En décembre 1996, John Sauve, alors directeur exécutif de la Wild Blueberry Association of North America (WBANA), a reçu un fax inattendu. Il contenait un article du dernier numéro d’AgResearch intitulé : « Les pigments végétaux peignent un arc-en-ciel d’antioxydants ».
Au début, Sauve ne savait pas quoi penser de cet article. Comme la plupart des gens à l’époque, il n’avait aucune idée concrète de ce qu’étaient les antioxydants : ils commençaient à peine à entrer dans la conscience publique. Sauve ne pouvait certainement pas soupçonner que les antioxydants joueraient un rôle crucial dans l’image que le public aurait des myrtilles sauvages, qui sont plus petites, plus savoureuses et plus rares que la myrtille cultivée.
À l’époque, les myrtilles n’étaient pas considérées par beaucoup de consommateurs comme des fruits particulièrement sains, mais plutôt comme un ingrédient à ajouter dans une tarte. Vous les trouviez dans le supermarché à côté de la crème fouettée. En 1994, Sauve a présenté les cinq caractéristiques qu’il avait identifiés pour des myrtilles sauvages. Aucune d’entre elles n’avait de valeur nutritionnelle. « Nous essayions toujours de vendre des myrtilles en disant qu’elles avaient bon goût à l’intérieur des muffins, et nous nous en tirions bien comme ça », dit-il avec un drôle d’accent du Maine. « Nous n’avions même pas pensé au fait que les myrtilles puissent être bonnes pour la santé. »
En examinant l’article d’AgResearch, Sauve a appris qu’un nouveau test de dosage appelé ORAC (abréviation de Oxygen Radical Absorbance Capacity) était utilisé à l’Université de Tufts et que ce test classait la myrtille en première position en termes d’activité antioxydante. À ce stade, nous savions que les composés antioxydants étaient un facteur de réduction du stress oxydatif, la sur-accumulation potentiellement dangereuse d’atomes chargés négativement, appelés radicaux libres. Bien que la position des myrtilles au sommet des résultats ne soit pas clairement indiquée dans l’article, Sauve a fait le lien. J’ai dit : « Hé, nous sommes sortis les premiers ! », se souvient-il. « Je n’avais aucune idée de ce que nous avions gagné, mais ça semblait intéressant. »
Le lendemain, Sauve était au téléphone avec Ronald Prior, qui dirigeait les recherches à Tufts. Peu après, il a rencontré Prior à Boston, ainsi que les neuroscientifiques Barbara Shukitt-Hale et le regretté James Joseph, auteur principal de l’ouvrage de 2003 The Color Code : A Revolutionary Eating Plan for Optimum Health. Il est devenu clair qu’ils avaient une histoire à raconter : les myrtilles portaient des quantités exceptionnelles de cette substance bénéfique pour la santé appelés antioxydants. Rien ne garantissait que le message serait efficace, mais la WBANA a quand même fait le pari. « Nous nous sommes lancé dans la bataille et nous avons investi la majeure partie de notre argent dans ce domaine », a déclaré Sauve.
Une promotion du fruit était sur le point de contribuer à l’avènement d’une ère d’obsession pour les aliments sains, dans laquelle nous vivons encore aujourd’hui. Les myrtilles ne seraient plus simplement des mets savoureux ou une contribution à un régime équilibré, mais deviendraient des combattantes du cancer, des intercepteurs de l’inflammation, des défenseurs de la fonction cognitive – chaque baie serait un Navy SEAL nutritionnel.
Un super aliment est né
Pour tous ceux qui ont grandi dans la région de Down East dans le Maine, les myrtilles sauvages évoquent un paysage et un mode de vie précieux. Les quelques 38 000 acres de myrtilles à feuilles étroites sauvages forment des patchwork pastoraux à l’horizon. Avec environ 500 fermes consacrées aux myrtilles sauvages, elles sont la principale culture fruitière de l’état. « Beaucoup des gens se souviennent d’avoir cueilli des myrtilles quand ils étaient petits pour se faire de l’argent de poche », explique Nancy McBrady, ancienne directrice exécutive de la Maine Wild Blueberry Commission (WBC). « Ce fruit fait parti de l’héritage du Maine. » Ces baies se développent presque exclusivement dans les sols acides accidentés et rugueux qui longe les côtes du Maine, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et du Québec. Leurs racines de rhizome peu profondes et résilientes peuvent survivre aux incendies et, sans être gênées par les mauvaises herbes, les arbres et d’autres concurrents, elles se développeront lentement au fil des années, voire des décennies. Les myrtilles sauvages ne sont pas vraiment plantés, produites ou gérées, elles se développent naturellement.
Bien que la superficie cultivée en myrtilles sauvages et le nombre d’exploitations agricoles ont diminué au cours des dernières décennies, l’amélioration de la gestion des cultures a régulièrement augmenté le nombre total de kilos de baies produites et vendues. « La production de myrtilles, tant sauvages que cultivées, a augmenté de façon astronomique », déclare David Yarborough, spécialiste des myrtilles à l’Université du Maine (et l’homme qui a envoyé l’article à Sauve the AgResearch). « Nous produisons plus de myrtilles que nous n’en mangeons, nous devons simplement faire en sorte que plus de gens consomment des myrtilles sauvages ou cultivées. »
En 1971, la WBC, une agence quasi-étatique, a été créée et financée par une taxe que les producteurs de myrtilles s’étaient auto-imposée avec pour mandat de « préserver et promouvoir la prospérité et le bien-être » de l’industrie des myrtilles sauvages du Maine. Bien que la WBC se consacre principalement à la recherche sur les cultures, une grande partie de son budget est consacrée à la WBANA, qui couvre le marketing et la publicité pour les myrtilles sauvages du Canada et des États-Unis, ainsi que le financement de la recherche en santé susceptible d’appuyer leur marketing et leur publicité. « La promotion a vraiment été un tremplin pour la recherche », déclare McBrady.
Bien que la WBANA souhaitait tirer parti des découvertes faites par les chercheurs de Tufts en 1997 pour promouvoir les myrtilles sauvages, l’organisation a finalement convenu de promouvoir toutes les myrtilles. La WBANA a dévoué la plus grande partie de son budget dans le projet et a décidé que ce seraient les scientifiques eux-mêmes qui transmettraient le message. « Très rapidement, j’ai commencé à chercher, à travers le pays et ailleurs, des chercheurs impliqués dans la myrtille », explique Sauve. Ces chercheurs étaient actifs dans divers domaines, notamment les neurosciences, la cardiologie, la gérontologie et l’oncologie. Leur travail pouvait fournir des informations précieuses sur les bienfaits des myrtilles, ce qui conférerait une crédibilité essentielle à la campagne de marketing axée sur la nutrition. Des groupes d’associations similaires existent pour d’autres fruits et ils commercialisent maintenant sur les mêmes bases liées à la recherche en santé, mais les myrtilles sauvages ont été les premières dans l’instauration de ce lien dans l’esprit du public.
En août 1998, ces chercheurs intéressés par les myrtilles, ainsi que des représentants de WBC, de WBANA et des plus grands producteurs et transformateurs de myrtilles du Maine, se sont réunis pour le premier Wild Blueberry Research Summit. Surnommé le Bar Harbor Group d’après la ville pittoresque du Maine, Bar Harbor où ils se rencontrent. Il s’agit d’un club influent – Steven Pratt, MD, co-auteur du livre à succès SuperFoods RX, publié en 2003, a assisté à l’une des premières réunions du groupe.
Bien que la WBC se concentre sur les myrtilles sauvages du Maine et que la WBANA soutienne les baies du Canada et des États-Unis, le premier exemple de succès marketing – qui peut-être surprenant – vient du Japon.
Source: freshplaza