Pour lutter contre les maladies et ravageurs les agriculteurs ont de multiples moyens d’intervention, avec des avantages et des inconvénients pour chacun d’eux. Dans la pratique les professionnels conseillent de combiner plusieurs méthodes de lutte afin de profiter au maximum des avantages et éviter autant que faire se peut, les inconvénients. Parmi ces moyens de lutte, la résistance variétale reste le moyen le plus efficace quand elle existe et permet d’éviter le recours aux pesticides. Mais, qu’est ce qu’on doit savoir sur les résistances, leur obtention, stabilité, évolution, etc. Quelques éléments de réponses.
Auteur : H. Laterrot (INRA-France)
Nature, niveau d’efficacité et durabilité des résistances
La résistance est une caractéristique héritable qui diminue les effets du parasitisme. Son efficacité dépend de la combinaison de deux facteurs :
– le niveau d’expression de la résistance ;
– la durabilité, ou stabilité de la résistance dans le temps.
Ces deux facteurs possèdent chacun un déterminisme particulier.
Déterminisme du niveau de la résistance :
Résistance et sensibilité sont les deux extrêmes d’un ensemble de réactions de la plante hôte. Selon le mécanisme impliqué, le niveau de la résistance apparaîtra plus ou moins élevé, d’où la distinction entre résistance absolue et résistance partielle.
– La résistance absolue, appelée aussi « verticale », est due à un phénomène d’immunité ou à un mécanisme d’hypersensibilité. Dans le cas d’immunité, la plante est totalement indemne de parasitisme. Cette résistance peut résulter d’une absence de fixation de l’agent pathogène sur l’hôte ou, dans le cas des virus, de l’absence chez l’hôte d’un élément ou d’une fonction essentielle à la réplication virale. La résistance à Mycovellosiella fulva, conférée par le gène « Cf-2 », est un bel exemple d’immunité ; elle est maintenant surmontée par la race 2 présente dans de nombreuses régions. Le terme d’« immunité » est souvent utilisé improprement pour dénommer une résistance qui se manifeste en absence de symptômes visibles, mais qui n’exclut pas la pénétration du bioagresseur. Lorsqu’intervient un mécanisme d’hypersensibilité, le processus d’infection demeure localisé et inactivé par la mort des tissus infectés.
À température élevée, le mécanisme est plus lent et des symptômes peuvent apparaître. Deux exemples sont fournis par le gène « Tm-2² » de résistance aux Tomato mosaic virus (ToMV) et au Tobacco mosaic virus (TMV) et par le gène « Mi » conférant la résistance aux Meloidogyne spp.
– La résistance partielle, appelée aussi « horizontale », est caractérisée par la diminution du nombre de points de fixation des agents pathogènes sur l’hôte, le ralentissement de leur croissance et de leur développement dans les tissus et la diminution du nombre d’unités infectieuses émises. La résistance partielle à Phytophthora infestans, contrôlée par le gène « Ph-2 », illustre cette situation. Il résulte globalement de ces phénomènes une progression plus lente de la maladie sur la plante et de l’épidémie dans la culture.
Une résistance partielle soutenue par de bonnes pratiques culturales et une protection phytosanitaire raisonnée peut éviter le développement d’une épidémie. Mais la notion de résistance partielle ne doit pas être confondue avec la tolérance qui est une notion agronomique. Cette dernière caractérise le comportement d’une plante dans laquelle le parasite vit et se reproduit, comme dans une plante sensible présentant des symptômes typiques de maladie, mais dont le rendement n’est pas affecté. Cependant, il est fréquent de parler de « variétés tolérantes » en virologie pour caractériser des plantes qui permettent une multiplication active d’un virus sans extérioriser de symptômes typiques de la maladie, et dont le rendement n’est pas affecté.
Déterminisme de la stabilité de la résistance dans le temps :
La stabilité des résistances de haut niveau peut être extrêmement variable selon les gènes les contrôlant. Ce n’est qu’après de nombreuses années d’utilisation que l’on peut évaluer avec fiabilité la durée d’une résistance ou l’importance pratique de l’adaptation d’un agent pathogène à une résistance donnée.
La rapidité d’apparition de nouveaux pathotypes est extrêmement grande chez certains agents pathogènes comme Mycovellosiella fulva. À l’opposé, après de nombreuses années d’utilisation dans des conditions environnementales très variées, certaines résistances n’ont jamais été surmontées comme celle aux Stemphylium spp. D’autre part, il existe de nombreux exemples de résistances qui, bien que surmontées, continuent de présenter un intérêt pratique non négligeable dans certains contextes culturaux.
Situation des résistances disponibles
Une quinzaine d’agents pathogènes sont maintenant contrôlables par des résistances génétiques chez la tomate. L’efficacité de ces résistances est très variable, que ce soit pour leur niveau d’expression ou leur stabilité dans le temps face à l’évolution de la virulence des agents pathogènes. Les variétés sélectionnées pour leur résistance aux bioagresseurs sont surtout destinées aux cultures abritées, plus fréquemment et sévèrement parasitées. Leur potentiel de production étant très important, le prix élevé des semences résultant de coûteux programmes de sélection est facilement accepté.
Certaines résistances mises en évidence depuis longtemps ne sont présentes que dans de rares variétés. Dans le cas de Pyrenochaeta lycopersici, la raison est complexe ; cette résistance est partielle et d’hérédité monogénique récessive, et le géne « pyl » qui la contrôle doit être présent dans les deux parents des hybrides F1. De plus, la pratique du greffage sur porte-greffes multirésistants possédant notamment un haut niveau de résistance à P. lycopersici diminue l’intérêt de la sélection d’hybrides F1 résistants à ce champignon tellurique.
La résistance partielle à Phytophthora infestans, difficile à mettre en évidence par des tests précoces de sélection, n’a intéressé que peu de sélectionneurs. De plus, elle concerne une maladie aérienne pour laquelle de nombreux fongicides efficaces sont disponibles sur le marché. Les autres résistances, d’utilisation limitée, intéressent surtout les zones de production particulières (par exemple tropicales humides pour Ralstonia solanacearum) ou font l’objet de programmes relativement récents.
La disponibilité de résistances monogéniques dominantes permet de cumuler dans les hybrides F1 un nombre croissant de résistances : les hybrides destinés aux cultures abritées offrent généralement 4 à 5 résistances, certains en cumulent jusqu’à 7. Pour les cultures de plein champ, les variétés fixées possèdent 2 à 4 résistances. De plus en plus d’hybrides F1 de ces différents types de production disposent de ces résistances et contribuent à la protection durable de la tomate.
Les porte-greffes disponibles ne sont pas très nombreux et peuvent être séparés en 2 groupes :
– les hybrides F1 dans le type tomate cultivée avec plusieurs résistances aux maladies telluriques dont une résistance partielle à Pyrenochaeta lycopersici ;
– les hybrides F1 interspécifiques entre la tomate cultivée et Lycopersicon hirsutum. Ces hybrides ont un système racinaire puissant supportant des températures plus basses que la tomate cultivée. Lycopersicon hirsutum, originaire des hauteurs andines, offre aussi un haut niveau de résistance dominante à Pyrenochaeta lycopersici.
De nouvelles résistances à court terme?
Devant l’efficacité et l’absence de nuisance pour l’environnement de la lutte génétique, d’importants programmes de sélection ont été et sont conduits dans le monde. Ils devraient permettre de contrôler un nombre croissant de bioagresseurs.
Les techniques de biologie moléculaire utilisées pour marquer les gènes intéressant les sélectionneurs permettent la sélection de résistances difficiles à mettre en évidence par des biotests précoces. Elles facilitent ainsi la sélection de résistances partielles, oligogéniques ou polygéniques et le cumul d’un plus grand nombre de gènes de résistance.
De sérieux espoirs de résistance sont envisageables pour pratiquement tous les types de micro-organismes phytopathogènes. Ils concernent pour plusieurs d’entre eux, le contrôle de certaines races adaptées aux résistances actuellement disponibles dans des variétés cultivées. À titre d’exemple, les micro-organismes susceptibles d’être contrôlés par des résistances issues des espèces sauvages de Solanum (ex Lycopersicon) sont présentés ci-après :
– Pour le Tomato yellow leaf curl virus (TYLCV), la sélection tend à augmenter le niveau de résistance des hybrides en cumulant des gènes issus de différentes espèces sauvages. Des programmes de sélection sont également conduits pour contrôler les autres Begomovirus, dont la diversité est importante.
– Le gène « Mi », utilisé depuis longtemps dans différents contextes culturaux pour combattre les nématodes à galles appartenant au genre Meloidogyne, est surmonté dans de nombreuses régions. Deux autres gènes issus de S. peruvianum (ex L. peruvianum) ont été introduits dans des lignées de tomate. Le gène « Mi-2 » contrôle les souches surmontant « Mi » mais s’avère, comme ce dernier, inefficace à température élevée. En revanche, « Mi-3 » permet de maîtriser les souches adaptées à « Mi » et se montre stable à haute température. Les sélectionneurs s’intéressent à ce gène, notamment pour les cultures de la tomate en zones chaudes et sols sableux, dans lesquels la température s’élève davantage au niveau des racines.
– Un nouveau pathotype de Fusarium oxysporum f. sp. lycopersici qui surmonte les gènes « I » et « I-2 » est maintenant présent dans différentes régions. Cette nouvelle race, désignée généralement « race 3 », est contrôlée par le gène dominant « I-3 » issu de S. pennellii (ex L. pennellii). Il a été introduit dans des lignées de tomate ; des hybrides F1 commerciaux résistants aux 3 races sont actuellement disponibles.
– Le gène « Ph-1 » de résistance à Phytophthora infestans a été surmonté avant même d’avoir été utilisé en sélection, et le gène « Ph-2 », incomplètement dominant et contrôlant une résistance partielle, a connu les mêmes déboires. Les sélectionneurs ont alors recherché une résistance plus efficace. Les espoirs portent maintenant sur le gène « Ph-3 » issu de S. pimpinellifolium (ex L. pimpinellifolium).
– En ce qui concerne Oidium neolycopersici, les sélectionneurs visent à cumuler les gènes de résistance issus d’espèces sauvages afin d’assurer un haut niveau de résistance à différentes races récemment mises en évidence.
– Des sources de résistance à Clavibacter michiganensis subsp. michiganensis sont connues depuis longtemps. Il s’agit de résistances partielles, avec des niveaux d’expression très influencés par les conditions de milieu. Issues d’espèces sauvages, elles sont à la base de programmes de sélection conduits dans le monde entier, dont les types variétaux destinés à la transformation industrielle semblent les plus avancés.
– De nombreux travaux font état de résistances partielles à Alternaria tomatophila, provenant de diverses espèces sauvages dont S. habrochaites (ex L. hirsutum) et présentes dans différentes variétés commerciales. Cette résistance ne doit cependant pas être confondue avec celle efficace contre A. alternata f. sp. lycopersici qui est contrôlée par le gène dominant « Asc ». Cette résistance, présente chez la quasi-totalité des variétés cultivées anciennes et modernes, est référencée « résistance à l’Alternaria » dans certains catalogues semenciers. Cette indication prête à confusion : il ne s’agit en aucun cas d’une résistance à l’alternariose du feuillage provoquée par A. tomatophila.
– Différentes sources de résistance aux Xanthomonas spp. ont été mises en évidence. Les travaux de sélection visent à cumuler les résistances aux différentes races et à en obtenir une s’exprimant tant pour le feuillage que pour les fruits. Une résistance provenant de S. pimpinellifolium est particulièrement travaillée.
– En ce qui concerne le Potato virus Y (PVY), les travaux portent essentiellement sur la résistance issue de S. habrochaites contrôlée par deux gènes : « pot-1 », récessif, et « Pot-2 », dominant. Cette résistance est efficace tant à l’égard des souches provoquant une mosaïque que des souches nécrotiques.
– Un gène dominant, stable à haute température et permettant de contrôler l’Alfalfa mosaic virus (AMV), a été mis en évidence dans une origine de S. habrochaites. Ce gène, dénommé « Am », intéresse les sélectionneurs des pays méditerranéens où l’AMV est parfois grave.
Les programmes de sélection, aidés par le marquage moléculaire, cherchent maintenant à cumuler ces nouvelles résistances avec celles déjà disponibles et ayant fait leurs preuves dans le matériel commercialisé.
À plus long terme, des résistances à d’autres bioagresseurs seront introduites dans les programmes de sélection. Des espoirs existent par exemple pour contrôler : Botrytis cinerea, Pseudomonas syringaepv. tomato (race surmontant le gène « Pto »), le Pepino mosaic virus (PepMV), Verticillium albo-atrum, race surmontant le gène « Ve », Phytophthora nicotianae et Colletotrichum coccodes. Des recherches sont également conduites pour contrôler génétiquement différents insectes, mais il est trop tôt pour en pronostiquer les résultats pratiques.
Source : INRA France