Des marquages foliaires inhabituels sur céréales
Depuis le début du mois d’avril, le feuillage des céréales, et tout particulièrement des orges, est fréquemment marqué par des taches aux formes et couleurs variées. Il est parfois difficile d’en déterminer l’origine. Voici quelques clés pour aider au diagnostic.
Les marquages observés sur le feuillage des céréales peuvent avoir différentes origines qui peuvent se cumuler dans certains cas.
– Les amplitudes thermiques particulièrement élevées et très fréquentes depuis la fin février peuvent être à l’origine de réactions physiologiques des plantes. Les symptômes présentent des aspects divers selon la culture voire la variété : nombreuses petites taches ocellées (brunissement central entouré d’un halo jaune), taches jaunes plus ou moins étalées, ponctuations noires… Ces marquages peuvent être accentués suite à l’application d’un produit phytosanitaire (herbicide ou régulateur notamment).
– Une réaction de défense de la plante vis-à-vis d’un champignon peut s’extérioriser. Ce type de symptômes est habituellement observé sur orge suite à une attaque d’oïdium ou de rouille naine : on peut alors souvent observer des restes de mycélium ou de pustule circonscrits dans la tache, mais ce n’est pas systématique.
– Les premières nécroses foliaires provoquées par une maladie cryptogamiqueapparaissent. On commence à observer quelques petites taches de rhynchosporiose ou d’helminthosporiose sur certaines parcelles.
– Les grillures polliniques : elles ne sont pas dues à un champignon pathogène mais à un stress abiotique, notamment à un excès de rayonnement. Ce phénomène ne survient habituellement qu’après la floraison car il est souvent exacerbé par le contact du pollen sur les feuilles. Toutefois, des pollens issus d’autres espèces que les céréales peuvent entraîner ce type de symptômes. Les taches traversent difficilement la feuille si bien que la face inférieure des feuilles, à l’abri de la lumière, est beaucoup moins atteinte. De plus, la face supérieure à la courbure de la feuille est souvent plus attaquée en servant de réceptacle au pollen.
– La ramulariose : normalement, l’observation des symptômes est réalisée à partir du stade « épiaison ». Les symptômes de cette maladie s’apparentent à des mini-taches d’helminthosporiose. Elles se présentent sous la forme de taches brunes rectangulaires, courtes (jusqu’à 5 mm), entourées d’un halo jaunâtre. Elles suivent les nervures sur les deux faces. L’observation à la loupe de petits points blancs alignés émergeant des stomates (fine poussière blanche) sur les taches matures, au niveau de la face inférieure des feuilles, est un signe caractéristique, mais qui n’est pas toujours présent. Les périodes humides fin mai début juin coïncident avec des attaques sévères.
Orge – taches brunes en réaction à un stress abiotique sur la pointe d’une F3 – La Jaillière – 4/04/19. (©Arvalis-Institut du végétal)
Orge – jaunissement et nombreuses petites ponctuations brunes, plutôt sur la courbure des feuilles F2 et F3, face exposée à la lumière – La Jaillière – 4/04/19. (©Arvalis-Institut du végétal)
Identifier les symptômes : réaction aux amplitudes thermiques ou maladie ?
Les marquages dits « physiologiques » sont les symptômes les plus délicats à identifier car ils peuvent prendre des formes variées et sont souvent confondus avec des maladies. Pour lever le doute, il faut d’abord regarder la répartition des symptômes : si seuls certains étages foliaires sont touchés, cela penche plutôt dans le sens d’une réaction à un stress abiotique. Si les symptômes progressent du bas vers le haut, la piste d’une maladie est à privilégier.
Ensuite, si le doute persiste, il faut rechercher la présence éventuelle de fructifications ou mycélium du champignon. Si aucune structure de champignon n’est visible à la loupe, il est important de mettre des feuilles en incubation pour observer des taches plus évoluées. Pour cela, prélever des feuilles porteuses de symptômes encore peu développés, les placer en « chambre humide » constituée d’une bouteille plastique vide mais perlée de gouttes d’eau, conserver cette préparation à température ambiante durant 24 h et observer ensuite à la loupe, de préférence binoculaire, mais une loupe de poche peut suffire.
Si les taches n’ont pas évolué après incubation, cela confirme une réaction à un stress abiotique. En cas de présence de fructifications ou de mycélium, l’origine des symptômes est parasitaire.
Des symptômes inhabituels de taches physiologiques sur orges d’hiver
Certaines variétés d’orges présentent des symptômes foliaires répartis régulièrement sur toute la parcelle. Ils se situent principalement sur F2, F3 et F4 selon les parcelles. Les taches apparaissent sur la face supérieure et transpercent rapidement la feuille, et sont donc visibles aussitôt sur la face inférieure.
Les symptômes apparaissent à la pointe de la feuille sous forme de petits points noirs qui engendrent des plages nécrotiques jaunes. Les points s’élargissent pour devenir des taches ovoïdes noires.
Symptômes au champ (©Arvalis-Institut du végétal)
Taches sur le bout des feuilles (©Arvalis-Institut du végétal)Après avoir mis les feuilles atteintes en chambre humide (bouteille plastique vide mais perlée de gouttes d’eau), on n’observe pas de fructifications ou mycélium du champignon. Au champ, les symptômes ne se sont pas aggravés ou étendus une semaine après leur apparition, éliminant l’hypothèse de la ramulariose qui fait peu de fructifications. Par ailleurs, l’observation à la loupe binoculaire n’a pas révélé la présence de pollen en train de germer sur les feuilles. Cela permet d’écarter l’hypothèse des grillures polliniques.
Ce sont donc des marquages physiologiques qui sont la cause des symptômes observés cette année sur orges. Autant ces marquages sont fréquents sur les cultures de blé tendre et blé dur, autant ils étaient jusqu’à maintenant peu fréquents sur orges.
En synthèse >>> Retrouvez ci-dessous les arbres de décision pour déterminer l’origine de taches sur blé et orge :
Arbres de décision sur blé pour déterminer l’origine des taches. (©Arvalis-Institut du végétal)
Arbres de décision sur orge pour déterminer l’origine des taches. (©Arvalis-Institut du végétal)