Le mildiou constitue une menace partout où la pomme de terre est cultivée et particulièrement pour les cultures en climats frais et humides. En pression élevée de maladie, la maîtrise du mildiou nécessite des traitements préventifs et répétés, alors qu’une lutte inadaptée peut se traduire par des dégâts économiques importants. Ce champignon se développe au champ mais également au stockage avec un pouvoir de contamination important et les pertes peuvent atteindre 100% de la récolte.
Le mildiou de la pomme de terre, une maladie causée par l’agent pathogène Phytophthora infestans, est l’un des plus grands défis pour cette culture. Bien que cette maladie soit connue depuis longtemps et bien étudiée, elle est toujours redoutée dans toutes les régions de production. Dès que les conditions météorologiques sont favorables au développement de l’agent pathogène, celui-ci peut engendrer des pertes importantes de récolte. De plus, quand l’humidité de l’air est élevée, une température moyenne supérieure d’un degré seulement accroît nettement le potentiel de l’agent pathogène, ce qui est un constat alarmant face au réchauffement climatique. En moyenne, Phytophthora détruit environ 16 % de la production mondiale annuelle de pommes de terre. Dans l’Union Européenne, les pertes et les dépenses pour la lutte contre la maladie occasionnent des coûts annuels estimés à environ un milliard d’Euros.
Parmi les sources de contamination les plus fréquentes à partir desquelles se propage la maladie, les semences contaminées, les décharges de vieilles pommes de terre et les repousses dans les champs, à savoir les repousses individuelles d’une ancienne récolte et qui se développent la saison suivante. Étant donné que le cycle de développement de l’agent pathogène n’est que d’environ 3 à 5 jours, la maladie a la capacité de se répandre extrêmement vite sur le plan régional lorsque les conditions atmosphériques sont favorables.
Combiner différentes approches
Plusieurs stratégies peuvent être employées afin de réduire les pertes causées par Phytophthora dans la culture de la pomme de terre. Les différents moyens de lutte disponibles ont tous leurs propres limites, soit en termes d’efficacité, de toxicité ou d’applicabilité. De plus, chaque stratégie de lutte doit être adaptée aux conditions locales. Les perspectives de réussite sont optimales lorsque l’on combine plusieurs stratégies dont le choix doit se faire au cas par cas. Une combinaison de ces approches contribue à rendre la culture de la pomme de terre nettement plus rentable et écologique à la fois. L’utilisation de modèles prédictifs fiables et un diagnostic affiné sur le terrain sont des conditions primordiales pour pouvoir prendre les contre-mesures appropriées et ciblées sans perdre de temps.
Mesure prophylactiques
- Opter pour la rotation culturale entre les solanacées et les autres familles.
- Eliminer les résidus des précédents culturaux (repousses et feuilles) et les mauvaises herbes (surtout de la famille des solanacées).
- Choisir une variété relativement résistante (dans la mesure du possible) et une semence saine et certifiée.
- Désinfecter les lieux de stockage des récoltes précédentes et l’outillage.
- Conduire la culture en butte.
- Eviter l’irrigation par aspersion.
- Eviter les excès d’azote.
- Eliminer régulièrement les fanes et les plants malades.
La lutte chimique
En complément des mesures prophylactiques, du suivi fiable de l’infestation et du diagnostic précoce d’épidémies, il est déterminant de choisir la stratégie fongicide et les produits les plus adaptés pour venir à bout du mildiou. De préférence, les traitements doivent être réalisés en préventif afin de lutter efficacement contre le mildiou. Le choix du produit approprié (contact, systémique, etc.) est régi par plusieurs paramètres à savoir le stade de la plante, le but du traitement (préventif ou curatif) et l’étendue de l’aire de traitement (foyer ou général).
Pour assurer le succès de la lutte contre la maladie, on utilise, la plupart du temps, une combinaison de plusieurs préparations qui doivent être répandues plusieurs fois selon les conditions de l’année. Les fongicides disponibles sont adaptés à différents stades de développement du plant. Ces préparations se différencient par leur mécanisme d’action, ce qui augmente non seulement leur efficacité mais ralentit également la capacité de Phytophthora à s’adapter à ces fongicides.
Pour le choix du fongicide, différentes propriétés seront requises tout au long de la saison de culture, selon le stade phénologique, la pression de la maladie et l’état sanitaire du champ. Il existe ainsi différentes solutions qu’il convient de choisir selon la situation :
– Produits de contact sans protection des tubercules, qui assurent une action préventive par destruction des spores lors de leur germination,
– Produits de contact ou assimilés, avec protection des tubercules. Ils offrent une forte action préventive sur les spores avec une diminution du potentiel de germination. Ils permettent la protection du feuillage, des tiges et des tubercules
– Produits pénétrants ou translaminaires avec ou sans rétroaction (curativité). Ils permettent de protéger aussi bien le feuillage que les tiges et les tubercules
Les nouvelles spécialités fongicides offrent de nombreux atouts par rapport aux produits de contact conventionnels : durée d’action plus longue, résistance au lessivage, protection des organes en croissance et des tubercules, ou encore un effet anti-sporulant. Ces produits permettent également l’alternance des modes d’action et contribue à prévenir les risques d’apparition de souches résistantes. Les bénéfices d’un programme de lutte construit avec ces nouveaux produits sont entre autres :
– Programme moins dépendant des conditions climatiques,
– Gain de temps grâce à une gestion optimisée des chantiers de travail pour un investissement fongicide maîtrisé,
– Nombre de passages et IFT (Indice de Fréquence de Traitement) réduits grâce à un moindre lessivage.
Parmi les caractéristiques intéressantes des nouvelles solutions, leur fixation rapide dans les cires cuticulaires des feuilles mettant ainsi le produit à l’abri du lessivage. En migrant progressivement dans les tissus de la plante, la matière active offre une grande régularité et un haut niveau d’efficacité. L’action translaminaire assure la protection des deux faces de la feuille et l’effet diffusant permet de protéger les jeunes feuilles en croissance.
Il faut aussi savoir que l’efficacité de la protection fongicide dépend de plusieurs paramètres, notamment la qualité du traitement : les conditions météorologiques et le moment d’application pression, volume, vitesse d’avancement et type de buse
Résistance au lessivage
La résistance au lessivage des fongicides anti-mildiou peut varier de 20 à 25 mm d’eau de pluie ou d’irrigation par aspersion pour les produit les moins résistants au lessivage, à plus de 100 mm pour les produits de contact haut de gamme. Les produits diffusants ou pénétrants ne sont pas sensibles au lessivage sauf s’il pleut dans l’heure qui suit le traitement.
Protéger les tubercules
Le mildiou sur feuilles est inquiétant car il dissémine la maladie mais le mildiou sur tubercules est encore plus redouté car il amène des risques de pourriture en conservation. C’est pourquoi, les spécialistes de la protection des cultures recommandent une protection de la pomme de terre jusqu’au défanage. Il existe par exemple des spécialités qui agissent sur la mobilité des spores du mildiou sur tubercules.
Par ailleurs, il faut éviter toute condition propice à son développement :
- éviter de récolter quand l’environnement est humide et s’il se met à pleuvoir pendant la récolte il faut arrêter l’opération.
- manipuler les tubercules de façon à minimiser les meurtrissures car toute blessure peut favoriser les infections.
- enlever le plus de terre et de rebuts possibles.
- bien aérer les entrepôts car le manque de courant d’air favorise l’apparition de points chauds et la décomposition des tubercules.
Dans ce contexte, il existe aussi bien de nouveaux produits mis au point à partir de substances actives synthétiques que des approches compatibles avec les exigences de l’agriculture biologique.