Pâturage tournant
Changer fréquemment de parcelles n’aurait pas autant d’intérêts qu’on le croit
De plus en plus d’éleveurs s’intéressent à la conduite du pâturage tournant dynamique. Demandant un peu de technicité et de travail pour maximiser la valorisation de l’herbe, elle est parfois perçue comme une contrainte chez certains. La Chambre d’agriculture de Bretagne s’est penchée sur le sujet en comparant un pâturage tournant classique à un dynamique et la réponse est des plus étonnantes : le pâturage dynamique qui demande à changer presque quotidiennement les animaux de parcelles ne serait apparemment pas plus avantageux qu’un pâturage tournant classique, moins contraignant.
D’après les résultats d’essai, un pâturage tournant bien conduit (en respectant les hauteurs d’entrée et de sortie des animaux) s’avère tout aussi efficace qu’un pâturage dynamique qui demande à changer quasi quotidiennement les animaux de parcelles. (©Terre-net Média)
La Chambre d’agriculture de Bretagne a testé le pâturage tournant dynamique sur la station expérimentale de Mauron. Deux lots homogènes de génisses limousines ont été conduits de deux façons différentes durant la saison d’herbe 2017 : en pâturage tournant dit « classique » et en pâturage « dynamique ». Pour répondre aux besoins des animaux, il a été convenu d’attribuer 12,5 ares/animal au printemps et 25 ares/animal en été et automne pour chaque lot (le besoin étant fixé à 7,5 kg de MS/génisse et la disponibilité en herbe de 60 kg de MS/ha/jour). Pour comparer les conduites de pâturage, les animaux n’ont pas eu accès au même nombre de paddocks :
– Le lot témoin (en pâturage tournant classique) s’est vu attribuer 6 paddocks au printemps et 12 en été avec une taille de 33,3 ares/paddock ;
– Le lot « dynamique » a quant à lui eu accès à 10 paddocks au printemps et 20 en été car ceux-là étaient plus petits (20 ares/paddock).
Les génisses ont été changées de paddock de façon à respecter une hauteur d’herbe d’entrée de 12 cm et un objectif de sortie à 5 cm (les hauteurs d’herbe d’entrée et de sortie ont été mesurées à l’herbomètre et les génisses ont été pesées à chaque changement de paddock, de la même manière que les fourrages récoltés par parcelle). De ce fait, les génisses du lot « dynamique » ont eu une durée de pâturage plus courte par paddock : 1,9 jours/parcelle contre 3,9 jours pour le lot témoin, pour des surfaces et des quantités récoltées comparables.
Le pâturage tournant dynamique : des contraintes sans les avantages ?
Avec ces deux conduites différentes, les techniciens n’ont observé aucune différence sur les animaux : les croissances ont été élevées et comparables pour les deux lots. Le lot en pâturage classique a valorisé 6 750 kg de MS/ha avec un GMQ de 910 g/j alors que le lot en dynamique a valorisé 6 620 kg de MS/ha pour un GMQ de 870 g/j.
Printemps | Lot pâturage classique | Lot pâturage dynamique |
Nombre de cycle | 5 | 5 |
Durée moy/cycle | 22,5 | 23,5 |
Hauteur entrée | 8,2 | 8,5 |
Hauteur sortie | 4,8 | 4,8 |
Nombre de jours pâturés | 109,5 | 117,5 |
kg de MS pât./gén./jour | 6,2 | 6,1 |
kg de MS récolté/gén. | 560 | 562 |
Croissance (g/j) | 1200 | 1179 |
Été – automne | ||
Nombre de cycle | 3 | 3 |
Hauteur entrée | 7,1 | 6,7 |
Hauteur sortie | 4,7 | 4,8 |
Nombre de jours pâturés | 70 | 70 |
kg de MS distribués/gén. | 193 (2,75 kg/j) | 186 (2,65 kg/j) |
Croissance (g/j) | 609 | 452 |
Total/pâturage | ||
kg MS herbe valorisés/ha | 6750 | 6620 |
GMQ (g/j) | 910 | 870 |
Gain de poids vif/génisse (kg) | 198 | 190 |
Les résultats de l’étude laissent alors perplexes : il semblerait qu’un pâturage tournant correctement conduit pourrait suffire et qu’il ne serait finalement pas nécessaire de changer trop fréquemment les animaux de paddock. On est tenté de se demander « pourquoi se donner autant de mal à changer quotidiennement les animaux de parcelle si le résultat reste le même ? » Il faut néanmoins prendre en compte le fait que la conduite classique a été réellement bien suivie avec des mesures régulières de hauteur d’herbe.
Pour être certaine de ses résultats, la Chambre d’agriculture poursuit actuellement ses essais avec les mêmes lots qui entament leur 2e année de pâturage. Ainsi, avec un besoin de 18 ares/génisse, ces dernières se voient attribuer 25 ares/animal (le surplus permettra de faire de la fauche ou du pâturage selon les conditions au cours de la saison) en 7 paddocks de 48,7 ares pour le lot témoin et en 13 paddocks de 26,2 ares pour le lot en dynamique. Affaire à suivre donc !
BEAUCOUP D’ÉLEVEURS SE TOURNENT VERS LE PÂTURAGE TOURNANT
Le « pâturage tournant dynamique » un terme qu’on entend de plus en plus dans les campagnes ! Mieux valoriser l’herbe, fermer le silo de maïs, cultiver plus de fourrages… les éleveurs sont tous à la recherche d’autonomie et aussi d’économie. L’herbe pâturée restant la culture la plus économe, nombreux sont ceux qui tentent de mieux gérer le pâturage de leur troupeau. C’est d’ailleurs ce que révèle un sondage réalisé sur Web-agri du 22 au 29 mai 2018 : 50,1 % des répondants réalisent du pâturage tournant (dynamique ou non) et 17,9 % font avancer le troupeau au fil. Si 11,9 % des éleveurs ne font pas pâturer leurs animaux, ils restent encore une marge de progrès avec ceux qui laissent les animaux en libre accès dans l’ensemble des parcelles (20,2 %) au risque de moins bien valoriser l’herbe disponible.
- Le pâturage tournant (484 votes)
- Le pâturage libre et continu (le troupeau a accès à toute la surface) (195 votes)
- Je fais avancer le troupeau au fil (173 votes)
- Mon cheptel ne pâture pas (115 votes)
Total des votes : 967
Delphine Scohy | Terre-net Média