusieurs produits de traitement ont été interdits. On peut citer parmi ces maladies, le Verticillium, le Fusarium, les nématodes, etc.
Aujourd’hui, les maisons grainières ont apporté un important enrichissement variétal et technique (greffage, bourdons pollinisateurs, toile P17, …), ainsi qu’une segmentation importante, liés en plus aux exigences des marchés et des certifications.
Exigences variétales actuelles
Au Maroc, en termes de superficie et de nombre de graines vendues, la tomate de plein champ à croissance indéterminée est un marché très important. Ce qui justifie les efforts des semenciers pour répondre aux attentes des producteurs par le développement de variétés plus performantes.
La tomate de plein champ est un marché globalement stable dominé depuis plusieurs années par un certain nombre de variétés phares. Cependant, de nouvelles obtentions prometteuses sont en développement et occupent chaque année plus de surfaces, grâce à leurs caractéristiques qui séduisent de plus en plus de producteurs à la recherche de meilleures performances et tolérances aux facteurs de stress notamment le TYLCV. En effet, ces dernières années, certaines variétés ont montré leurs limites face à ce virus, ce qui s’est traduit par des dégâts importants au niveau des champs de tomate.
Globalement, le producteur marocain de tomate recherche des variétés offrant un haut potentiel de rendement, avec une maturité de production plus ou moins groupée (problème de main d’œuvre) et un niveau élevé de tolérance aux maladies (fusarium, nématodes, TYLCV….). Sur le plan qualitatif et en réponse aux exigences des consommateurs, les agriculteurs optent pour des variétés offrant des tomates de bon calibre, bien rondes, fermes, rouges, homogènes et peu sensibles aux chocs.
D’autres facteurs influencent également le choix variétal des producteurs notamment les résistances à la salinité qui caractérise certaines zones de production, au transport (Long shelf life) et aux ennemis de culture surtout dans les zones affectées. En effet, la culture de plein champ reste vulnérable parce qu’elle ne dispose pas des mêmes moyens de protection que la culture sous serre. Les plantes sont confrontées tout au long du cycle de production à de multiples risques phytosanitaires, notamment le Tylc en été, Tuta absoluta à partir de mars, en plus des acariens toute l’année et des maladies fongiques. Ainsi, sont mis sur le marché des génotypes résistants ou tolérants à certaines maladies et ravageurs (dont le Tylc, l’alternaria, le mildiou et l’oïdium, ainsi que les maladies bactériennes). Ces variétés permettent ainsi un contrôle phytosanitaire intégré plus efficace tout en diminuant le recours à l’utilisation des pesticides.
L’apparition de variétés de tomate tolérantes au Tylcv a permis la limitation des dégâts de ce virus transmissible par la mouche blanche. Cependant, les producteurs déplorent le fait que cette tolérance peut être brisée par les températures élevées, surtout pendant le cycle estival.
Concernant la préparation des plants, certains producteurs font appel aux pépinières professionnelles tandis que d’autres préfèrent préparer eux-mêmes les plants directement dans leur exploitation. La densité de plantation dépend de la vigueur végétative des variétés utilisées et du mode de conduite. Elle se situe généralement autour de 10.000 à 12.000 plants/ha pour la tomate déterminée. Pour les variétés indéterminées, la densité est de 10.000 plants/ha avec une conduite sur deux bras dans les zones à faible salinité de l’eau d’irrigation et 18.000 plants/ha pour la conduite sur un bras dans les zones à forte salinité de l’eau.
Région d’El Jadida
Une culture traditionnelle en constante adaptation
La bande côtière qui s’étend entre Mohamedia et Oualidia connait chaque année la culture de 2.000 ha environ de tomates de plein champ de type indéterminé. Elle peut être divisée en deux zones principales de culture : la zone de Skhirat-Mohammadia, qui se caractérise par un seul cycle de production et des plantations qui s’étalent de mars à juin, et la zone Doukkala qui englobe les régions d’El Jadida, Ouled Ghanem et Oulad Aissa.
Lors d’une visite dans la région d’El Jadida l’occasion s’est présentée pour rendre visite à un producteur de tomate et de longue date. Il s’agit de M. Bassit El Mokhtar de Ouled Salah à quelques kilomètres à l’Est d’Eljadida. En plus de courgette et autres légumes, il produit de la tomate de plein champ depuis 15 ans, sur une superficie moyenne de 15 ha/an dont une partie en location auprès des agriculteurs du voisinage. C’est un producteur connu dans le milieu professionnel pour son sérieux et son engagement assurant à ses cultures tous les besoins en intrants et facteurs de production et n’hésitant pas devant les dépenses et efforts nécessaires, même s’ils sont très coûteux. En même temps qu’il est très exigeant dans ses choix de variétés, de parcelles, … n’hésitant pas à essayer de nouvelles variétés (celles-ci étant en constante évolution) et apports pour répondre aux besoins du marché en termes de tonnages et de qualité.
Ainsi, et d’après M. Bassit, la production de tomate indéterminée de plein champ dans la région a lieu en deux créneaux :
– Cycle précoce : les semis se font courant janvier-février pour une entrée en production en avril-mai. Les variétés utilisées sont non tolérantes au Tylc (vu la faible pression du virus en cette période) et à gros calibre pour limiter l’effet de la salinité de l’eau d’irrigation. Pour une culture bien conduite, la production peut atteindre 100 à 130 t/ha alors qu’elle ne dépasse pas 60 à 80 t/ha en général surtout quand la salinité de l’eau est élevée et que la conduite de la culture n’est pas bien menée.
– Cycle normal : les semis sont étalés entre avril et juillet pour une production commençant en aout et pouvant se poursuivre jusqu’en décembre et même janvier. Les variétés adoptées pour ce créneau son vigoureuses et tolérantes au Tylcv en raison de la prolifération de la mouche blanche pendant cette période.
À signaler que la production des plants est effectuée localement par le producteur lui-même et que les plantules restent dans les plateaux en moyenne un mois jusqu’à leur plantation
Caractéristiques de la région
Dans la région, signale M. Bassit, la salinité de l’eau d’irrigation est très fréquente et varie d’un puits à l’autre pouvant atteindre une conductivité électrique entre 3 et 5 milimhos/cm. Il rappelle dans ce sens, que plus la salinité de l’eau est élevée, plus elle a un effet dépressif sur la production. Ainsi une salinité de 5 mmhos/cm cause une chute de 25% de la production et avec 4 mmhos/cm la baisse est de 17% sachant que pour une production optimale un taux de 3 mmhos/cm et moins est nécessaire.
La qualité du sol est essentielle également et les parcelles ayant déjà connu la production de tomate sont à éviter, d’où la difficulté de trouver des terrains relativement vierges dont les prix de location sont de plus en plus chers en plus des réticences de leurs propriétaires.
La recherche de parcelles nouvelles est justifiée entre autres, par la nécessité de traitements des sols ayant déjà porté des cultures de tomate et dont le coût de traitement est plus élevé que le prix de la location.
Itinéraire technique
Depuis que M. Bassit a commencé dans le domaine de la tomate plein champ, les techniques de production n’ont pas beaucoup évolué.
– La plantation se fait avec une distance de 1,40 m entre rangs et 80-90 cm entre plants sur les lignes (lignes jumelées avec alternance des plants des deux lignes)
– La densité de plantation varie entre 16.000 et 18.000 plants à l’hectare, sachant que la conduite des plantes de tomate se fait sur deux bras (la tige principale et un rejet)
– Dans cette configuration, chaque plante peut produire en moyenne 8 kgs de tomates
– Sur le plan phytosanitaire les principaux fléaux enregistrés par la production dans la région sont le Tylc en été, Tuta absoluta à partir de mars, en plus des acariens toute l’année et l’oïdium. Les traitements sont coûteux et s’ils ne sont pas bien menés, les rendements peuvent être sérieusement affectés.
Dans ce cadre, il faut signaler quatre pratiques culturales utilisées par les producteurs D’El Jadida : Décaler les dates de semis par rapport à la période d’activité de l’insecte et à son alimentation, arracher les mauvaises herbes qui peuvent héberger l’insecte ou le virus, éviter la plantation de cultures proches à risque de contamination comme le poivron et les haricots, utiliser des produits fertilisants pour renforcer la vigueur de la plante.
Commercialisation
- Bassit explique que les ventes se font sur place entre le producteur et les intermédiaires et les prix varient d’une année à l’autre et au cours de la même campagne et dépendent du marché, de l’offre et la demande. Certains producteurs peuvent tenter de vendre eux-mêmes leur production sur les marchés de Casablanca ou du Nord du Maroc mais les coûts élevés du transport et frais d’approche sont prohibitifs.
Quel avenir ?
Quant à l’avenir de la tomate de plein champ dans la région, M Bassit est très réservé surtout avec une offre de plus en plus importante alors que la demande ne suit pas. En outre, la production de tomate d’Agadir commence à se prolonger jusqu’à la période estivale qui est la principale sur le plan commercial pour les producteurs de la région. Par ailleurs cette production du Sud commence à les concurrencer également sur le créneau d’octobre novembre qui était dédié essentiellement à la région côtière d’El Jadida habituée à assurer une production de juin à décembre. En plus, il fait remarquer que le gap entre le prix de vente entre producteur et consommateur est de trois fois ou plus, suite aux nombreuses interventions des intermédiaires.
Complémentarité
La production de tomates la plus ancienne et la mieux répartie au Maroc est la production de plein champ. Traditionnellement localisée à proximité des zones de consommation, elle a profité de l’évolution des transports pour conquérir d’autres terroirs de plus en plus éloignés.
Le marché marocain est approvisionné en tomates fraiches sans interruption 12 mois par an grâce à la complémentarité des productions de plein champs et de serres. Les récoltes de tomate de plein champs s’échelonnent d’avril jusqu’à décembre, en fonction des conditions climatiques (pluie, froid) et des prix du marché. Pendant cette période, les tonnages issus des abris serres du Souss sont faibles ce qui permet de valoriser le produit sur le marché local. La tomate de plein champ permet donc de compléter l’offre de serre, afin d’éviter toute rupture en termes d’approvisionnement quantitatif et qualitatif.