Culture hors sol, solution fertilisante ou nutritive
Germaine Brun, AgroChallenge
La culture hors sol qui s’est développée à partir du milieu des années 70 occupe aujourd’hui plus de 20.000 ha dans le monde, la plus grande part située en Europe. On trouve en hors sol des cultures florales, maraîchères et fruitières, en particulier, la fraise et la tomate.
Par définition, on parle de culture hors sol lorsqu’un végétal effectue un cycle complet de développement sans que les racines soient en contact avec le sol. La croissance se fait donc sur un milieu qui fournit à la plante l’ensemble des éléments minéraux indispensables, l’eau et l’oxygène nécessaires. La culture peut être réalisée sans substrat sur milieu liquide aéré, ou sur un substrat minéral (perlite, laine de roche) ou organique (tourbe, fibre de coco) alimenté par une solution nutritive.
Au Maroc, la culture hors sol sur substrat est en pleine expansion pour diverses raisons : problèmes d’infestation des sols par les pathogènes (nématodes, fusarium…), rareté de l’eau dans les zones de production maraichère et souci de productivité. Cette technique présente en effet des avantages dans la maîtrise des facteurs de production, notamment fertilisation et irrigation par l’utilisation d’une solution fertilisante adaptée aux besoins de la culture.
Satisfaire les besoins en éléments minéraux
Les éléments minéraux indispensables sont au nombre de 12 : 6 éléments majeurs : N, P, K, Ca, Mg et S et six éléments mineurs ou oligo éléments : Fe, Zn, Mn, Cu, B et Mo. Les besoins respectifs en ces éléments peuvent varier en fonction de la culture, de la variété ou du stade de développement, mais l’absence d’un seul d’entre eux conduit à la mort du végétal.
Conduit sur sol, un végétal puise ces éléments dans la solution du sol. En hors sol, ils sont fournis par l’intermédiaire de la solution fertilisante adaptée aux besoins spécifiques de la culture (tableau I). Les équilibres entre éléments respectent ainsi les besoins du végétal et diffèrent de ceux rencontrés dans la solution du sol ou dans l’eau d’irrigation (tableau II).
Tableau I : consommation d’une tomate type Daniela (rendement de 420T/ha) sur laine de roche, et composition moyenne de la solution nutritive
N
( NH4+) |
N
(NO3-) |
K+ | Ca++ | Mg++ | H2PO4– | SO4— | |
Consommation en kg/ha | 18 | 869 | 1278 | 734 | 134 | 1200 | 169 |
solution nutritive teneur en mg/l | 2,5 | 122 | 179 | 103 | 19 | 168 | 23 |
Tableau II : composition de la solution du sol et de l’eau d’irrigation : exemple d’un sol de tomate région du Souss
N
( NH4+) |
N
(NO3-) |
K+ | Ca++ | Mg++ | H2PO4- | SO4– | |
Solution du sol
Teneur en mg/l |
1,8 | 116 | 17,6 | 272 | 98 | 29,5 | 704 |
Eau du puits
teneur en mg/l |
8 | 89 | 1,9 | 92 | 29 | 0,1 | 78 |
Eau du puits teneur en meq/l | 0,4 | 1,4 | 0,05 | 4,6 | 2,39 | 0 | 1,6 |
Adapter au stade de la culture
Au cours du cycle, les besoins du végétal évoluent, la solution fertilisante sera donc modifiée régulièrement (tableau III)
Tableau III : exemple de solutions nutritives pour la tomate en fonction du stade (valeurs moyennes)
Eléments en meq/l* | NH4+ | K+ | Ca++ | Mg++ | NO3- | H2PO4- | SO4– | Cl- |
Plantation | 1,5 | 7,5 | 12 | 4 | 15 | 2 | 6 | 2 |
Stade R1 | 1 | 9,5 | 8 | 3 | 13 | 1,5 | 5 | 2 |
* les éléments sont exprimés en meq/l et sous forme ionique pour tenir compte de la charge ionique et pour faciliter la formulation de la solution.
Formuler la solution nutritive
Les solutions nutritives sont préparées à partir d’engrais simples ou binaires (2 éléments comme KNO3 par exemple) mis en solution dans l’eau. L’eau disponible est souvent elle-même chargée en sels, dont il faudra tenir compte dans les apports.
Pour fabriquer une solution nutritive destinée à une plantation de tomate (tableau III) à partir de l’eau du puits (tableau II), on établi une grille permettant de visualiser les éléments à apporter :
Grille de formulation de solution nutritive. Tous les résultats sont exprimés en meq/l.
CATIONS | ANIONS | |||||||
NH4+ | K+ | Ca++ | Mg++ | NO3- | H2PO4- | SO4– | Cl- | |
Référence | 1,5 | 7,5 | 12,0 | 4,0 | 15,0 | 2,0 | 6,0 | 2,0 |
Eau puits | 0,4 | 0 | 4,6 | 2,4 | 1,4 | 0,0 | 1,6 | 1,9 |
Acide | 3,1 | 1,5 | ||||||
Eléments à apporter | 0,9 | 7,5 | 7,4 | 1,6 | 7,3 | 2,0 | 4,4 | 0,1 |
TOTAL |
Éléments à apporter : par différence entre la référence et l’eau du puits acidifiée pour neutraliser les bicarbonates : ici mélange acide nitrique+ acide phosphorique.
La grille est ensuite remplie élément par élément de façon à ce que le TOTAL se rapproche le plus possible de la référence.
Pour le calcium : quantité à apporter 7,4 meq que l’on apporte sous forme de Ca NO3 (seule forme soluble disponible) ce qui apporte aussi : 0,7 meq de NH4+ et 8,1 meq de NO3– que l’on reporte dans le tableau dans les colonnes correspondantes comme ci-dessous :
CATIONS | ANIONS | |||||||
NH4+ | K+ | Ca++ | Mg++ | NO3- | H2PO4- | SO4– | Cl- | |
référence | 1,5 | 7,5 | 12,0 | 4,0 | 15,0 | 2,0 | 6,0 | 2,0 |
eau puits | 0,4 | 0 | 4,6 | 2,4 | 1,4 | 0,0 | 1,6 | 1,9 |
acide | 3,1 | 1,5 | ||||||
Eléments à apporter | 0,9 | 7,5 | 7,4 | 1,6 | 7,3 | 2,0 | 4,4 | 0,1 |
CaNO3 | 0,7 | 7,4 | 8,1 | |||||
TOTAL | 1,1 | 12 | 12,6 | 1,5 | 1,6 | 1,9 |
On procède ainsi éléments par éléments jusqu’à obtenir la grille finale.
CATIONS | ANIONS | |||||||
NH4+ | K+ | Ca++ | Mg++ | NO3– | H2PO4– | SO4— | Cl- | |
référence | 1,5 | 7,5 | 12,0 | 4,0 | 15,0 | 2,0 | 6,0 | 2,0 |
eau puits | 0,4 | 0 | 4,6 | 2,4 | 1,4 | 0,0 | 1,6 | 1,9 |
acide | 3,1 | 1,5 | ||||||
Eléments à apporter | 0,9 | 7,5 | 7,4 | 1,6 | 7,3 | 2,0 | 4,4 | 0,1 |
CaNO3 | 0,7 | 7,4 | 8,1 | |||||
KNO3 | 3 | 3 | ||||||
K2SO4 | 4,5 | 4,5 | ||||||
NH4H2PO4 | 0,5 | 0,5 | ||||||
MgSO4 | 1,6 | 1,6 | ||||||
TOTAL | 1,6 | 7,5 | 12 | 4,0 | 15,6 | 2 | 7,7 | 1,9 |
Pour préparer la solution nutritive, il reste à transformer ces meq/L en kg d’engrais.
Pour CaNO3 : 7,4 meq/l correspondent à 800mg/l ou encore 800g/m3.
Pour des raisons pratiques, les solutions nutritives sont préparées sous forme concentrées appelées ‘solution mère’.
Ajuster la solution nutritive
Même si elle est normalement adaptée à l’espèce cultivée et au stade de la culture, il est souvent nécessaire d’ajuster la solution nutritive en fonction des observations visuelles, des variations climatiques ou de la période de culture. Les ajustements seront aussi faits sur la base de contrôles des solutions drainées ou des solutions du substrat. Habituellement, on procèdera :
- A une augmentation des apports de K si la charge en fruits est importante
- A une augmentation de la charge totale en éléments (EC plus élevée) pour des cultures en période hivernale, ou pour diminuer les défauts de qualité.
- A une diminution de la charge totale en éléments (EC plus basse) pour favoriser un système racinaire défaillant ou pour des cultures estivales.
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