Le melon est un fruit qui présente un certain « contenu culturel ». Alors que l’on peut manger à peu près les mêmes tomates en Afrique du Nord, en Espagne, en Italie, en France ou aux Pays-Bas, les types variétaux et les cultigroupes de melon varient considérablement d’un pays à l’autre. Les « Piel de sapo », « Tendral » ou « Amarillo » espagnols n’ont rien à voir avec les « Soihla » ou « Jaune canari » marocains, les « Beji » tunisiens ou les « Charentais » français. Cela complique évidemment la tâche du sélectionneur qui travaille pour un marché étroit mais rend passionnante l’étude de la diversité de cette espèce.
Le melon présente une grande diversité de cultivars dans le monde et fait l’objet d’une sélection variétale intense. Les sélectionneurs croisent toutes les typologies du melon, avec des axes de sélection différents. Ainsi, la famille, déjà très large sur la planète, ne cesse de s’agrandir. Ce qui ne veut pas dire que le consommateur lambda trouve tous ces melons sur les étals. Bien au contraire, plus que tout autre fruit, le melon reste lié aux habitudes locales de consommation. En effet, les américains ne veulent que des melons western ou eastern shippers, les espagnols du piel de Sapo, les français du charentais, les turcs du Kirkagac, tandis que les marocains raffolent de jaune canari, de galia et de melon ananas. Comme l’explique un expert, le melon est une madeleine de Proust. Dans tous les pays du monde, les consommateurs ne veulent que “leur” melon. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé d’introduire certaines innovations. Mais rien à faire, aux dires des semenciers. Ainsi, un Anglo-Saxon en vacances dans un autre pays va acheter le melon local, mais, de retour chez lui, n’en voudra pas. C’est comme si les consommateurs avaient une relation amoureuse d’exclusivité avec leur melon. Autant la tomate s’est mondialisée, autant le melon reste “régionalisé”. « Il faut 10 ou 15 secondes pour choisir des tomates, mais il y a tout une théâtralisation pour le melon : on le soupèse, on le retourne dans tous les sens, on le hume », ajoute-t-il.
Le bon choix variétal pour mieux satisfaire la demande
La création variétale est un long processus, où de plus en plus de qualités doivent être conjuguées : performances agronomiques, résistances aux maladies, souplesse de récolte, rendement commercial, conservation, sans oublier bien sûr les qualités gustatives. Un hybride de melon se façonne étape par étape et c’est un compromis entre toutes ces caractéristiques.
Au Maroc, chaque année, les semenciers organisent des journées de présentation de leurs nouvelles variétés en essai. L’occasion pour les producteurs de découvrir les grands axes de développement menés autour de cette espèce phare et les solutions variétales apportées par les sélectionneurs pour répondre aux attentes de l’ensemble de la filière. Ce type d’évènement permet aux invités de constater de visu les caractéristiques et avantages de chaque variété en essai : couleur et aspect, durée du cycle, résistances aux maladies, aptitude au transport… De même, la dégustation organisée sur place permet aux invités de se faire une opinion personnelle sur le taux de sucre et les qualités gustatives des variétés cultivées.
Les échanges qui se font avec les professionnels lors de journées portes-ouvertes comme celles-ci sont très utiles pour comprendre les attentes des uns et des autres et adapter l’offre commerciale à la demande des marchés. D’après les semenciers interrogés, l’agriculteur recherche en premier lieu une variété productive qui va lui permettre de rentabiliser ses efforts. Vu le fait que la vente se fait généralement sur pied, il recherche également une variété à même de séduire les acheteurs qui viennent visiter les parcelles, grâce à sa végétation, son calibre ainsi qu’au brodage et à la couleur attractive des fruits.
Pour les producteurs, une bonne variété est également celle qui présente une flexibilité de la production avec un rendement étalé sur toute la période de production, un aspect extérieur homogène, une bonne qualité organoleptique (arômes et brix élevé), et la même qualité quel que soit le terroir de production.
La bonne aptitude à la conservation, la rugosité et la fermeté de l’écorce favorisent l’écoulement des fruits vers des marchés éloignés des zones de production. L’un des avantages des nouvelles variétés est que, même après la pleine maturité, le fruit peut résister après récolte, jusqu’à son arrivée chez le consommateur. Ceci offre au producteur plus de flexibilité pour la commercialisation de sa production. Il est ainsi moins sensible à la pression des acheteurs et des intermédiaires.
Haute technologie et évaluation terrain : un cocktail gagnant !
L’apparition de nouvelles technologies fait évoluer le métier de sélectionneur mais l’objectif est inchangé : proposer des variétés innovantes et compétitives pour la filière. Aujourd’hui, le travail d’un sélectionneur est vaste et diversifié et c’est ce qui fait la richesse de ce métier. Parmi les axes de recherche, la qualité du fruit et le rendement commercial sont les piliers de tout programme de sélection. Mais depuis de nombreuses années, les axes de recherches se sont élargis et diversifiés pour répondre aux attentes et besoins des producteurs. Ainsi, les caractéristiques de résistance aux maladies, de tenue de plante, de flexibilité de récolte et de tenue en conservation sont devenues hautement prioritaires. Combiner toutes ces qualités dans un seul et même melon est un challenge, mais les nouvelles technologies sont là pour aider les sélectionneurs.
L’objectif de la sélection variétale est double : plaire aux consommateurs au niveau du goût, de la texture, etc., mais aussi répondre aux besoins des agriculteurs qui cherchent des variétés résistantes aux maladies, entre autres. « Grâce au marquage moléculaire qui existe depuis une vingtaine d’années et aux biotechnologies, nous pouvons aller plus loin dans la recherche et trouver des résistances aux ennemis de culture plus facilement », explique un sélectionneur. Par ailleurs, la demande sociétale pour un plus grand respect de l’environnement, vise à réduire l’utilisation des produits phytosanitaires. Pour y parvenir, l’innovation variétale, par l’introduction de résistances génétiques aux maladies et ravageurs, est une voie prometteuse (puceron, différentes races de fusarium, oïdium…).
Le sélectionneur, par ses choix, ses observations et ses notations, crée des solutions variétales en phase avec les attentes. Après quoi, les variétés sélectionnées par la recherche doivent passer l’épreuve du terrain, dans des conditions les plus diversifiées possibles, et notamment évaluer leur niveau de résistance en conditions réelles et sous forte pression maladie. Une multitude d’essais de comportement dans tous les bassins sont menées, afin de valider l’intérêt de nouveaux hybrides, déterminer le bon créneau d’utilisation et définir l’itinéraire technique approprié. Ce travail requiert une expérience approfondie du terrain, pour proposer à chaque producteur la solution variétale la plus adaptée à ses besoins ainsi que des recommandations pour sa conduite.
Les outils de biologie moléculaire, permettent d’avancer et de réagir rapidement et assurent un flux de variétés possédant des caractéristiques génétiques uniques : résistance intermédiaire à la fusariose, à l’oïdium, gène pucerons et demain des résistances à bien d’autres maladies et conditions.
Les nouvelles variétés sont testées au champ, afin d’évaluer leur niveau de résistance en conditions réelles et sous forte pression maladie. Ce mariage entre technologie de pointe et évaluation de terrain est essentiel. C’est la clé de voûte du programme de sélection, un atout majeur pour proposer des produits uniques aux producteurs.
Pour les semenciers, le développement variétal s’appuie aussi sur l’expérience et la créativité des équipes de terrain et des stations, dans différents pays. Ce sont elles qui assurent la découverte et l’évaluation des innovations. Ainsi des dizaines d’essais mesurés sont mis en place chaque année pour évaluer les nouvelles variétés. Cela permet de valider l’intérêt agronomique de ces hybrides sous différentes conditions climatiques et culturales. De plus, les nouvelles technologies améliorent la qualité des mesures prises au champ et donc fiabilisent le processus de sélection.
Les exigences pour qu’une variété rentre au catalogue d’un semencier en fin de parcours sont nombreuses. Certaines années peuvent même être vierges de toute nouveauté… et heureusement, d’autres très riches.
Maitrise de la conduite
À noter en fin que le choix judicieux de la variété de melon à cultiver est certes important pour assurer un bon rendement et une bonne qualité du fruit, mais d’autres facteurs contribuent également à la réussite de la campagne y compris le climat, la qualité du sol et de l’eau, ainsi que les soins apportés par le producteur (irrigation, fertilisation, protection phytosanitaire, stade de récolte…). Ainsi le melonnier doit notamment instaurer un bon équilibre végétatif/génératif tout en assurant un système végétatif capable de supporter toute la charge de la plante en fruits. Il doit également maitriser la gestion de l’irrigation pour éviter l’éclatement des fruits et de la fertilisation azotée pour éviter l’avortement et améliorer l’accroche des fruits. De même, la gestion de la culture en période de chaleur ou de vents chauds (chergui) nécessitent un soin particulier pour éviter la perte de fruits à cause de coups de soleil.