Désinfection du sol en culture de tomate
En système de production intensif, la monoculture d’une espèce conduit au bout d’un certain nombre d’années à l’apparition de problèmes liés aux agents pathogènes du sol, notamment des phénomènes de mauvaise reprise, baisse de vigueur, hétérogénéité, chute des rendements … Les problèmes sanitaires montent en puissance avec le temps ainsi que les restrictions réglementaires et les cahiers des charges liés aux produits de désinfection.
Parmi les problèmes telluriques majeurs qui affectent la culture de la tomate dans la région du Souss, ce sont incontestablement les nématodes qui occasionnent le plus de dégâts. Ce problème est aggravé par les températures élevées sous abri serre et la texture sablonneuse des sols dans la région, propices au développement rapide et à la mobilité des nématodes.
La désinfection du sol doit reposer sur la combinaison de plusieurs méthodes de luttes (solarisation, désinfection chimique, biofumigation …). Pour chaque méthode utilisée, un itinéraire technique est adopté pour :
– réduire les éclosions des œufs des nématodes, des insectes et la germination des formes de conservation des champignons et des semences d’adventices,
– maintenir la conductivité thermique et favoriser la diffusion des produits pesticides dans le sol.
Pratiques culturales
1. Gestion de la fin de campagne
Maintien de l’irrigation et prétraitement
Le sol doit être maintenu humide pour faciliter l’arrachage, empêcher la solidification de la masse gélatineuse formée par les nématodes et prévenir le desséchement des plantes. Une semaine avant l’arrachage, une première désinfection du sol via le système goutte à goutte à l’aide d’un fumigant est souhaitable. Cette première désinfection aura un effet considérable non seulement sur la diminution de la densité des larves du deuxième stade des Meloidogyne, mais aussi sur les masses d’œufs gélatineuses avant leur solidification.
Arrachage du précédent cultural
En fin de campagne, les plantes du précédent cultural sont éliminées en coupant tout d’abord la partie aérienne et en arrachant par la suite la partie souterraine. Les parties aériennes des plantes sont sectionnées à environ 30 cm du sol et mises dans des sacs en plastique pour être évacuées hors de la serre. Les parties souterraines sont arrachées afin d’extraire du sol le maximum de racines ainsi que les pathogènes qui leurs sont associés, en particulier les galles de nématodes. Les parties souterraines sont étalées sur le lieu d’où elles sont arrachées afin d’établir l’indice de galles servant à cartographier les zones infestées par les nématodes. Cette technique doit être réalisée avec beaucoup de sérieux par des agents qualifiés dans le domaine. La carte de zonage ainsi obtenue permettra le choix du produit à utiliser ainsi que la dose adéquate.
2. Variétés et porte-greffes résistants
Variétés résistantes
La résistance au Meloidogyne spp. est due au gène Mi. Toutefois, l’expression de cette résistance est sous l’influence d’un certain nombre de facteurs tels que la température du sol, les espèces, les populations de Meloidogyne et le nombre de copie du gène Mi dans la cellule végétale. Les cultivars de tomates utilisés au Maroc sont des hybrides résistants aux principaux pathogènes du sol en l’occurrence le Fusarium oxysporum f.sp. lycopersici, le Verticillium dahliae et certains le Myloidogyne.
Porte-greffes résistants
Le porte-greffe offre une résistance aux champignons non contrôlés par la résistance de l’hôte, en l’occurrence le Fusarium oxysporum f.sp. lradicis-lycopersici et Pyrenochaeta lycopersici. De plus, il présente une meilleure tolérance au froid, ce qui lui permet de régénérer très rapidement, même en période hivernale, les racines attaquées par les autres pathogènes en particulier les nématodes et le Pythium. L’utilisation de produits enracineurs permet également d’améliorer encore plus cette capacité d’enracinement. Une amélioration de la croissance et du rendement ainsi qu’une prolongation du cycle de production sont également notées.
Malheureusement, les porte-greffes actuellement disponibles ont un gène de résistance aux nématodes qui est ‘’cassé’’ à des températures élevées. De ce fait, pour les dates de plantation coïncidant avec une période de fortes chaleurs, on ne peut pas compter uniquement sur le greffage.
Désinfection du sol
Avec des stratégies combinées où on tient compte de l’interaction de plusieurs techniques de désinfection avec le milieu et des conséquences pour les exploitations (calendrier de cultures, immobilisation du sol, etc.), les résultats sont souvent satisfaisants.
1. Combinaison de la solarisation et de la désinfection chimique
La solarisation
C’est une méthode d’assainissement obtenue par l’élévation des températures du sol humide en couvrant sa surface avec un film transparent qui piège les rayonnements solaires. Son efficacité semble souvent insuffisante dans l’élimination des nématodes à galles et des champignons telluriques quand elle n’est pas combinée avec d’autres techniques (chimiques ou non chimiques).
La période où cette technique est réalisée au Maroc en guise de préparation de la culture primeur de tomate est idéale. C’est une période qui est très ensoleillée et très chaude, et qui peut être de 3 à 7 semaines en commençant dès le début du mois de juin pour pouvoir planter au cours de la 3ème semaine du mois de juillet. Cependant, la réussite de cette technique réside dans la bonne préparation du sol, la quantité d’eau d’arrosage apportée (250 à 300 m3 d’eau par hectare en sol sablonneux) ainsi que le choix du type du film plastique.
La désinfection chimique
Elle repose sur l’utilisation des fumigants 1,3-dichloropropène, seul ou en mélange avec la chloropicrine, et le métam sodium. Leur combinaison avec la solarisation prend de plus en plus d’ampleur. Le choix du produit à utiliser doit être effectué en fonction des agents nuisibles (nématodes, champignons, mauvaises herbes, insectes et/ou bactéries), de l’efficacité, de la disponibilité, de la méthode d’application, du coût et de l’impact sur la santé et sur l’environnement.
L’injection du fumigant est réalisée dans les 3 à 4 jours qui suivent la pose du paillage plastique. La plupart des fumigants sont appliqués via le système d’irrigation goutte à goutte moyennant certains ajustements en fonction de la nature du produit. Mais il existe quelques produits qui sont injectés directement dans le sol.
2. Combinaison de la solarisation et la biofumigation
La biofumigation est définie comme l’action des substances volatiles produites par la biodégration de la matière organique pour le contrôle des bioagresseurs du sol. Il est recommandé de combiner cette technique à la solarisation. La biofumigation permet non seulement la gestion des nématodes et autres agents pathogènes, mais aussi l’amélioration de la fertilité du sol.
Au Maroc, bien que cette technique ne soit pas développée dans le système de cultures conventionnelles, elle commence à être pratiquée en culture biologique dans la région du Souss. La matière organique utilisée en biofumigation consiste à :
– L’utilisation des plantes à effet nématicide : principalement la tagete et le radis fourrager
– Amendements en matière organique : tourteaux, fumier, composts ou broyats de végétaux.
3. Désinfection du sol en post plantation
En cours de production, et pour maintenir la population de nématodes en deçà du seuil nuisible, il est souvent indispensable de recourir à des désinfections moyennant des nématicides. Cependant, plusieurs producteurs se basent sur l’observation des galles sur les racines pour intervenir. Or, il est souhaitable de détecter la présence des larves de nématodes avant qu’elles pénètrent dans les racines et forment des galles. Il faut donc suivre de près l’état sanitaire de la culture pour pouvoir intervenir en temps opportun. L’application de ces nématicides doit se faire d’une manière raisonnée. Le recours aux analyses des nématodes un mois après plantation informe sur la présence ou non de formes libres de nématodes et aide à mieux orienter les traitements pour chaque cas. Une gestion raisonnée permet de ce fait de diminuer les coûts de l’opération. Les producteurs ont recours à des nématicides de post plantation qui doivent être apportés à plusieurs reprises pendant le cycle de culture. Il faut néanmoins veiller à respecter les DAR.
4. Épandage du compost en post plantation
Trois à quatre mois après plantation, il est recommandé d’incorporer du compost dans les billons de plantation de tomate. Cela aboutit à l’amélioration de l’état des plants infestés par les nématodes à galles. Cette incorporation doit être suivie d’une irrigation copieuse pour bien humidifier le compost. Il en résulte la libération :
– de composés qui stimulent les antagonistes saprophytes du sol (aldéhydes, alcools, …) ou de composés volatiles (toxines allélopathiques) qui sont létaux pour les nématodes, les mauvaises herbes et les champignons.
– la régénération de plusieurs racines secondaires permettant à la plante l’absorption des éléments minéraux.