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COVID-19 : LE MAROCAIN SERAIT-IL ENFIN AU CENTRE DE LA POLITIQUE ÉCONOMIQUE ?

Covid-19 a semé la pagaille dans toutes les balances. Budget général, balance commerciale et balance des paiements crient gare. Les pouvoirs publics, actuellement hypnotisés par le déficit budgétaire, doivent se préoccuper également de la balance commerciale. L’heure est au changement et non pas au pansement.

Écrit par : Houssifi El Houssaine, ecoactu.ma

Juste avant le cataclysme

Les récents chiffres de l’Office des changes feront ressortir un déficit commercial de 209,2 Mds de DH au terme de l’année 2019. Ce déficit impacte négativement les résultats de la balance des paiements. D’ailleurs le compte courant présente, au titre de la même année, un déficit de l’ordre de 47,3 Mds de DH. Lors du dernier conseil de Bank Al Maghrib, il a été précisé que les réserves internationales nettes RIN sont de l’ordre de 245,6 Mds de DH à fin 2019, soit l’équivalent de plus de 5 mois d’importations de biens et services.

Covid-19 : L’occasion

La récession économique inévitable, consécutive à la propagation du Covid-19 est un oiseau de mauvais augure pour l’économie nationale. Alors que toute l’attention des pouvoirs publics est axée sur le déficit budgétaire, le déficit de la balance commerciale est laissé dans l’ombre. A l’exception de l’invitation des membres de l’AIVAM à lever le pied sur l’accélérateur, aucun autre bouclier n’a été envisagé.
Bien que le Covid-19 soit un démon que tout le monde cherche à exorciser, nous lui devons une fière chandelle. Profitant du confinement, qui porte conseil, nous allons réaliser qu’en matière de politique économique et de commerce extérieur, le Maroc brûle la chandelle par les deux bouts. Nous allons nous apercevoir que le Maroc, classé au 121ème rang parmi 189 pays et territoires selon l’Indice de développement humain, est un pays très
généreux. Or, les gens généreux font de mauvais commerçants.

Le paradoxe de l’agriculture

Comment un pays comme le Maroc qui vient de sortir de Maroc vert et qui a mobilisé des ressources humaines financières conséquentes, s’apprête à embarquer dans Génération Green et qui s’affiche comme une nation agricole, importe encore et à tire larigot des produits devant en principe sortir de ses terres. Ainsi, le Maroc a importé en 2018 14,5 Mds de DH de céréales contre 13,6 Mds de DH en 2017 alors qu’en 1998, l’importation de cette denrée était limitée à 5,27 Mds de DH. Il a importé en 2018, 1,55 Md de DH de légumes contre 1,53 Md en 2017 alors qu’en 1998, l’importation de ces légumes était de l’ordre de 0,24 Md de DH.
Il a importé en 2018, 5,27 Mds de DH de fruits contre 4,43 Mds de DH en 2017 alors que l’importation de ces fruits était fixée en 1998 à 1,23 Md de DH. Le Maroc a importé en 2018, 2,72 Mds de DH de produits laitiers contre 2,57 Mds de DH en 2017 alors que les importations de cette matière étaient de 0,65 Md en 1998. Il a importé 0,93 Md de DH d’animaux vivants en 2018 contre 0,79 Md de DH en 2017 alors que l’importation de ces produits était limitée à 0,43 Md de DH en 1998. 
Le Maroc a importé 0,71 Md de DH en 2018 contre 0,47 Md de DH en 2017 alors que l’importation observée en 1998 était fixée à 0,10 Md de DH. Plusieurs diront que l’agriculture constitue après l’automobile, le secteur qui s’exporte le plus au Maroc. En effet, en 2018 les exportations du secteur étaient de l’ordre de 58,1 Mds de DH contre 54,4 Mds de DH en 2017 marquant ainsi une augmentation de 6,6%. Il s’agit donc d’une source importante qui alimente les réserves en devises. Force est de rappeler à ceux-ci que le Maroc a perdu le Nord depuis qu’il considère que l’agriculture ne sert plus à nourrir les populations mais à produire des devises.
Seulement, nos exportations agricoles s’expliquent-elles par un avantage comparatif ?

L’agriculture au Maroc : de l’eau et des subventions

La réponse est négative. En effet, l’analyse de la structure des exportations des produits alimentaires révèle qu’en 2018, les tomates fraîches, les agrumes, les fraises et framboises et les pastèques et melon représentent 29% de la valeur des exportations desdits produits alimentaires. En se concentrant sur ces cultures, qui siphonnent aussi bien les eaux de surfaces que les eaux souterraines, le Maroc export en fait de l’eau, denrée de plus en plus rare. D’où le stress hydrique dont souffrent plusieurs régions du Royaume et notamment celles qui s’adonnent depuis des lustres à des activités agricoles.
En outre, si notre agriculture darde ses rayons dans plusieurs marchés extérieurs, c’est également en raison de sa compétitivité. Cette dernière s’explique intensément par le volume de subventions allouées à ce secteur.
Le concours inconditionnel de l’État va de l’eau d’irrigation, semences, équipement, conseil agricole, accompagnement vétérinaire, contrôle technique… jusqu’à la participation aux Salons. L’État se trouve alors en train d’exporter l’argent du contribuable. L’État doit être conscient qu’en multipliant les subventions, il ne fait que multiplier les bourdes. Maintenant on comprend pourquoi les autres pays laissent la main au Maroc.

Et la pêche : poisson d’Avril

Sur un autre chapitre, comment un pays comme le Maroc qui donne sur deux côtes d’une longueur de 3.600 km importe du poisson. En effet, en 2018, le Maroc a importé 16,63 Mds de DH de poissons contre 16,4 Mds de DH en 2017 alors que les importations de cette matière étaient limitées à 5,45 Mds de DH en 1998. Le plus frappant est que respectivement 7,87 Mds de DH, 1,52 Md de DH, 1,27 Mds de DH de ces importations proviennent de l’Espagne, Italie et du Japon qui profitent d’accords de pêche signés avec le Maroc.

Ensemble

Il ne s’agit donc pas pour L’État de se contenter de reprendre en sous œuvre la politique économique du pays, mais également de conduire une révolution culturelle pour pousser la population à rompre avec des habitudes de  consommation qui essoufflent les corps et les finances. Ainsi, les Marocains doivent se séparer de certains plaisirs générateurs de nuisances sanitaires pesant lourd au niveau de la balance commerciale et mettant en difficulté en cinq sec les réserves de change.
Il s’agit du sucre dont les importations en 2018 se sont élevées à 3,67 Mds de DH, du thé, café et épices dont les importations en 2018 se sont hissées à 4 Mds de DH, des boissons énergétiques et alcoolisées dont les importations se sont établies en 2018 à 0,98 Md de DH et les produits de tabac dont les importations se sont chiffrées à 1,72 Md de DH. 

Qui n’avance recule ! Message de Covid-19

Face au monde qui change sous l’effet du Covid-19 qui a réveillé de leur profond sommeil le nationalisme et le protectionnisme, il vaut mieux penser le changement que changer le pansement. Pouvoirs publics et population doivent être convaincus que rien n’est permanent sauf le changement, et qu’en pareilles périodes, il ne faut pas criser mais oser.

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