JACINTHE D’EAU
Aubaine environnementale
L’une des plantes aquatiques les plus envahissantes au monde est aussi une opportunité de développement des espaces lacustres et fluviaux du Bénin.
Ce n’est pas un hasard si les populations de l’agglomérationlacustre de So-ava, à 35 km au nord de Cotonou, ont surnommé la jacinthe d’eau du nom évocateur de “togblé” (le pays est gâché en langue fon). En effet, dix piedsde cette plante aquatique peuvent en produire jusqu’à 800 000en moins d’un an. Or si elle est redoutée pour ses propriétésenvahissantes, la jacinthe d’eau (Eichhorniacrassipes) est devenue une véritable aubaine pour nombre d’habitants de So-ava,à 35 km au nord de Cotonou (Bénin). L’histoire de ce revirementcommence lorsque David Gnonlonfoun et Fohla Moufta ou s’aperçoivent des nombreuses propriétés de la jacinthe d’eau.
En effet, la structure spongieuse de sa fibre en fait un excellentabsorbant, sans compter son utilité pour la fertilisation des solset pour l’alimentation des lapins, en raison de sa forte teneur ennitrates. Ainsi, en s’inspirant de l’usage positif qu’en fait l’entreprisemexicaine Tema (croisée au détour de leurs recherches),pour lutter contre les marées noires et dépolluer les barragesnotamment, les deux associés ont mis en place une entreprise,Green Keeper, destinée à sa récolte et à sa transformation.
Une entreprise écologiquement et socialement responsable
Pour réaliser sa mission, Green Keeper s’appuie sur une main-d’oeuvre de 400 personnes dont les deux-tierssont des femmes. Ce parti pris s’appuie sur la structuresocio-économique des villages lacustres dela zone de So-ava où les femmes sont les principalesactrices de la chaîne de production, prenant part à la pêche et s’occupant presqueexclusivement de la vente des produits halieutiquesdérivés.
“Nous avons formé les femmes à la collecte etau séchage de la jacinthe. Elles livrent ensuite lesplantes séchées à la compagnie qui en évalue la qualitéet les paie en fonction des quantités livrées”, explique Exhaussé Hounsa-Totin, responsable des approvisionnements chez GreenKeeper. Pour une rémunération qui est passée – l’entrepriseétant devenue rentable – de 100 francs CFA (0,15 euros) auxdébuts de l’entreprise à 400 francs CFA (0,60 euros) par sac de10 kg, elles collectent et sèchent les jacinthes d’eau. RosalineAdanhoun, responsable des collectrices de jacinthes de So-Ava,pour qui cette activité est devenue la principale source de revenus,témoigne : “Le travail est certes difficile ; la collecte de laplante et son séchage nécessitent beaucoup d’efforts. Cependant,les revenus générés par cette activité me permettent de joindreles deux bouts et de scolariser mes enfants. En outre, ce quefait l’entreprise participe à l’amélioration et l’assainissement denotre cadre de vie. En effet, la jacinthe constitue un obstacle à lanavigation et à la pratique de la pêche sur nos eaux.”Outre la consolidation de l’ancrage social de l’entreprise deDavid Gnonlonfoun et Fohla Mouftaou, les résultats témoignentde la pertinence d’une telle stratégie. Trois ans après sa création,Green Keeper Africa utilise chaque mois 500 tonnes dejacinthe dont elle tire 200 tonnes de fibres dépolluantesutilisées essentiellement dans le nettoyage industrieldes hydrocarbures. Elle commence ainsi à sepositionner comme une entreprise qui comptedans ce domaine. En effet, un an après sa création,Green Keeper Africa a décroché son premiercontrat important de nettoyage industriel avecla filiale béninoise du suisse Oryx. Mais David Gnonlonfoun et Fohla Mouftaou ne s’en cachentpas : à terme, il s’agira de se lancer dans la conquêtede l’Est où le marché nigérian suscite leur convoitise. Etpour cela l’entreprise peut aussi compter sur ses partenairesdont la société coopérative SENS (Solidarités EntreprisesNord-Sud), un fonds d’investissement basé à Dassa-Zoumè,à 200 km au centre du Bénin, qui apporte formation et appuifinancier aux PME promouvant le développement durabledans les secteurs de l’agriculture et de l’énergie.
Source : Spore, Claude Biao