Emergence de bactéries phytopathogènes
El Hassan ACHBANI1, Soumia SADIK1,2, Abdellatif BENBOUAZZA1 et Hamid MAZOUZ2
Dans le Saïs et le Moyen Atlas, l’oignon (Allium cepa) figure parmi les principales cultures maraichères, sa production annuelle représente environ la moitié de la production nationale. Toutefois, cette culture est exposée à toute une gamme de maladies et d’infections qui peuvent surgir à tout stade. En post-récolte, des pertes très importantes allant jusqu’à 40% ont été enregistrées dans certains sites de conservation prospectés. En plus, certaines espèces bactériennes ont été répertoriées, pour la première fois au Maroc, sur des bulbes d’oignon pourris.
A travers le monde, plusieurs travaux ont été effectués pour recenser le cortège des ennemis de l’oignon et estimer les pertes occasionnées. Les maladies associées à la culture d’oignon peuvent attaquer différents organes de la plante et causer des dégâts considérables en plein champ et au cours du stockage.
La pourriture grise et la brûlure des feuilles causées par les espèces fongiques du genre Botrytis et la pourriture blanche, causée par Sclerotium cepivorum, sont les maladies les plus importantes et les plus redoutables sur la culture d’oignon. D’autres maladies sont également signalées telles que la pourriture verte dont l’agent causal appartient au genre Penicillium et est associée au bulbe. Cette attaque intéresse surtout l’oignon pendant le stockage. Sur les feuilles, en plus des Botrytis dont B. squamosa qui prend le plus d’ampleur, le mildiou et l’Alternariose peuvent aussi surgir.
Les maladies bactériennes se manifestent principalement par des brûlures causées par les bactéries du genre Xanthomonas et les stries bactériennes causées par Pseudomonas viridiflava au niveau des feuilles et par des pourritures molles causées par les espèces des genres Pectobactérium et Burkholderia ainsi que l’espèce de Pseudomonas marginalis au niveau des bulbes au cours du stockage.
Spécificités de la région
L’objectif de ce travail est de dresser un premier constat relatif aux ennemis de la culture d’oignon dans le Saïs et le Moyen Atlas. Des prospections ont été menées durant la période Mars – Juin 2012 dans les régions de Meknès, El Hajeb, Ifrane, Khénifra et Errachidia. Les conditions climatiques sévissant lors des prospections étaient particulièrement variables et caractérisées par des périodes d’humidité élevée et des hausses anormales des températures.
Conduite technique
Les observations réalisées ont montré la dominance de trois variétés, les variétés blanches dites aussi de jours courts ou culture d’hiver, les variétés jaunes de valence et les variétés rouges de jour long appelées aussi culture de printemps.
Les semences utilisées sont généralement produites localement ou achetées auprès d’autres agriculteurs. Le pourcentage des exploitations utilisant des semences sélectionnées n’excède guère 3,4%. Ce choix est dû au coût d’achat élevé et à un manque de vigueur des semences sélectionnées comparativement à celles produites localement. La dose de semis est généralement de 3 à 5 Kg par hectare. Les variétés blanches sont semées en pépinière pendant le mois d’août et transplantées vers fin novembre – début décembre. Celles de jours longs sont semées en décembre et transplantées vers mars – avril.
La fertilisation apportée est de 1,5 à 6 quintaux de fertilisants par hectare, fractionnés en 2 à 3 fois. Deux désherbages au moins sont effectués après transplantation soit manuellement, en majorité, soit associés à un traitement chimique. Deux modes d’irrigations sont pratiqués, le mode gravitaire et le goutte à goutte avec une fréquence évaluée entre 12 et 20 irrigations pour la culture de printemps. A noter que les principaux précédents culturaux de l’oignon dans les régions prospectées sont la pomme de terre et les céréales.
La récolte a lieu de fin mars à mi-mai pour les oignons blancs et de fin juillet à mi- août pour la culture de printemps. Les parcelles sont irriguées juste avant la récolte pour faciliter l’arrachage. Les oignons blancs, de faible aptitude à la conservation, sont destinés à la commercialisation directe, alors que les variétés rouges, lorsqu’elles sont destinées au stockage, sont récoltées et laissées sécher au champ jusqu’aux premières pluies qui déterminent le temps de retrait dans les séchoirs.
Problèmes phytosanitaires
Les problèmes phytosanitaires majeurs rencontrés dans les exploitations prospectées sont les pourritures molles des bulbes pour les maladies et les Thrips (Thrips tabaci) pour les ravageurs. Pour ces derniers, la présence des Psylles (Psylla pyri) et des vers blancs (Phyllophaga anxia) et gris (Agrotis ipsilon) a été également enregistrée.
Les maladies foliaires ne se présentent qu’à l’état de traces et semblent insignifiantes et apparemment sans aucun effet négatif sur le rendement, notamment sur la variété rouge de Doukkala. Cependant, en post-récolte, nous avons enregistré un développement très important des pourritures des bulbes. Leur incidence varie d’une région à l’autre et s’étale de 5 à 40% dans les régions d’El Hajeb et d’Ifrane, et de 5 à 30% dans les régions d’Ain Taouajdat et de Boudarballa.
Maladies fongiques
Cinq genres de champignons associés aux pourritures des bulbes d’oignon ont été répertoriés dans les exploitations prospectées. Il s’agit d’Aspergillus spp (Pourriture noire), Fusarium spp (Pourriture basale), Penicillium spp (Pourriture bleue), Botrytis spp (la pourriture du collet) et Alternaria spp (Alternariose).
Maladies bactériennes
De l’ensemble des souches bactériennes isolées à partir des bulbes pourris et des feuilles avec des stries blanchâtres, quelques-unes ont été considérées comme phytopathogènes suite à des tests biologiques et de reproduction des symptômes sur des plantes indicatrices. Ces bactéries ont été par la suite identifiées sur la base de tests biochimiques et moléculaires par séquençage des gènes ARN16S qui ont permis de statuer sur leur identité. Il s’agit des bactéries appartenant aux espèces de : Pseudomonas viridiflava responsable de la maladie de « strie bactérienne des feuilles de l’oignon», Xanthomonas retroflexus agent de « la brûlure des feuilles de l’oignon », et de Pseudomonas marginalis provoquant la pourriture molle des bulbes de l’oignon.
A notre connaissance, c’est le premier signalement de ces espèces bactériennes phytopathogènes sur les cultures de l’oignon au Maroc. Des recherches sont en cours pour trouver des moyens biologiques pour lutter contre ces bactérioses. Nous y reviendrons prochainement pour plus de détails sur la suite de ce travail.
1 : Centre National de la Recherche Agronomique de Meknès. Laboratoire de Phytobactériologie et Lutte Biologique.
2 : Université Moulay Ismaïl. Unité de Recherche de Mycologie Appliquée. Laboratoire de Biotechnologies Végétales et Biologie Moléculaire.