Une expertise scientifique collective menée à l’Inra France fait le point des connaissances sur la douleur des animaux d’élevage, sujet central dans le débat sur les conditions de vie de ces animaux.
On peut être surpris de constater à quel point la douleur est un sujet de recherche jeune chez l’homme, et encore plus chez l’animal: pas plus d’une trentaine d’années. La prise en compte de la douleur chez les « êtres humains non parlants» est encore plus récente (premiers articles publiés en 1987 sur le jeune enfant). L’intérêt développé pour la douleur humaine a, par ailleurs,sans doute bénéficié à la recherche sur la douleur animale, inversant une logique commune en science où l’animal sert de modèle à l’homme. Cette évolution de la science coïncide avec une sensibilité croissante de nos sociétés à la douleur des animaux, qui amène à questionner certaines pratiques d’élevage.
C’est dans ce contexte qu’une demande d’expertise collective sur la douleur chez les animaux d’élevage a été adressée à l’Inra en France.La définition consensuelle dégagée par l’expertise, proche de celle adoptée chez l’homme, décrit la douleur comme l’association de trois composantes: la nociception (détection de dommages corporels), les émotions et la conscience. Elle diffère donc des notions plus larges de souffrance ou de stress, qui peuvent exister sans présence de douleur. Selon cette définition,qui inclut donc une conscience,la reconnaissance de la douleur chez les différentes espèces est sujette à controverse : admise chez les mammifères et chez certains oiseaux, elle n’est pas établie chez les poissons.En l’absence de communication verbale,l’évaluation de la douleur nécessite de croiser un grand nombre de critères physiologiques (rythme cardiaque,respiratoire etc.) et comportementaux(cris, agitation, prostration,etc.). Des grilles multi paramétriques permettant d’évaluer le degré de la douleur n’existent pour l’instant que chez les rongeurs, le cheval, le chien et le chat.
L’expertise examine les sources de douleur liées aux pratiques d’élevage et distingue les conditions d’élevage, les mutilations (1) et l’abattage. Elle rapporte enfin des alternatives pour atténuer la douleur qui s’inscrivent dans une démarche qualifiée de « 3 S » pour« Supprimer, Substituer, Soulager ». Dans chaque cas, l’expertise discute ces pistes de solutions par rapport aux contraintes des systèmes d’élevage. L’analyse montre qu’il y a rarement une solution toute prête et que de nouvelles connaissances doivent encore être mobilisées.
(1) Les principales mutilations pratiquées en France sont : la castration, l’épointage des dents et la coupe de la queue chez les porcelets, l’écornage chez les bovins et l’épointage du bec chez les volailles