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CÉRÉALES À PAILLE, LA RÉSISTANCE AU FROID : UN PROCESSUS D’ACCLIMATATION PROGRESSIF

CÉRÉALES À PAILLE

LA RÉSISTANCE AU FROID : UN PROCESSUS D’ACCLIMATATION PROGRESSIF

A l’heure où le thermomètre descend régulièrement sous 0°C, revenons sur les mécanismes en jeu dans la résistance des céréales au froid.

A variété constante, la résistance au froid fluctue au cours du tallage

La résistance au froid fluctue fortement au cours des premiers mois du cycle. 

La semence, sèche, présente une résistance au froid maximale, notamment parce qu’elle est très peu hydratée. Dès lors que la plantule germe, la résistance au froid chute fortement, pour atteindre un minimum, que l’on situe environ au stade coléoptile. A partir de ce moment, la résistance au froid augmente à nouveau, pour atteindre un maximum courant tallage (entre -10°C et -30°C selon les espèces et les variétés). Elle décroît alors à nouveau, pour laisser la culture de plus en plus exposée en fin de tallage et début de montaison.

Toutes les cultures ne présentent pas la même sensibilité au gel : l’orge de printemps semée à l’automne est l’espèce la plus à risque. Viennent ensuite l’avoine, le blé dur, l’orge d’hiver et le blé tendre. Le triticale et le seigle sont potentiellement les plus résistantes (figure 1). 

Figure 1 : Niveaux maxima de résistances au froid et variabilité génétique chez différentes espèces

Des phases d’endurcissement et de désendurcissement

Ce pic de résistance observé pendant le tallage est lié à des mécanismes non visibles de l’extérieur, qui sont dépendants entre autres de la vernalisation. Mais près de 50 % de la résistance variétale au champ est contrôlée par d’autres facteurs non connus à ce jour.

Une équipe de chercheurs canadiens a étudié la question et nous permet de comprendre un peu mieux les variations de résistance au froid.

• Lors de la phase de vernalisation (qui débute dès la germination et qui est plus ou moins rapide selon la température), la plante est capable de s’endurcir au froid si elle rencontre des températures fraîches au préalable. Cet endurcissement peut être rapide : 1 ou 2 jours à des températures proches du gel suffisent pour élever le niveau de résistance au froid de la plante. Il est d’autant plus efficace que les températures sont froides sans être létales. Plus les conditions favorables à l’endurcissement se prolongent, plus la résistance progresse.

Evidemment, les variétés « très hiver », qui ont des besoins en vernalisation élevés, vont à la fois être capables de s’endurcir plus longtemps, mais aussi d’atteindre des niveaux de résistance plus importants ; à l’inverse, les variétés « alternatives » auront peu d’opportunité d’endurcissement, et n’atteindront pas les mêmes niveaux de résistance.

• Pendant la phase de vernalisation, les plantes peuvent se désendurcir si les températures deviennent très douces (> 12-15°C), puis se ré-endurcir.

• A partir du moment où la vernalisation est terminée, 2 éléments importants apparaissent. D’une part, la résistance au froid diminue progressivement, et d’autre part, le désendurcissement devient irrémédiable : si une période douce apparaît, les plantes perdent définitivement leur résistance au froid.

Les travaux des chercheurs canadiens ne nous renseignent pas sur l’effet de la sensibilité à la photopériode des variétés. Pour une part importante des variétés françaises, on sait que leur phénologie est contrôlée à la fois par des besoins en vernalisation et des besoins en durée du jour, ce qui les empêche de faire leur transition florale trop précocement. Mais on ne sait pas si c’est la période de vernalisation « sensu stricto » (qui se termine normalement au début du tallage dans de nombreux cas) qui est déterminante pour la résistance au froid, ou si c’est la phase de « transition florale » (qui a lieu plutôt un à deux mois avant le stade épi 1 cm) qui est cruciale. ARVALIS a débuté des travaux pour mieux comprendre ce qui se passe.

Comprendre la signification de la note de résistance au froid des variétés

Lors de l’épisode de froid dévastateur de février 2012, beaucoup se sont interrogés sur le manque apparent de corrélation entre les dégâts au champ et la note de résistance au froid des variétés donnée à l’inscription. Cela s’explique très simplement par le scénario de froid mis en jeu :

• Pour l’inscription, les variétés sont exposées dans un dispositif spécifique (en altitude) à du froid précoce (tout début tallage en général), à un stade où elles sont en pleine acquisition de résistance au froid.

• En 2012, la majorité des parcelles détruites étaient très avancées, et avaient donc déjà dépassé la phase de résistance maximale, et dans certains cas, elles avaient même connu des périodes de désendurcissement courant janvier. On pouvait d’ailleurs assez facilement corréler les dégâts à la date de semis, ou à la précocité à montaison des variétés.

Ainsi, pour sécuriser dans la mesure du possible la résistance au froid d’une culture au champ, il faut à la fois prendre en compte sa note CTPS de résistance au froid, et bien ajuster la date de semis en fonction de la précocité à montaison.

Exemples de campagnes atypiques
Avec un automne très doux et une vague de froid en février, le scénario de la campagne 2011/2012 avait été extrême et atypique. Le mois de février 1986 avait été aussi voire plus froid, mais les mois précédents ayant été froids également (très en-deçà des moyennes pluriannuelles), les cultures étaient peu développées, et donc encore totalement résistantes. La vague de froid de février 2012 a duré, avec plusieurs petites « répliques », ce qui a empêché certaines parcelles de repartir.

Plus récemment, le début de la campagne 2014/2015 a également été chaud (mais les semis moins précoces qu’en 2011/2012) ; cependant, le refroidissement progressif et durable de janvier 2015 a permis de ralentir les cultures et d’éviter tout accident ultérieur.
En 2017/2018, le scénario s’est approché de 2012, mais les températures ne sont jamais descendues aussi bas et aussi longtemps ; ceci a permis d’éviter tous dégâts significatifs aux céréales à paille.
Pour la campagne en cours (semis 2018), il n’y a pas beaucoup à craindre de la vague de froid et de neige autour du 20 janvier : les températures sont rarement descendues en dessous de -5°C, et les cultures ont été partiellement endurcies par les petites gelées récurrentes des semaines précédentes.

Jean-Charles DESWARTE (ARVALIS – Institut du végétal)

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