Editorial 120
Commercialisation des céréales, un marronnier ?
– 3ème campagne la plus faible de la décennie
– Près du tiers de marge pour les intermédiaires
Chaque année en pareille période, revient à la une le thème de la commercialisation des céréales de la campagne en cours. Cela veut-il dire qu’il s’agit d’un marronnier ? Un marronnier en journalisme (evergreen, «à feuilles persistantes en anglais») est un article consacré à un événement récurrent, prévisible et régulièrement traité. Cependant, on est tentés d’y penser au vu des mêmes phénomènes qui se reproduisent chez nous, d’une année à l’autre, affectant profondément la vie des agriculteurs marocains, sans qu’on essaie de leur trouver de solution adéquate.
Ainsi, l’annonce des prix et conditions de commercialisation de la récolte de blé tendre 2019 ont été annoncés, par une circulaire que les médias n’ont même pas rapportée et qui, pour les céréaliculteurs, apporte les mêmes désillusions que d’habitude. En effet, elle prend effet à partir du 1er juin alors que les moissons ont commencé un mois et demi auparavant (pour ceux qui avaient quelque chose à moissonner), que les agriculteurs font face à des dettes accumulées tout au long de la campagne et que les fournisseurs attendent au portillon. Ensuite, le prix référentiel fixé par la tutelle n’a qu’un impact limité sur le prix de vente par les agriculteurs, puisque les intermédiaires et les organismes stockeurs sont libres de fixer ces montants sans que les producteurs n’aient leur mot à dire sur ce sujet.
Le prix du quintal a été fixé, comme les années passées, à 280 dirhams pour “une qualité standard” livrée minoterie, ce qui laisse aux acheteurs toute latitude de tirer le paiement vers le bas. En fait, c’est une libéralisation du commerce de blé tendre qui ne dit pas son nom, à l’instar du blé dut et de l’orge. Ainsi, sur le marché céréalier les prix de blé tendre varient entre 200 et 220 dh/ql au mieux, avec tendance à la baisse au fur et à mesure du déroulement des moissons Ce montant laisse aux intermédiaires, entre le producteur et la minoterie, une marge de 20 à 30% du prix référentiel (sans parler de la prime de stockage dont ils bénéficient également).
Cette faiblesse des prix impacte d’autant les agriculteurs que (pour ceux qui n’ont pas abandonné leurs champs au pâturage) c’est une autre année de vaches maigres. En effet, avec 61 Millions de quintaux prévus, les prévisions du ministère de l’agriculture placent cette campagne en troisième position parmi les plus faibles des 10 dernières années pour les trois principales céréales, sans que des mesures d’accompagnement des agriculteurs sinistrés ne soient prises.
Malheureusement, les agriculteurs sont habitués à cet état des chose et gageons que nous reviendrons l’année prochaine à notre même marronnier pour constater qu’il est toujours en place et que rien ne change dans le plus beau pays du monde.
Bonnes fêtes de l’Aïd El Fitr, quand même.
Abdelmoumen Guennouni