Nématodes
Exploiter la résistance
Les variétés résistances aux nématodes à galles sont une voie prometteuse qui nécessite déjà une gestion durable pour éviter les risques de contournement déjà connus chez d’autres espèces légumières.
Depuis plusieurs années, les possibilités de contrôle des nématodes à galles par des solutions chimiques se réduisent pour des raisons à la fois réglementaires et économiques. On assiste donc à une montée en puissance de ce problème en maraîchage sous abri. Ainsi, une enquête récente conduite par l’INRA France dans la région PACA de 2007 à 2010 souligne l’importance particulière de ces nématodes dans plus de 40% des exploitations conventionnelles et en agriculture biologique.
Choix crucial des géniteurs
Des méthodes alternatives (solarisation, biofumigation, cultures intercalaires, antagonistes naturels, désinfection vapeur) existent et permettent un contrôle à peu près correct lorsque le niveau d’inoculum est limité. Mais lorsque l’inoculum est important, la culture de variétés résistantes (cultivars ou porte-greffes) devient nécessaire pour maintenir un bon niveau de production et/ou une baisse du potentiel infectieux du sol (effet plante-piège) jusqu’à un niveau tolérable (voir encadré). « Cette situation a motivé la mise en place récente de programmes de sélection de variétés et/ou porte-greffe résistants chez les sélectionneurs d’espèces maraîchères, en particulier tomate et poivron » expliquait Caroline Djian-Caporalino, INRA PACA, lors d’une conférence qui s’est déroulée au MIFFEL 2011.
En effet, chez le piment Capsicum annuum, plusieurs gènes de résistance aux nématodes à galles, gènes Me, ont été identifiés et caractérisés. Trois d’entre eux sont efficaces contre un large éventail d’espèces, y compris les espèces les plus communes dans les régions tropicales ou méditerranéennes. « Nous avons déjà montré des différences importantes dans les mécanismes d’action mis en jeu et démontré que certains de ces gènes étaient contournables en conditions artificielles, pour d’autres, le contournement s’est avéré impossible dans un contexte génétique bien défini malgré de très fortes infestations de Meloidogyne», explique la spécialiste. Les expérimentations conduites sur cette espèce dans le cadre de nombreux projets ont montré l’importance cruciale du choix des géniteurs à l’origine des croisements pour diminuer les risques d’adaptation rapide des populations de nématodes à ces nouvelles résistances. Encore en cours d’étude, ces résistances prometteuses ne sont actuellement pas disponibles dans des variétés commerciales. Ce travail d’amélioration génétique nécessite en moyenne une dizaine d’années pour aboutir. « Dans ce contexte, il apparaît capital d’élaborer et de valider des stratégies d’exploitation et de gestion des gènes disponibles dans un objectif de résistance durable avant que ces gènes ne soient diffusés dans les cultivars commercialisés » mentionne Caroline Djian-Caporalino.
Une stratégie de piégeage
C’est pour cela que des expériences sont en cours afin d’étudier le mode d’action de ces gènes pour choisir les plus intéressants à combiner ou à « pyramider ». Elles permettent aussi d’appréhender le contournement possible de ces gènes et dans quelles conditions, de tester l’influence de leur déploiement spatio-temporel (successions ou mélanges) sur l’apparition de souches virulentes de nématodes, ainsi que l’impact des variétés résistantes sur la structure des populations de nématodes phytoparasites en général. « Nous évaluons également le temps nécessaire à l’amélioration de la santé du sol en utilisant les plantes résistantes comme plantes «pièges» pour réduction de ces parasites sous leur seuil de nuisibilité» explique Caroline Djian-Caporalino, un seuil évalué entre 100 et 1000 individus par kg de sol alors que certains niveaux d’infestation peuvent atteindre 200.000 larves par kg. En effet, cette stratégie de piégeage peut conduire à une réduction de 75 à 90 % du taux d’infestation du sol par des nématodes à galle et à la protection de la culture sensible d’hiver qui suit.
Un projet GEDUNEM « Innovations techniques et variétales pour une gestion durable des nématodes à galles dans les systèmes maraîchers sous abris » permettra de poursuivre les expérimentations en associant les innovations variétales aux autres méthodes de lutte possibles (successions d’espèces diversifiées, gestion de l’interculture, biofumigation, lutte biologique, prophylaxie) pour maintenir une pression parasitaire faible augmentant la durabilité des résistances et en s’assurant de leur faisabilité économique. Le projet repose sur l’association de nématologistes, pathologistes, écologistes, généticiens, sélectionneurs, modélisateurs, agronomes, socio-économistes et expérimentateurs pour concevoir et combiner des innovations variétales, culturales, physiques et biologiques permettant de gérer ces problèmes de nématodes.
Produire et piéger :
Une résistance à double effet
Les variétés ou porte-greffes résistants sont des variétés d’une espèce normalement sensible aux nématodes qui vont attirer les nématodes des couches profondes grâce à leurs exsudats racinaires puis les bloquer à l’intérieur de la racine par une réaction d’hypersensibilité. Celle-ci entraine la mort rapide et localisée des cellules végétales autour du nématode due à l’expression d’un gène de résistance. Cette réaction peut être soit précoce et empêche alors la migration des larves jusqu’au cylindre central de la racine, le privant ainsi de nourriture, soit tardive et empêche le développement du site nourricier indispensable au développent des nématodes. La résistance combine plusieurs avantages en permettant des cultures d’été saines (sans galles) et productives, et assurant une réduction efficace du taux d’infestation du sol, et donc des rotations de culture plus courtes.
Des gènes rares et fragiles
Il existe peu de cultures maraîchères naturellement résistantes aux nématodes à galles. Pour le concombre, les salades ou la carotte, certaines variétés sont moins sensibles que d’autres (résistances partielles). Il existe également des porte-greffes « courges » apportant plus de vigueur aux Cucurbitacées permettant ainsi de minimiser les dégâts. A ce jour, seulement quelques espèces de plantes ont montré des potentialités de résistance totale aux nématodes à galles : la carotte (gène Mj-1), le coton (gènes MIC-3, rkn-1, Mi1), les prunus (gènes Ma), la tomate (gènes Mi), la pomme de terre (gènes Rmc1, MfaXII), les piments/poivrons (gène N et gènes Me). A l’échelle mondiale, seul le gène Mi-1 de la tomate (qui contrôle M. incognita et M. arenaria mais pas M. hapla et n’est pas actif au-delà de 32°C) est commercialisé à l’heure actuelle. Il a été introgressé il y a 60 ans à partir d’une seule plante sauvage dans toutes les variétés de tomates résistantes et les porte-greffes résistants actuellement disponibles pour la tomate ou l’aubergine. Ceci explique en partie la rapidité d’apparition et l’extension de populations de Meloidogyne virulentes (se multiplient sur plantes résistantes) vis-à-vis de ce gène Mi-1 dans diverses régions du monde risquant de réduire significativement la durée d’exploitation des variétés résistantes commercialisées.
Trois mesures prophylactiques nécessaires
mais pas suffisantes
– Le nettoyage des outils, roues du tracteur, chaussures des personnes, etc., lors du passage d’une parcelle contaminée à une parcelle saine est une des clés de la lutte contre les nématodes. Un rinçage soigneux à l’eau si possible additionnée d’un peu d’alcool ou de javel est suffisant.
– Certaines mauvaises herbes (amarante, morelle, chénopodes, rumex…) permettent aux populations de nématodes de se maintenir. Il est donc très important de les éliminer de la parcelle mais également aux abords des abris.
– La maîtrise de l’irrigation est un élément important du contrôle des nématodes : il s’agit d’éviter les excès d’eau, voie favorable à leur dissémination. Les arrosages à la raie par exemple sont à proscrire.