La pourriture grise causée par Botrytis est l’une des maladies les plus destructives et les plus répandues chez les fraisiers. Les symptômes de la pourriture grise peuvent se manifester avant la récolte tout comme sur les fruits déjà récoltés.
Identification
Les pétales infectés par Botrytis brunissent à mesure que la maladie progresse sur les fleurs. Des taches brunes se forment sur le calice et le fruit et produisent une croissance fongique d’un blanc gris. Une masse de moisissure grise et poudreuse vient à recouvrir la surface du tissu infecté. Les fruits atteints finissent par s’assécher et se momifier. Botrytis infecte à l’occasion le collet des fruits dans les entrepôts réfrigérés.
Biologie
La pourriture grise Botrytis est causée par le champignon Botrytis cinerea. Les feuilles mortes des fraisiers sont la source la plus importante des spores qui infectent les fleurs et les fruits quand les conditions deviennent favorables. Les spores de Botrytis sont dispersées par le vent ou les éclaboussures. Les nouveaux bourgeons floraux et les fleurs de fraisiers épanouies sont très sensibles à l’infection transmise par ces spores. Les infections des fruits restent habituellement dormantes dans le fruit immature puis elles deviennent transmissibles à mesure que les fruits murissent. Cette infection latente explique pourquoi la pourriture peut apparaître sur de nombreux fruits qui sont pourtant sans symptômes apparents à la récolte.
Aux endroits où Botrytis répand ses spores, la surface de bon nombre de fraises risque d’être contaminée par ces spores avant la récolte. Des infections secondaires peuvent se produire ensuite par des blessures microscopiques sur les fruits après la récolte. Les spores germent et infectent les fraises à des températures variant entre 0 °C et 26 °C, mais la température optimale pour leur propagation est de 20 °C. Les spores ont besoin d’eau pour germer et exigent une période d’humidité dont la durée varie selon la température.
Période d’activité
Les plants de fraisier sont sensibles à Botrytis durant la floraison et de nouveau lorsque les fruits murissent. Les infections s’intensifient à des températures modérées (15 à 20 °C), lorsque l’humidité relative est élevée et que les plants sont humides au moment de la floraison. L’incidence de l’infection est hautement reliée avec l’abondance des précipitations au cours des 11 à 30 jours précédant la première récolte.
Notes de surveillance
Seul un dépistage attentif des premiers fruits verts permet de déceler le début du développement de la moisissure grise. Il faut surveiller l’apparition de sépales noircis et l’apparition d’une zone brunâtre qui se développe sur le fruit, juste sous les sépales. Attention cependant de ne pas confondre les symptômes avec d’autres maladies comme l’anthracnose (sur les fruits), la pourriture amère (sur les fruits) et la tache commune (sur les sépales). L’observation en culture est par ailleurs très importante, notamment lorsque les fleurs sont blessées par le gel et donc plus sensibles aux infections.
Examiner le centre des rangs, là où l’humidité relative est la plus élevée. Les plus vieilles plantations où les débris végétaux se sont accumulés avec le temps sont le plus à risque. Les fleurs blessées par le gel sont très sensibles à l’infection par Botrytis.
Moyens de lutte culturaux
Choix du site et type de plantation
Le site, la densité, la méthode de plantation et le volume d’abris doivent faire en sorte d’assurer un séchage rapide du feuillage et des fleurs afin de limiter le développement du champignon. Ainsi, il faut choisir un site où l’air circule facilement, avec une bonne exposition au soleil, sur un sol qui se draine bien. Et toujours pour assurer un séchage rapide du feuillage, il est préférable d’orienter les rangs dans le sens des vents prédominants.
Rotation
Une façon simple d’éviter les problèmes de pourriture grise est de faire une rotation courte. La quantité d’inoculât n’a pas le temps de s’accroître au point de provoquer des pertes importantes. L’inconvénient majeur de la rotation courte se situe au niveau du coût d’implantation des fraisiers qui revient plus souvent. Il s’agit donc d’une méthode plus facilement envisageable pour de petites superficies que pour des grandes.
Résistance variétale
On ne connaît pas de variétés de fraises résistantes au botrytis, mais leur sensibilité est variable. Les variétés dont les fleurs et les fruits se trouvent en-dessus des feuilles, celles qui forment des fruits fermes avec un long pédoncule et des sépales ne plaquant pas contre le fruit sont considérées comme moins sensibles. Et la sensibilité diminue encore si le cône central ne mûrit qu’après la chair qui l’entoure.
Mesures préventives
Les mesures préventives sont indispensables pour éviter le maintien de l’eau sur l…a plante et pour aérer la culture. Les plantations suffisamment aérées, gérées avec un bon contrôle de la fertilisation et de l’irrigation, préviennent le développement accru de la pourriture grise.
Il est possible de diminuer fortement les dégâts de botrytis en prenant des mesures indirectes comme enlever systématiquement de la fraisière toutes les feuilles sèches et, pendant la récolte, tous les fruits pourris.
Un des meilleurs moyens de prévenir la pourriture grise est de briser son cycle de vie en éliminant tout simplement les feuilles des fraisiers après la récolte. L’effet de cette technique ne se fait toutefois sentir que la saison suivante. En pratique, il y a plusieurs façons d’éliminer les feuilles, soit le brûlage, le fauchage, l’enfouissement et l’enlèvement à la main des feuilles.
Fertilisation
La fertilisation azotée a un rôle important à jouer dans le contrôle de la pourriture grise. Ainsi, un chercheur américain a trouvé que l’incidence de la pourriture grise est accrue grandement lorsqu’on double la quantité appliquée d’un engrais azoté soluble. L’effet de la fertilisation azotée serait en fait indirect : elle provoque une croissance de feuilles abondantes, ce qui fait que l’humidité reste plus longtemps, favorisant ainsi le développement de la pourriture grise. Le chercheur évalue que l’accroissement de rendement provenant de cette application de l’engrais azoté ne compense pas pour autant les pertes encourues par l’accroissement des problèmes de pourriture grise.
Paillis
L’utilisation d’un paillis de plastique, essentielle à plusieurs points de vue en production de fraises, permet aussi de diminuer le niveau d’inoculât et le contact des fruits et des fleurs avec le sol. Le paillis permet donc de diminuer autant la pourriture grise que d’autres types de pourriture moins fréquents mais qui s’attaquent aux fruits entrant en contact avec le sol.
Désherbage
Les fraisières infestées de mauvaises herbes qui peuvent être hôte de Botrytis, sont des sources supplémentaires d’inoculât, quoique négligeables par rapport aux feuilles de fraisiers. Plus que leur rôle mineur comme agent de transmission de la maladie, les mauvaises herbes abondantes vont faire en sorte que l’humidité reste élevée plus longtemps près des fraisiers, ce qui augmente les chances de développement du Botrytis.
Il est important de ne pas déranger le sol par le sarclage entre le moment de la floraison et la récolte de façon à ne pas répandre davantage les spores.
Programme de lutte
Toute intervention de contrôle d’un ennemi des cultures doit être précédée d’un dépistage et de l’analyse des différentes stratégies d’intervention applicables (prévention et bonnes pratiques, lutte biologique, physique et chimique).
C’est le contexte de l’exploitation qui doit déterminer le positionnement des fongicides. En effet, selon le stade ou les stades de développement de la maladie sur la parcelle, le producteur devra choisir le ou les fongicides présentant les modes d’action et de pénétration les plus adaptés, à savoir : préventif et/ou anti-sporulant et/ou rétro activité, contact et/ou translaminaire, et/ou diffusant, systémique. Il doit également prendre en considération la polyvalence de ces fongicides pour lutter contre d’autre maladies.
Les traitements durant la période de floraison demeurent une priorité. Des recherches ont démontré que 60 % des pertes en fruits occasionnées par la moisissure grise sont causées par des infections lors de la période de floraison.
L’efficacité de la protection permet d’un côté d’obtenir des fraises saines à la récolte et aussi d’aborder plus sereinement la phase de commercialisation face aux exigences de qualité puisqu’il y aura moins de pertes au stockage, au transport et sur les étalages.
Toutefois, il est recommandé de privilégier les traitements en préventif, de respecter les doses recommandées et d’inclure dans le programme de traitement des fongicides issus de différentes familles chimiques afin de prévenir le développement de résistances. Il est recommandé de toujours vous référer aux étiquettes des pesticides pour les doses, les modes d’application et les renseignements supplémentaires disponibles sur le site Web de l’ONSSA.
Comme pour tout produit phytosanitaire, il est important de respecter les bonnes pratiques de traitement:
– Éviter les traitements aux heures chaudes de la journée et ne pas appliquer lorsque la température attendue après application est élevée
– Utiliser un appareillage adapté à la conduite de culture et bien réglé
– Ne pas trop réduire le volume de bouillie
– Par précaution, certains fongicides ne doivent pas être appliqués avec un adjuvant ou en mélange avec des engrais foliaires.
Il est connu depuis plusieurs années que le champignon causant la moisissure grise est partiellement ou complètement résistant à certains fongicides. En fait, toute population fongique peut contenir des individus qui sont naturellement résistants aux fongicides. L’usage répété d’un même fongicide peut entraîner une perte progressive ou soudaine d’efficacité de celui-ci. Par conséquent, l’efficacité des fongicides peut varier d’un site à un autre, selon l’usage qui en est fait (nombre d’applications, doses et recouvrement).
Par ailleurs, eu égard aux exigences de plus en plus strictes des marchés de l’exportation en matière de résidus de pesticides, la lutte intégrée paraît de plus en plus la solution la plus adéquate pour faire face aux ennemis du fraisier. Dans ce sens, il existe des fongicides biologiques notamment à base de Pythium oligandrum ou à base de souches Trichoderma comme solutions au problème de pourriture grise. De même, certains produits stimulent l’activité microbienne utile du sol, rendant ainsi la nutrition hydro-minérale de la plante plus efficiente en plus de la protection et la stimulation du système racinaire et l’amélioration de l’autodéfense et la résistance au stress chez la plante.
Post-récolte
En post-récolte, les fruits doivent être manipulés avec soin afin d’éviter les blessures, puis être refroidis rapidement. Évitez de cueillir les fruits trop mûrs.