La menace des champignons et moisissures
La dangerosité des virus et bactéries est mieux documentée que celle des champignons et moisissures. Les chercheurs estiment qu’il existe entre 1,5 millions et 5 millions d’espèces de champignons dans le monde, dont seulement 100 000 sont identifiées.
Or, les nouvelles formes d’infections fongiques de plantes ou d’animaux ont presque été multipliées par dix depuis 1995. Le réchauffement climatique pourrait expliquer en partie cette augmentation inquiétante.
Et pourtant, ce sont les organismes les plus dévastateurs de la planète car responsables de plus de 70% des extinctions aux niveaux local ou planétaire comme l’indique une étude de juin 2012.
Les champignons sont des microorganismes, différents des plantes, des animaux et des bactéries. Leur taille généralement petite ou microscopique n’empêche pourtant pas leur énorme impact sur la faune et la flore de la planète entière.
Les conséquences des champignons sur les cultures
Le mildiou : un champignon dévastateur à l’origine de famines
La famine qui a frappé l’Irlande en 1840, suite au mildiou (« Phytophthora infestans », organisme proche des moisissures, et souvent classé dans cette famille), a révélé le pouvoir dévastateur de ces pathogènes qui ont détruit 75% des cultures de pommes de terre en Irlande et causé la mort indirecte d’un million de personnes !
Aujourd’hui, le mildiou demeure redoutable et se propage très rapidement, lorsque les conditions climatiques lui sont favorables, notamment en Europe et en Afrique du Nord. Les agriculteurs et les jardiniers amateurs redoutent ce champignon qui peut, en quelques jours, dévaster toute une parcelle de pommes de terre ou de tomates.
Au niveau mondial, la « Phytophthora » cause 6,7 milliards de dollars de pertes annuelles, selon une étude publiée en 2009. Le Professeur Sarah Gurr, spécialiste en phytosanitaire de l’Université d’Oxford (Grande-Bretagne), estime que dans le pire scénario, une attaque de mildiou pourrait mener 1,3 milliard de personnes à la famine en une année dans le monde.
Les principales cultures vivrières sont vulnérables
D’autres aliments de première nécessité comme le riz, le maïs, le soja et le blé, peuvent développer des maladies similaires : la pyriculariose du riz (Magnaporthe oryzae), la carie du blé (Ustilil y un maydis), la rouille du soja (Phakopsora pachyrhizi) et la rouille de la tige du blé (Puccinia graminis). Une supervariété de rouille noire (Ug99) a récemment anéanti 80% des récoltes dans certaines régions d’Afrique.
Chaque année, les infections fongiques sont responsables de la destruction de plus de 125 millions de plantes de cultures importantes, dont le riz, le blé, le maïs, la pomme de terre et le soja. Ces maladies émergeantes incluent la pyriculariose du riz, la rouille du soja, la rouille noire des céréales, le charbon du maïs et le mildiou de la pomme de terre.
Si ces cinq cultures vivrières étaient attaquées simultanément par des champignons, plus de 60% de la population mondiale pourrait être affamée, selon le Dr Gurr. Ce serait littéralement l’apocalypse, un chaos planétaire pour accéder à des sources de nourriture. Heureusement, ce scénario reste assez improbable. Toutefois, si la nature ne s’en charge pas, le Dr David Hughes, zoologue de l’Université d’état de Pennsylvanie (Etats-Unis) imagine que des terroristes pourraient très bien semer la panique en contaminant des cultures d’intérêt économique vital avec de telles champignons.
Un scénario digne d’un james Bond ? Probablement mais dans les années 80, par exemple, les plantations de cacao du nord du Brésil ont été détruites, peut-être délibérément, transformant profondément le paysage démographique et écologique de la région : les exploitations se vidaient et les populations se sont rabattues sur les villes et sur la forêt tropicale, aggravant la déforestation. “Rien de plus facile, pour déstabiliser l’économie mondiale, que d’introduire une maladie de l’hévéa en Asie du Sud-Est, avec un effet domino économique et politique incalculable” conclut le Dr Gurr.
En effet, l’agriculture moderne aggrave la vulnérabilité des populations en encourageant le recours à des variétés uniques. La biodiversité s’en trouve amoindrie, et le monde végétal génétiquement appauvri et affaibli, explique le Dr Gurr. A ses yeux, “nous favorisons dangereusement une nouvelle course aux armes, les armes pathogènes“.
Les conséquences des champignons sur les animaux
Les animaux sauvages ne sont pas épargnés puisque des centaines d’amphibiens, des tortues marines, des coraux, les chauves-souris (syndrôme du nez-blanc) ou encore les abeilles sont également fortement menacés.
Par exemple, le champignon chytride (chytridiomycose) décime littéralement les anoures : au moins 500 espèces d’amphibiens sont concernées et 90 seraient déjà éteintes, au cours des 50 dernières années.
Les conséquences des champignons sur la santé humaine
Les êtres humains ne sont pas épargnés : depuis dix ans une mycose, la « Cryptococcus gattii » s’est adaptée aux climats froids, envahissant les forêts nord-américaines de la côte Pacifique nord-ouest. En 2010, elle était responsable de 280 cas d’infections dont plusieurs dizaines, mortelles. Si les mycoses ne sont pas aussi contagieuses que les virus, et si les fongicides sont efficaces dans la plupart des cas, il y a quand même de quoi s’inquiéter. Les mycoses en effet sont en constante mutation et, une fois installées dans un écosystème, demeurent pratiquement impossibles à éradiquer.
Vers une Terre envahie de champignons ?
Au vu de ces tendances, les experts estiment que les mycoses ne sont pas suffisamment prises en compte par les programmes publics et de recherche. “Ce serait étonnant qu’une épidémie de mycoses cause une hécatombe, mais c’est dans le domaine du possible,” explique le Dr Matthew Fisher, spécialiste des maladies émergentes à l’Imperial College de Londres (Grande-Bretagne). Il ajoute : “Cette augmentation alarmante de disparitions animales et végétales provoquées par de nouvelles maladies fongiques montre que nous assistons à la progression vers un monde où les ‘pourris’ sont les vainqueurs. Nous devons tout faire pour empêcher l’apparition de nouvelles maladies car nous manquons cruellement de méthodes pour lutter contre les épidémies fongiques du monde sauvage.“
Source : Christophe Magdelaine / notre-planete.info