Province d’Ifrane
Une zone arboricole par excellence
Au Maroc, l’arboriculture fruitière constitue un secteur stratégique qui a connu une expansion considérable à partir des années 80 grâce aux initiatives des particuliers avec une augmentation des productions suite à l’introduction de nouvelles variétés et de nouvelles techniques de conduite. Actuellement, ce secteur contribue à la satisfaction de la demande du marché local et au fonctionnement des unités agroindustrielles. Il contribue également à la création d’emplois dans la filière et constitue une source non négligeable de devises grâce à l’exportation de certaines espèces (pêches, nectarines et abricots). La province d’Ifrane est une composante essentielle dans cette filière aussi bien en termes de superficies cultivées que de tonnages produits et de diversité des espèces qu’on y exploite
La province d’Ifrane s’étend sur une superficie totale de 355.334 ha dont 44% sont réservés aux parcours, 33% aux forêts et en troisième lieu on trouve la Superficie Agricole Utile (S.A.U) qui ne représente que 23% de la superficie totale. La province se caractérise par sa richesse en ressources naturelles et son carrefour routier important lui attribuant ainsi un rôle économique essentiel tant au niveau de la région économique Meknès–Tafilalet qu’au niveau national.
Géographiquement, elle se situe dans le Moyen Atlas central et fait partie de la région économique centre sud. Elle est limitée par les provinces suivantes :
– Au Nord : les provinces de Sefrou et d’ El-Hajeb.
– Au Sud : la province de Khénifra.
– A l’Est : la province de Boulmane et Midelt.
– A l’Ouest : la province de Khénifra.
La province d’Ifrane, caractérisée par son relief montagneux, est répartie selon le gradient altitudinal en trois zones homogènes :
* La plaine (L’Azaghar)
* La montagne (Le Jbel)
* La partie médiane entre les deux (Le Dir)
Des atouts indéniables
La province d’Ifrane présente des atouts majeurs pour le développement de l’arboriculture fruitière:
– Climat favorable surtout aux rosacées fruitières (satisfaction des besoins en froid). Il serait même possible d’y introduire la culture de certaines espèces telles que les plants de fraisier et les semences de betterave sucrière.
– L’importance des ressources en eaux superficielles et souterraines permettent la valorisation du patrimoine agricole.
– La fertilité des sols permet la pratique de certaines spéculations rémunératrices (arboriculture, pépinière, etc.)
– La possibilité de développement de certaines activités agricoles telles que l’apiculture.
– La situation géographique centrale de la province en fait un carrefour des grands axes routiers facilitant l’approvisionnement en intrants et la commercialisation des productions.
Atouts climatiques
L’étude du climat en agriculture revêt une importance capitale étant donné ses effets multiples sur l’activité agricole et son incidence déterminante sur la production végétale. La province d’Ifrane jouit d’un climat méditerranéen. La différence d’altitude et l’exposition entraînent des variations climatiques entre la montagne et la plaine. Le premier appartient à l’étage bioclimatique humide à sub-humide alors que le deuxième fait partie de l’étage semi-aride.
Les précipitations annuelles enregistrées au niveau de la province varient d’une station à l’autre. Généralement, elles diminuent en passant du Nord au Sud. L’évolution de la pluviométrie annuelle sur une période de 41 ans montre que la majorité des années se caractérisent par des précipitations supérieures à 600 mm avec des années exceptionnelles dont la pluviométrie dépasse les 1300 mm.
L’évolution de la pluviométrie mensuelle moyenne (41 ans) montre que les premières pluies commencent le mois de septembre et la période de fortes pluies commence pour les deux stations de la province le mois d’octobre et se termine vers le mois de Mai. A partir de ce mois, les précipitations enregistrées sont le résultat des orages intermittentes accompagnés soit de forte pluie soit de grêle.
La province connaît également des phénomènes climatiques tels que la grêle, le gel et le chergui qui causent des dégâts importants aussi bien sur l’arboriculture, les cultures maraichères et les grandes cultures. En effet, les périodes d’enneigement durent généralement 5 mois avec une hauteur qui varie de 0,2 m à 2 m (plus de 5 m dans des années exceptionnelles), celles de la grêle durent 6 mois (Avril à Septembre) et coïncident avec la période de maturité des principales espèces fruitières et cultures maraichères alors que la gelée est fréquente surtout au printemps et en automne. La gelée printanière provoque des dégâts irréversibles car elle coïncide avec la période de floraison des principales espèces fruitières, cette phase est déterminante du cycle cultural de la plante.
Occupation des sols
La SAU de la province représente plus de 86.000 ha soit environ 23% de la superficie totale, venant en troisième lieu après les forêts et les terrains incultes. La répartition de la SAU se caractérise par une prédominance des céréales (blés, orge, maïs et fourrages) occupant près des 3/4 des superficies. L’arboriculture fruitière, notamment les rosacées, arrive en troisième position avec plus de 12%, alors que les autres spéculations telles l’olivier, les cultures maraichères (pomme de terre, oignon) et légumineuses représentant moins de 2% chacune. La jachère complète le total avec près de 11% de la SAU.
Spéculations | Sup (ha) | % |
Céréales | 50.000 | 58,01% |
Fourrages | 12.300 | 14,27% |
Arboriculture | 10.800 | 12,53% |
Olivier | 1.280 | 1,49% |
Maraîchage | 1.400 | 1,62% |
Légumineuse | 1.100 | 1,28% |
Jachère | 9.315 | 10,81% |
Total | 86.195 | 100,00% |
Une arboriculture riche de sa diversité
La province d’Ifrane est un terroir privilégié des rosacées fruitières, aussi bien pour la production de fruits que de plants. Elle présente de nombreux atouts pour le développement de cette filière principalement les conditions climatiques favorables (températures et ressources hydriques) au développement et à la fructification de toutes espèces.
Les zones de production dans la province d’Ifrane sont principalement la vallée de Tigrigra de Amghas et la zone de Daiet Aoua pour le pommier, la zone d’Ain Leuh et Oulmès pour le cerisier.
Au niveau de la Province, l’arboriculture fruitière s’est développée d’une manière spectaculaire. En effet, les superficies consacrées à l’arboriculture fruitière dépassent 10.000 ha dont les 2/3 sont occupés principalement par le pommier avec près de 7.000 ha, suivi du prunier (1.370 ha) et le cerisier (1.200 ha) représentant respectivement 13% et 11,5%. Le pêcher pour sa part occupe 620 ha et représente près de 6% des superficies. Les autres spéculations des superficies limitées telles l’amandier avec 165 ha (1,6%), le figuier 90 ha (0,9%) et le poirier 30 ha (0,3%).
Répartition des superficies arboricoles (2013-14)
Espèces | Superficie (Ha) | % | ||
Bour | Irrigué | Total | ||
Rosacées: | ||||
– Pommier | – | 6 930 | 6 930 | 66,60% |
– Poirier | 30 | 30 | 0,29% | |
– Prunier | – | 1 370 | 1 370 | 13,17% |
– Pécher | – | 620 | 620 | 5,96% |
– Cerisier | – | 1 200 | 1 200 | 11,53% |
Amandier | 50 | 115 | 165 | 1,59% |
Figuier | – | 90 | 90 | 0,86% |
Total | 50 | 10 355 | 10 405 |
A souligner que les superficies occupées par les espèces de rosacées à pépins, autres que le pommier, à savoir le poirier et le cognassier ont fortement régressé suite aux dégâts causés par la maladie du feu bactérien (arrachage et remplacement par d’autres espèces).
Rappelons qu’au niveau de la région Meknès-Tafilalet, qui abrite 51% la superficie nationale en pommier et dépasse 65% de la production de pomme, la province d’Ifrane occupe la deuxième place derrière Midelt avec autour de 32% de la superficie régionale.
Une bonne production fruitière
La production fruitière de la province, principalement destinée au marché local, est tirée vers le haut essentiellement par le pommier qui représente plus de 80% du total ainsi que par le prunier avec près de 10% et le pêcher 5% (voir tableau).
Production estimée des différentes espèces arboricoles (2013-14)
Espèces | Superficie (ha) | Rendement (t/ha) | Production (t) |
Pommier | 6.930 | 25 | 173 250 |
Poirier | 30 | 15 | 450 |
Prunier | 1.370 | 15 | 20 550 |
Pêcher | 620 | 18 | 11 160 |
Cerisier | 1.200 | 6 | 7 200 |
Amandier | 165 | 0,75 | 124 |
Figuier | 90 | 6 | 540 |
Total | 10.405 | — | 213 274 |
A signaler que la production de cerises varie considérablement d’une campagne à l’autre puisque, certaines années, la province d’Ifrane peut fournir plus de 50% de la production nationale (essentiellement la zone d’Ain Leuh).
L’infrastructure de conservation a évolué de 5 unités de stockage en 2002 à 11 unités en 2012, d’une capacité de 14.400 tonnes réparties sur le territoire de la province. Il est prévu également dans le cadre du PMV la création d’une autre unité frigorifique pour le pommier, une unité de conditionnement pour le cerisier et une unité de séchage pour le prunier à Timahdite.
Le profil variétal du pommier est dominé par les variétés Golden Délicious, Stark Délicious, Stark Rémson et d’autres, avec une maturité échelonnée entre août et octobre. Les rendements sont relativement bons, mais restent en deçà des potentialités de la zone. En effet, le pommier est une espèce extrêmement sensible aux erreurs de conduite, aux maladies et aux attaques des ravageurs. La réussite de sa culture nécessite donc, en plus du choix de variétés performantes, une maîtrise de toutes les opérations techniques qui doivent être en adéquation avec le matériel végétal choisi et les conditions du milieu.
Les techniques de conduite adoptées au niveau de la province d’Ifrane concernent surtout les formes libres à savoir le Gobelet pour les densités faibles et moyennes et l’axe central pour les fortes densités. Le système d’irrigation au goute à goute est en train d’être généralisé grâce à l’aide de l’Etat. Face aux dégâts occasionnés par la grêle malgré l’existence de générateurs anti-grêle, l’utilisation de filets a donné satisfaction, c’est pourquoi cette technique est de plus en plus adoptée par les arboriculteurs.
Profil variétal des rosacées fruitières (Campagne : 2013/14)
Espèces | Variétés | Superficie
(Ha) |
Epoque de maturité |
Pommier | – Stark délicious | 2175 | Septembre – Octobre |
– Golden délicious | 3330 | ” “ | |
– Stark Rémson | 780 | ” “ | |
– Autres | 645 | Août – Septembre | |
Poirier | – Docteur Guyot
– Wiliams |
25
5 |
Août
“ |
Pêcher | – G. H . Hale | 295 | Août |
– Dicksered | 208 | Juillet | |
– Arkina + Spiriting | 75 | Juin | |
– Autres | 42 | Juillet – Aout | |
Prunier | – Stanly | 295 | Août – Septembre |
– Black Amber | 208 | Juin – Juillet | |
– Santa rosa | 75 | Août | |
– Black diamant | 42 | Juin – Juillet | |
Cerisier | – Bigarreau napoléon | 1012 | Mai- juin |
– Bigarreau Burlat | 180 | Mai | |
– Van | 68 | Juin | |
– Hedelfingen | 90 | Juin | |
-Napoleon + Hardi geant | 40 | Juin-Juillet | |
– Cerisette | 506 | Mai |
Avancement des re-plantations
L’arboriculture occupe une large frange de la population locale par l’offre d’emploi qu’elle occasionne à tous les stades du cycle cultural, mais aussi au moment de stockage de la récolte et son écoulement. Cependant, les aléas climatiques (gelée et grêle) restent toujours le facteur déterminant des productions. En plus, la superficie de certaines espèces (poirier, cognassier) connait une nette diminution et ce, suite à des attaques fréquentes de ravageurs et de maladies notamment le feu bactérien.
Pour lutter contre ce dernier fléau, un programme de l’Etat a été lancé en 2011 avec l’objectif d’encourager les agriculteurs touchés, par une subvention de replantation des vergers atteints par la maladie de feu bactérien. Cette aide a permis dans un premier temps d’arracher une superficie de plus de 1.000 ha de poirier et de la remplacer par des rosacées à noyaux.
Outre la production fruitière, il y a lieu de signaler que la province occupe une place de leader dans la production de plants fruitiers à l’échelle national. En effet, le potentiel de production annuel de plants fruitiers est d’environ 7 millions de plants de rosacées fruitières soit 65% de la production nationale.
Pour l’avenir, et dans le cadre de la mise en œuvre des orientations du Plan Maroc Vert (PMV), le secteur arboricole bénéficie d’un programme d’extension avec pour objectif de diversifier la production, d’améliorer les rendements et de créer de nouvelles zones de culture, notamment de prunier à Timahdite et de pommier à Bikrit et Senoual qui relèvent respectivement des communes rurales d’Oued Ifrane et Sidi El Makhfi. Le but ultime étant de faire de l’arboriculture le principal moteur de croissance économique dans la province d’Ifrane.
Principales contraintes
En dépit de tous ces atouts, quelques contraintes entravent l’avancée du secteur :
– Fréquence de gelées, de grêles et de Chergui coïncidant avec les stades critiques des espèces fruitières
– La non maîtrise des techniques culturales par une bonne partie des producteurs
– Les difficultés d’accès à certaines exploitations
– La faiblesse de l’esprit coopératif et l’insuffisance, voire, l’absence de l’organisation des circuits de commercialisation, favorisant les intermédiaires au détriment des producteurs. Ainsi, en raison du manque de coopératives et d’associations professionnelles locales, beaucoup de producteurs vendent leur production sur pied, d’où un important manque à gagner qui bénéficie aux intermédiaires.
L’un des grands problèmes de la filière reste sans doute la commercialisation dont le circuit souffre toujours d’anarchie et l’intervention des intermédiaires nuit considérablement aux producteurs, mais aussi au pouvoir d’achat des consommateurs. Seuls s’en sortent les grands domaines organisés qui disposent d’entrepôt frigorifiques, et qui contrôlent le processus de commercialisation de leurs produits.
Parmi les pistes d’amélioration, et afin de remédier à cette situation, il s’avère nécessaire de :
– Renforcer et aménager le réseau d’irrigation et le léguer à des AUEAS performantes (associations des usagers).
– Généraliser l’irrigation localisée en profitant des subventions de l’Etat dans ce domaine.
– Encourager les arboriculteurs à adhérer activement aux associations professionnelles et appuyer les organisations actives.
– Renforcer la formation continue et l’encadrement des arboriculteurs
– Le désenclavement des douars et la création d’une plate-forme commerciale au niveau de la zone
– Orienter l’arboriculture vers des espèces moins consommatrices en eau et plus adaptées aux conditions climatiques de la province comme l’olivier, l’amandier et le cerisier.
– Valoriser les productions fruitières par la création d’unités de stockage, de transformation et de séchage.
– Valoriser les produits de terroir
– Généraliser et développer la mécanisation.
Organisation professionnelle
Dans la région d’Ifrane, comme ailleurs, le secteur des rosacées fruitières souffre d’un manque d’organisation professionnelle, aussi bien en amont qu’en aval. Or, l’organisation professionnelle et interprofessionnelle est le seul moyen pour défendre les intérêts des producteurs, faciliter la communication entre les différents acteurs dans la filière, améliorer la qualité de la production et sa valorisation, surtout avec l’insuffisance des unités de stockage frigorifique. Cependant, on constate tout de même un certain effort d’organisation qui mérite d’être soutenu. Il est matérialisé par la présence de quelques associations des arboriculteurs, union provinciale des producteurs de rosacées fruitières, association des pépiniéristes…
Légendes
La situation géographique, les caractéristiques climatiques, la qualité des sols et les disponibilités hydriques font de la province d’Ifrane une zone particulièrement propice à l’arboriculture fruitière et à la production de plants en pépinières.