Une horde de minilégumes envahit nos cuisines, toujours plus nombreux et diversifiés. On connaît depuis plusieurs années les carottes ou les concombres à taille réduite, sans parler des maïs, mais voici les aubergines, les poivrons, les avocats ou même les fenouils. Longtemps cantonnés aux assiettes des restaurateurs chics, les petits végétaux affichent désormais leurs modestes formes sur les étals de la grande distribution.
Certaines enseignes proposent un assortiment de plus en plus varié, allant des courgettes aux pois mange-tout sans oublier les okras ou les asperges, produits en Suisse, en Espagne et outre-mer. Une poignée de spécimens, tels les poivrons ou les concombres par exemple, sont demandés en permanence alors que d’autres sont demandés au moment des fêtes de fin d’année essentiellement. La demande est en hausse et la palette toujours plus étoffée: maïs, choux romanesco, brocolis, tout semble miniaturisable…
Apparus en même temps que le grand retour des légumes anciens, les minuscules s’inscrivent dans l’intérêt des consommateurs pour les spécialités de légumes. Aux avant-postes, les végétariens et végétaliens en quête de nouveauté et d’aliments riches. Jean-Pierre Corbeau, sociologue de l’alimentation et professeur émérite à l’université de Tours, distingue quatre raisons principales à cet engouement. «La première est esthétique: miniaturisation et couleurs variées offrent un visuel beaucoup plus agréable au moment où l’acte culinaire s’esthétise énormément et où tout le monde s’essaie à la cuisine. La deuxième est diététique. Les personnes revendiquant un équilibre alimentaire le réduisent souvent à la dimension de la variété: on veut visualiser ses cinq fruits et légumes. On met en scène la diversité et on contrôle le trop par la même occasion. La troisième est ludique, on aime ce côté dînette. La dernière est nutritionnelle. A la manière du veau autrefois, on pense que ces petits légumes contiennent une sorte d’énergie supplémentaire.»
Secrets de fabrication
Le côté pratique, encore, est relevé par les consommateurs… et les distributeurs. «Les snacks de légumes, comme les carottes ou les concombres, sont idéaux entre deux repas ou comme en-cas pour les enfants. Ils se glissent facilement dans un sac. Les minilégumes, comme la barquette avec le chou-fleur et le chou romanesco, sont eux parfaits pour les personnes vivant seules ou les petits ménages car cela permet de cuisiner plusieurs légumes à la fois sans pour autant avoir de restes.» Sans compter qu’ils cuisent plus rapidement et permettent généralement d’éluder l’étape épluchage.
La panacée pour le mangeur, donc, mais qu’en est-il du producteur? Mathieu et Marco Cuendet, quatrième génération de cultivateurs à Bremblens, proposent plus de 200 variétés de légumes, dont des mininavets, des betteraves, des carottes, des céleris, des pâtissons, des fenouils ou des courgettes, à raison de plusieurs types et couleurs par espèce. Leur père s’était lancé dans cette production il y a trois décennies, main dans la main avec quelques chefs de grandes tables gastronomiques. La famille a développé son offre au fil du temps, pour une clientèle constituée majoritairement de «bons restaurants». Les particuliers, de plus en plus preneurs, peuvent s’alimenter via Internet, le marché à la ferme, le marché lausannois de la Palud, des points de livraisons ou Manor Lausanne depuis peu. Matthieu Cuendet rechigne à livrer ses secrets de fabrication. Mais les sites spécialisés en recensent trois: certains légumes sont simplement récoltés plus tôt, comme les aubergines, d’autres semés plus serrés et d’autres encore tiennent de variétés particulières, développées par croisements ou trouvées dans la nature.
Comme un grand
L’argument nutritionnel, dès lors, semble relativisé. Le producteur admet qu’il faudrait faire des analyses. «Contrairement au fruit qui doit mûrir, le petit légume a déjà tout. Sa qualité nutritionnelle est donc certainement tout aussi bonne que celle des grands, si ce n’est meilleure en raison de la concentration.» Muriel Lafaille Paclet, diététicienne cheffe au service de nutrition clinique du CHUV, s’interroge: «On ne peut rien affirmer sans analyses mais cueillir un légume avant terme peut avoir un impact sur sa qualité nutritionnelle, tout comme le planter serré car il manque alors de nutriments. Cela peut entraîner une diminution des vitamines et des minéraux. La question des traitements, du lavage, de l’exposition à la lumière et du transport peut encore altérer le produit, sans parler de l’impact écologique.»
La spécialiste ajoute cependant que tout ce qui peut augmenter la consommation de légumes est bon à prendre. «C’est souvent la préparation et la cuisson qui sont dissuasives pour les ménages. Là, on peut croquer directement, ce qui est pratique pour un pique-nique ou un apéritif par exemple. Mais je rappelle qu’une portion de légumes doit contenir 120-150 grammes, cela fait pas mal de minicarottes!» Une bonne douzaine selon ma balance électronique. A 18-26 euros le kilo.
Les minilégumes sont craquants mais leur prix est quelque peu rédhibitoire. La solution simple – a priori – et écologique: les planter soi-même. Cela tombe bien, l’hiver rend les armes et c’est le moment du semis pour nombre d’entre eux.
Il existe une multitude de graines estampillées «mini» en vente sur Internet, bio ou non: aubergines, choux, laitues, navets et même de la pastèque. On peut également ensemencer des végétaux «normaux» en lignes serrées et procéder à un éclaircissage plus lâche. Pour les légumes racines, il est alors conseillé d’ajouter du sable au substrat. Pour certaines espèces enfin, il s’agira de récolter rapidement: moins de douze semaines pour les carottes Mignon ou Touchon par exemple, onze pour la romaine Tintin, à un diamètre de 5-7 centimètres pour les navets de Milan rouge, 6 centimètres pour une courge Pomme d’or, etc. Occupant un espace réduit, les miniatures peuvent être cultivées sur un balcon, un rebord de fenêtre bien exposé ou dans une toute petite serre. Un régal pour les enfants.