Plusieurs pays s’étonnent du fait que nous puissions produire de la banane au Maroc. Ceci a été rendu possible grâce à la persévérance, l’expérience et le savoir-faire des producteurs marocains qui ont osé relever ce défi (depuis les années 1970-80). Ils avaient à faire face à de nombreuses entraves: disponibilité des terrains en zones favorables, culture sous serre, technicité, problèmes d’ordres techniques et commerciaux (anarchie du circuit de vente, concurrence des bananes d’importation), années gélives, … Malgré tous ces obstacles, et grâce à leur ténacité, les producteurs marocains ont pu réaliser l’autosuffisance au niveau national en matière de bananes avec une bonne qualité à des prix de vente accessibles à toutes les souches de la population.
Toujours présente sur les étals, la banane tient non seulement la vedette parmi les fruits tropicaux les plus vendus, mais en constitue même la variété la plus sollicitée à la fois pour sa saveur et pour l’accessibilité de son prix de vente. Pratiquement jusqu’en1978, le Maroc en était grand importateur. Mais, grâce au développement des serres et des techniques de culture adaptées, la production s’est développée en de nombreux points du littorale atlantique notamment entre Moulay Bouselham et Agadir.
L’une des caractéristique de la production marocaine est que, mis à part la zone de Tamri au Nord d’Agadir, toutes les bananes sont pratiquement produites sous serre, d’où le prix de revient élevé pour les producteurs.
Une belle aventure
Au début, la culture de la banane était l’apanage d’une poignée de personnes (généralement pas du domaine) qui possédaient le savoir-faire (certains ont fait appel à des techniciens espagnols des îles Canaris) et surtout les moyens suffisants (serre) pour se lancer dans une production dont ils surent tirer grand profit. Cependant, au début des années 80 et bien qu’exigeant de lourds investissements, ce nouveau type de culture a enregistré une extension rapide, grâce à l’aide de l’Etat sous forme d’exonération des matériels d’équipement importés et les crédits couvrant jusqu’à 70% du coût de financement des campagnes, ainsi qu’à la protection douanière. Les prix de vente étaient aussi très rémunérateurs (10-12 dh/kg départ ferme). D’ailleurs son prix et sa rareté n’en faisaient pas un fruit accessible à toutes les tables (30dh/kg prix consommateur). En cette époque la banane était inscrite sur la liste A des produits interdits à l’importation.
Aujourd’hui, force est de constater que les producteurs sont loin des résultats du début puisque les crédits ne sont plus accordés au secteur bananier et les prix au départ de la ferme dépassent rarement 4,5 dh/kg. Exception faite pour les années de gel (2005, 2011) qui certes a provoqué une diminution de l’offre mais a en même temps entraîné une augmentation des prix (8dh pour le producteur).
Dans les années 90, avec l’introduction des serres en bois, des producteurs de ‘’classe moyenne’’, pour la plupart des techniciens, se sont également intéressés à cette production d’abord sur des petites surfaces avant d’entamer des extensions. A partir des années 2000, les petits producteurs ont commencé à investir ce secteur sur de petites surfaces. Les tout premiers investisseurs se sont alors progressivement retirés du domaine pour céder la place à ces petits qui disposaient d’avantages comme la main d’œuvre familiale et la matière organique disponible sur place (élevage sur exploitation polyvalente) et se satisfaisaient de marges plus faibles.
Les producteurs de classe moyenne, ont également dû faire face à cette rude compétition par une évolution vers des techniques de production plus élaborées.
En effet, la rentabilité de plus en plus faible a poussé les producteurs à innover pour améliorer rendement et qualité, tout en diminuant les frais engagés pendant la campagne. Parmi eux, M. Ben Daif Bouselham, producteur et distributeur d’intrants agricoles, Installé dans la région de Mnasra dans le Gharb, qui a mis au point au fil des années un système de conduite innovant, qu’il a perfectionné avec le temps, et qui permet de réduire les coûts de production, améliorer le rendement et assurer une meilleure régularité de l’activité.
« Au début, le bananier était appelé la culture des paresseux, explique M. Bouselham, ceci était vrai mais pour un rendement faible de l’ordre de 30t/ha seulement. Pour atteindre un rendement élevé, il a fallu adopter les bonnes techniques de conduite, notamment le recours aux vitro plants, la désinfection localisée du sol (moins couteuse que la généralisée pratiquée auparavant) et une nutrition adaptée à chaque stade de développement du bananier ». Ainsi, en plus de l’irrigation par des micro-asperseurs, M. Bouselham a opté pour une fertigation via goutte à goutte, à raison de deux gaines par ligne de culture. Ce dispositif permet de subvenir quotidiennement aux besoins en fertilisants de la culture, alors qu’en général les producteurs procèdent plutôt à un épandage d’engrais tous les 15 jours, ce qui entraine des variations importantes de la salinité et de la concentration. La fertigation offre également la possibilité d’utiliser des fertilisants hydrosolubles plus performants, des enracineurs et surtout des oligoéléments, dont le manque impacte négativement le rendement. Grâce à ces différentes mesures, les bananiers résistent mieux aux périodes de stress, notamment lors des baisses des températures hivernales que connait la région du Gharb. « Cette nutrition adaptée a pour effet une augmentation du rendement de l’ordre de 15-20% qui permet d’avoir des régimes de 60-70kg, en plus de l’amélioration de la qualité qui se traduit par des bananes plus longues et plus brillantes, mieux valorisées sur le marché », ajoute M. Bouselham.
Transfert de savoir faire
Afin de permettre aux autres producteurs de la région de profiter de son expérience, M. Bouselham encadre plusieurs d’entre eux et organise régulièrement des séances de formation et des visites de petits groupes dans ses serres pour leur expliquer le fonctionnement du système. Cette méthode lui a permis de vaincre les réticences que certains montraient quant à la possibilité d’obtenir des régimes de plus de 60kg.
Afin d’amener les producteurs à s’impliquer sérieusement, M. Bouselham a eu l’idée de consacrer une prime au producteur encadré qui obtient le régime le plus lourd. « Pour les producteurs la valeur de la prime n’était pas la plus importante mais plutôt le fait de relever le défi. C’est ainsi qu’on est passé au fil des ans de 62 à 68 kg, et actuellement des producteurs atteignent le poids record de 75 kg. Certains réclament même une attestation comme étant les premiers à avoir atteint un tel poids», se réjouit M. Ben Daif. Le régime gagnant est accroché dans sa boutique à Mnasra pour être admiré par les producteurs qui défilent à longueur de journée. Force est de constater que l’initiative prise par M. Ben Daif devrait normalement être prise par l’Etat ou une association de producteurs de banane afin de les encourager à aller de l’avant.
Une culture stable, malgré les difficultés
Contrairement à Agadir (autre grande région de production de la banane au Maroc), où il existe une multitude de cultures, les producteurs du Gharb n’ont pas beaucoup d’alternatives en créneau primeur (le maraichage de saison est courant mais pas en primeur à cause de l’humidité élevée dans la région en hiver qui entraine maladies, augmentation des couts de traitements, etc.). Ils sont donc obligés de trouver les moyens de rendre leur culture de bananier plus rentable.
Les producteurs de banane font face à de nombreuses difficultés qui entravent le développement du secteur notamment : la faiblesse des prix de vente départ ferme, la fatigue des sols et leur infestation de nématodes (peu de producteurs investissent dans la désinfection faute de rentabilité de la culture), le renchérissement des intrants notamment le film de couverture des serres et le fil de fer (alors même que les producteurs signalent une baisse marquée de la durée de vie de ces matériaux), le manque de productivité de la main d’œuvre. Devant cette multitude de défis les producteurs n’ont d’autre choix que d’améliorer le rendement et la qualité… ou disparaitre.
Bouselham, déplore le fait que le producteur a besoin d’une année pour dégager une marge d’à peine 1dh/kg de banane (vente 4,5 à 5 dh départ ferme), alors que les autres intervenants de la filière (transporteurs, intermédiaires, commerçants…) gagnent davantage en une semaine de travail seulement. C’est pourtant le producteur qui travaille toute l’année et supporte tous les risques puisque c’est une culture sensible aux aléas climatiques (hautes températures, gel, vents puissants…). Une meilleure organisation du circuit de commercialisation permettrait sans doute d’améliorer la rentabilité pour le producteur et réduire le prix payé par le consommateur final.
« J’ai l’impression que l’administration n’a pas encore pris conscience de l’importance de sauver ce secteur qui fait vivre beaucoup de familles (production, transport, frigos, grossistes, détaillants…). Il faut se rendre à l’évidence que si cette production locale n’existait pas il y aurait une flambée inévitable des prix puisque le marché ne serait approvisionné que par des bananes d’import. Il suffit pour s’en assurer de constater la hausse de prix en été lorsque la production locale est absente, sans parler des fortes sorties de devises » explique M. Bouselham.
Eviter l’année blanche
Contrairement à ce qui est généralement adopté par la majorité des producteurs, M. Ben Daif fait recours à d’autres méthodes qui permettent de réduire les charges et d’assurer une régularité de la production. A titre d’exemple, la méthode la plus répandue parmi les producteurs est l’arrachage de la totalité de la plantation au bout de 3 années de production. Ils procèdent ensuite à une désinfection totale du sol de la serre avant de replanter à nouveau. Le principal handicap de cette pratique est qu’elle impose d’attendre un peu plus d’une année avant d’entrer à nouveau en production. Une année pendant laquelle la parcelle ne génère aucun revenu. Afin d’assurer une production en continu, M. Bouselham recommande une plantation basée sur une alternance de lignes simples et de lignes doubles. Au bout de deux années de production, on procède à la désinfection localisée du sol au niveau des espaces intercalaires et on y plante des lignes jumelées et d’autres simples.
Pour plus d’informations prendre contact avec M. Bouselham