Conditions météorologiques et traitements phytosanitaires
Prof. Hmimina M’hamed
Les précipitations, la vitesse du vent, la température ambiante, le taux d’humidité relative de l’air, influent vigoureusement sur l’efficacité des pulvérisations et les perditions des antiparasitaires par dérive et ruissellement. Une évaluation de l’effet pesticide sur un quelconque ravageur serait étriquée si on laissait de côté l’influence de ces facteurs sur les traitements. Les variations de leur emprise sont si importantes pour qu’un examen soit superflu. D’excellents articles concernant cet aspect sont exposés dans diverses revues, mais y accéder reste limité aux initiés.
Dans la présente synthèse, nous allons nous efforcer de présenter le plus clairement possible les traitements dans leurs rapports avec les facteurs météorologiques. Pour cela nous décrivons comment ils interfèrent sur les applications et précisons les mesures à prendre pour accommoder les pulvérisations aux conditions du moment, afin d’améliorer la rigueur des traitements et de réduire les pertes des antiparasitaires et les insuccès liés à leur mauvais usage. Par la même occasion, nous indiquons également comment utiliser des appareils simples dont la présence est profitable dans une exploitation pour estimer localement les conditions météorologiques.
Précipitations
Une question récursive est : faut-il recommencer un traitement après une pluie et à partir de quelle quantité de précipitation ? La réponse à cette interrogation n’est certainement pas évidente. Tous les produits n’ont pas la même résistance à l’entraînement par la pluie. Celle-ci peut avoir des effets positifs ou négatifs sur les pulvérisations. Selon le cas, une précipitation survenant peu après la pulvérisation pourra « laver » plus ou moins complètement les feuilles, entraînant le produit au sol et réduisant son efficacité. Inversement, la pluie peut favoriser la diffusion d’un produit sur la cible visée, mais il ne faut pas compter sur cet épiphénomène pour garantir une bonne distribution. Certains produits du sol sont plus efficaces lorsque la pluie les entraîne en profondeur après leur épandage, mais il importe toutefois qu’ils remplissent leur fonction et se dégradent avant d’atteindre la nappe phréatique. En tout état de cause, il faudrait toujours :
- se renseigner sur les prévisions météorologiques et connaître leur effet sur le produit à utiliser ;
- éviter de pulvériser le produit sur des feuilles mouillées par la pluie ou la rosée, à moins que la firme propriétaire du produit ne précise le contraire. Une feuille ne peut retenir qu’un volume limité de liquide et par conséquent qu’une quantité limitée de produit ;
- s’abstenir de continuer à doucher les feuilles déjà trempées par le produit; la concentration du pesticide reste en effet la même que dans la cuve du pulvérisateur. Le surplus sera tout simplement charrié vers les feuilles de la base et finira dans le sol.
Dans la pratique courante, on admet que des précipitations inférieures à 10 mm, mais survenant quelques heures plus tard (plus de 4 heures), ne justifient pas le renouvèlement d’un traitement. Néanmoins, pour sortir de cette incertitude et éviter le lessivage des produits phytopharmaceutiques, il est conseillé de ne jamais traiter sous la pluie ni en cas de pluie annoncée.
Rosée
Il n’est pas conseillé de traiter par une rosée forte (risque de lessivage). En revanche, une faible rosée facilite la pénétration du produit.
Hygrométrie (% d’humidité dans l’air)
C’est une donnée fondamentale pour les pesticides foliaires, car elle influence la vitesse d’évaporation des gouttes. Par temps sec, les fines gouttelettes s’évaporent avant même de toucher la plante ; les autres diminuent de volume, ce qui les rend plus sensibles à la dérive. Il est préférable de traiter le matin ou en soirée, lorsque l’hygrométrie est au dessus de 60%. Une telle hygroscopie favorise la pénétration foliaire du produit phytosanitaire et empêche l’évaporation des gouttes ainsi que les brûlures des plantes traitées.
Vent
C’est le principal facteur à considérer pour éviter la dérive. Plus le vent est fort, plus la dérive est importante et plus le volume des gouttelettes à la sortie des buses est modifié. Le produit se dépose au-delà de la zone à traiter. C’est donc la direction du vent qui déterminera si les gouttelettes seront entraînées vers les zones cibles ou vers des environs non souhaitables (lacs, rivières, cultures non cibles ou sensibles, pâturages, espaces fréquentés par les humains, habitations, etc.), tandis que de sa force découlera la distance que les gouttelettes parcourront avant d’atteindre leur cible. Le tableau ci-après renseigne sur les risques de dérive selon la vitesse du vent et précise s’il y a lieu ou non de procéder au traitement.
Recommandations de pulvérisation en fonction du régime des vents
Description | Vitesse du vent | Indices apparents | Décision |
Vent calme | < 2 km/h | Fumée monte verticalement | Ne pas traiter si température est trop élevée |
Vent léger | 2-3 km/h | Direction indiquée par la dérivation de la fumée | Conditions idéales pour la pulvérisation |
Brise légère | 3-7 km/h | Bruissement des feuilles et sensation de souffle sur le visage | |
Brise douce | 7-10 km/h | Feuilles constamment en mouvement | Utiliser des buses anti-dérive |
Vent modéré | 10-15 km/h | Petites branches en mouvement et soulèvement de la poussière | Utiliser des buses anti-dérive |
Vent modéré à fort | > 15 km/h | Ne pas traiter |
Retenons que l’influence du vent est particulièrement importante dans le cas de pulvérisations dirigées, c’est à dire faites au moyen d’appareils à jet porté. Celles-ci doivent se faire par un vent oblique, en orientant les buses et les déflecteurs de façon à guider le jet vers la frondaison des arbres, et non par-dessus celle-ci. Les pulvérisations peuvent se faire à des vitesses de vent proches de la limite supérieure indiquée, à condition de réduire les distances par rapport à la cible et/ou d’utiliser :
- des buses munies d’un dispositif d’atténuation de la dérive ;
- un réglage produisant de grosses gouttelettes ;
- de faibles vitesses d’avancement ;
- des écrans de réduction de la dérive.
En cas d’indisponibilité de tels accessoires, limiter les traitements aux périodes calmes ou se référer aux instructions du fabricant du matériel et du pesticide.
Température
En général, l’absorption et la migration des pesticides dans la plante sont optimales lorsque la température est comprise entre 5°C et 20°C. Pour bénéficier d’une telle cinétique, il faut traiter par une température ambiante basse et un taux d’humidité relative élevé. On minimise ainsi les risques de dérive imputables aux inversions de température ou à l’évaporation et on augmente le degré de recouvrement et la quantité de produit déposée sur la cible. Un air chaud et sec accentue les risques de dérive par évaporation rapide des gouttelettes et leur transformation en vapeur, en gouttelettes encore plus fines ou en particules de pesticide concentré. De nombreux autres facteurs influencent la dérive des produits et le dépôt sur la cible, notamment la formulation des produits, la méthode de pulvérisation et la taille des gouttelettes. Les conditions optimales de traitement sont réunies tôt le matin, mais la période de pulvérisation la moins néfaste aux abeilles est la soirée ou la nuit.
Ajoutons à cela que chaque produit phytosanitaire a une fourchette de températures dans laquelle son efficacité est optimale. Par exemple, un produit à absorption foliaire doit être appliqué à une température comprise entre 12 et 20°C. Les insecticides organophosphorés (azinphos méthyl, azinphos éthyl chlorpyriphos éthyl, diméthoate, diazinon, malathion…) et les carbamates (méthomyl, pirimicarbe…) agissent sur le système nerveux des insectes en inhibant l’acétylcholinestérase, une enzyme impliquée dans le fonctionnement du système nerveux et musculaire. Cette enzyme est activée par la température si bien que les produits de ces deux familles sont plus efficaces lorsque la température au moment de l’application se situe au-dessus de 15°C. En revanche, les insecticides organochlorés agissent sur le système nerveux au niveau du transfert des influx nerveux. Cependant à l’inverse des deux groupes précédents, les organochlorés (endosulfan…) ne doivent pas être appliqués lorsque la température est supérieure à 25°C. Une autre famille d’insecticides, agit au niveau du système nerveux : celle des pyréthrinoïdes de synthèse. Ces insecticides peuvent causer deux types de syndromes soit le syndrome de type I (pyréthrine), ou celui de type II (cyperméthrine, deltaméthrine et lambda-cyhalothrine). Les pyréthrinoïdes de type II ont une plus grande activité insecticide que ceux de type I et leur DL50 est plus faible. De plus, ils sont plus efficaces à hautes températures tandis que c’est l’inverse pour les pyréthrinoïdes de type I.
Suivi des conditions météorologiques
Avant d’entreprendre un traitement ou même pendant l’opération, si l’on soupçonne que les conditions sont en train de changer, il est conseillé de prendre connaissance des prévisions météorologiques. Une des toutes premières prudences est de lire l’étiquette du produit pour voir s’il y a des mesures à respecter en ce qui concerne la température et la vitesse lors du traitement. Ces informations ne constituent qu’un des éléments à considérer dans la décision de traiter ou non. C’est à l’opérateur de juger à tout moment ce qu’il doit faire. En effet, tout exploitant appelé à protéger ses cultures, doit surveiller les conditions météorologiques et noter les données locales en s’aidant d’une station fixe ou portable.
La station météorologique portable permet de mesurer la température et le taux d’humidité relative de l’air, ainsi que la vitesse du vent. Pour mesurer la température ou le taux d’humidité relative, il faut se placer dans l’ombre et attendre au moins quinze secondes pour lire les données exactes. Pour mesurer la vitesse du vent, il faut tenir l’appareil à 1,5 m du sol ou à la hauteur de la rampe de pulvérisation. Si la frondaison est dense, la vitesse du vent sera supérieure dans les rangées situées à la périphérie du verger et au sommet de la frondaison. Au besoin, utiliser une perche pour soulever l’anémomètre à la hauteur de la frondaison, puis ramener l’appareil au sol et relever la vitesse moyenne enregistrée.
Pour obtenir une mesure valable des vitesses moyenne et maximale du vent, et sa direction, l’anémomètre doit rester au moins trois minutes face au vent. Pour la direction du vent, une boussole ordinaire permet d’en déterminer le sens.
Conclusion
La vitesse du vent et sa direction, la température, l’humidité et les précipitations sont des facteurs importants agissant sur les dépôts des pesticides. Si on ne peut commander à la pluie, ni au vent ou à la température, on peut, toutefois, en s’appuyant sur des mesures précises, parvenir à de bons résultats. Pour cela, il suffit avant d’entreprendre un traitement, de connaître les prévisions locales et essayer d’adapter éventuellement la technique d’application aux caprices du temps.