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Arboriculture : Pépinières Tigrigra

Importance des pépinières fruitières dans la vallée de Tigrigra

SERRAR Mohamed, Ingénieur en chef

L’introduction de la technique de production de plants fruitiers dans la vallée de Tigrigra située dans la province d’Ifrane a eu lieu au cours des années 30 du siècle dernier par les colons français qui ont découvert cette zone favorable à l’arboriculture fruitière. Au début, cette technique a été introduite pour la satisfaction des besoins locaux et la création des premiers vergers arboricoles. Aujourd’hui, la vallée de Tigrigra est réputée à l’échelle nationale pour sa production de plants fruitiers de rosacées à pépins et à noyaux. Cette réputation peut être attribuée à différents  facteurs et notamment : la situation géographique, les caractéristiques du climat, la qualité des sols, la disponibilité en eau de surface et souterraine, la disponibilité d’une main d’œuvre qualifiée, l’encadrement et le contrôle par les services concernés…

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La vallée de Tigrigra est une plaine située à l’ouest de la municipalité d’Azrou à une altitude moyenne de 1100m. Elle est caractérisée par un climat froid en hiver avec des chutes de neige et une pluviométrie moyenne annuelle de 830 mm.

A noter que la vallée de Tigrigra approvisionne plusieurs régions productrices de fruits au Maroc notamment les régions de Midelt, Meknès, Beni Mellal et Azilal. Par ailleurs, les plants fruitiers de cette zone ont fait l’objet d’exportations, notamment vers la Libye, l’Algérie et la Tunisie.

Pratiquement 85% des pépinières fruitières déclarées annuellement à l’échelle de la province d’Ifrane se situent dans la vallée  de Tigrigra. La production de plants de rosacées fruitières dans cette zone oscille entre 5 millions et 7 millions de plants selon les années, ce qui représente 60% environ  de la production nationale de rosacées. Les principales espèces produites demeurent  l’amandier (30 %), le pommier (20%), le prunier (11%), le pécher (7%) et le cerisier (5%), qui commence à prendre de l’ampleur ces dernières années. Quant à la production de plants de poirier et de cognassier, elle a été sérieusement ralentie à cause du problème du feu bactérien. A noter que la demande en plants fruitiers a augmenté depuis le lancement du Plan Maroc Vert. Généralement, les pépiniéristes de la vallée de Tigrigra essayent de commercialiser leur produit soit aux entreprises bénéficiaires de marchés avec l’Etat, soit aux particuliers.

 

La certification

La certification est toute une procédure qui exige du pépiniériste l’application des dispositions de l’arrêté du Ministre de l’agriculture N° 2009-03 du 08 Chaoual 1424 (03 décembre 2003) relatif aux rosacées à noyaux, entre autres :

– Posséder un parc à bois ou un parc semencier authentique et indemne de maladies pour les porte-greffes et un parc à bois authentique et indemne de maladies pour les greffons.

– Posséder un terrain accessible et répondant aux normes d’isolement.

– Avoir une qualification professionnelle.

– s’engager à ne pas produire de plants communs de rosacées à noyaux sur la pépinière des plants certifiés.

 

Pour les rosacées à pépins, la législation qui réglemente la certification est tout à fait récente et date de 2011 : Arrêté du Ministre de l’Agriculture N° 2 157-11 du 16 chaabane 1432 du (18 juillet 2011).

La certification qui exige des analyses périodiques de sol et des végétaux est donc une étape avancée dans la production de plants fruitiers de qualité, mais elle n’est pas à la portée de tous les pépiniéristes.

 

Principales techniques  d’élevage des plants

Le village d’Ait yahya Oaalla, situé à 4km à l’ouest de la ville d’Azrou, et qui a constitué le berceau de cette spéculation, regroupe une main d’œuvre formée en matière de semis, de bouturage et de greffage depuis le temps du protectorat. Un savoir faire transmis d’une génération à l’autre. Les plants fruitiers produits dans la vallée de Tigrigra sont livrés à racines nues étant donné que ces espèces sont à feuilles caduques et entrent en repos végétatif.

 

  • Installation de la pépinière

Le terrain destiné à accueillir une pépinière fruitière doit être choisi de façon à éviter tout précédent cultural en relation avec l’arboriculture fruitière. Ce terrain doit être exploité pour une seule campagne de façon à respecter la rotation culturale et éviter les problèmes d’ordre phytosanitaire et nutritionnel. La reprise de la pépinière sur le même terrain n’est possible qu’après une culture de céréales ou de légumineuses pendant 3 à 5 ans. Bien entendu, le terrain doit être irrigué, plat ou à faible pente. Le sol doit être aéré, drainé de préférence pour les arbres fruitiers à noyaux (amandier, cerisier, abricotier). Les sols schisteux sont à éviter.

 

  • Techniques d’obtention des porte-greffes

Il existe trois techniques pour l’obtention des porte-greffes :

 

Par semis de noyaux

Cette technique est pratiquée pour des espèces comme l’amandier, le pêcher, l’abricotier, le prunier, le cerisier et le noyer. L’origine des noyaux diffère d’une espèce à l’autre. Ainsi, pour les noyaux de l’amandier amer utilisé comme porte-greffe uniquement pour l’amandier sont recherchés par les pépiniéristes au niveau de la région d’Er-Rachidia, Tinghir, Riche et Azilal.  Les noyaux de la variété Marcona sont utilisés comme porte-greffes des plants certifiés et récoltés sur les arbres semenciers. Les noyaux du pêcher de Missour, utilisés pour l’amandier, le pêcher, le prunier et l’abricotier sont recherchés au niveau de la région de Missour. Les noyaux de l’abricotier Mech Mech sont apportés de Marrakech et de Missour. Les graines du cerisier Sainte Lucie utilisées uniquement pour le cerisier sont récoltées localement sur des arbres semenciers. Les noix sont recherchées dans les régions du Haouz, Azilal, Rich…

A noter que les noyaux des porte-greffes ne supportent pas le stockage et doivent être semés au cours de la même année de récolte ou au plus tard début de l’année d’après. La période de semis s’étale depuis le mois de novembre pour le pêcher de Missour à coque dure jusqu’à la fin du mois de février pour les autres espèces (amandier, mech mech) afin d’éviter les risques de gelée.

 

Par boutures

Le bouturage est utilisé actuellement comme technique d’élevage des porte-greffes de certaines espèces à savoir : le GF 677  pour les plants certifiés d’amandier, le myrobolon B et Marianna GF 81 pour le prunier, le merisier commun et Sainte Lucie pour le cerisier et le cognassier franc pour le cognassier et le poirier.

Les boutures sont récoltées en période de repos végétatif à partir des parcs à bois, comme on utilise aussi les tiges récupérées des portes greffes après le greffage à œil dormant. Les dimensions des boutures sont de 20 à 30 cm de longueur et 1 cm de diamètre. La technique de stratification des boutures pendant 1 à 2 mois dans du sable humide permet d’augmenter le taux de reprise, qui ne dépasse pas 50% si celle-ci sont mise en place directement.

 

Par marcottes

La technique du marcottage est pratiquée dans les pépinières de Tigrigra essentiellement pour le pommier et le cognassier. Les porte-greffes du pommier introduits de l’étranger sont plantés en marcottes pour prélever les rejets. Les pépiniéristes qui ne disposent pas de marcottes procèdent en période de repos végétatif au prélèvement des rejets dans les vergers productifs et bien entretenus de la région.

Pour le cognassier et le poirier, la marcotte du cognassier franc est utilisée, de même que le prélèvement des rejets à partir des vergers de la région. Cette opération a été arrêtée vu le risque de dissémination de la maladie du feu bactérien depuis l’année 2010. La période de mise en terre des boutures et rejets s’étale entre le mois de janvier et le mois de février.

 

  • L’irrigation

Deux systèmes d’irrigation sont adoptés dans la vallée de Tigrigra à savoir l’irrigation gravitaire et le goutte à goutte. Le premier n’est utilisé que dans les terrains desservis par l’eau de source ou de rivière alors que le goutte à goutte est utilisé pour les terrains équipés en puits, sachant que la nappe se situe à une profondeur d’environ 30m. Actuellement, les pépiniéristes préfèrent le goutte à goutte au gravitaire du fait de l’économie en eau et fertilisants, et sa souplesse à la topographie du terrain.

En absence de pluies, une irrigation est obligatoire juste après le semis ou la mise en place de boutures ou rejets. Les autres irrigations seront apportées en fonction des besoins et des espèces et peuvent être quotidiennes en période estivale.

 

  • Entretien

Désherbage : après le semis de noyaux, et dans le cas de développement important des mauvaises herbes, il est nécessaire d’utiliser un herbicide total de prélevée pour éviter la concurrence entre les adventices et les jeunes semis.

Ebourgeonnage: après la levée des noyaux et lorsque les semis ont atteint une hauteur de 20 à 30 cm, cette opération devient obligatoire pour préparer la tige au greffage, éviter la formation de tiges secondaires et favoriser la croissance de la tige principale. Après le débourrement des boutures et des rejets, l’ébourgeonnage demeure nécessaire pour favoriser la tige principale.

La fertilisation de couverture : est importante pour favoriser la croissance des porte-greffes et des plants par l’apport d’engrais solides et/ou foliaires. Ces opérations d’entretien sont bien entendu poursuivies après la réussite du greffage et la croissance des greffons.

– Le désherbage, le binage et les traitements phytosanitaires des plants porte-greffes sont des opérations nécessaires pour leur bon développement. Les principales maladies qui nécessitent des traitements périodiques à Tigrigra sont : l’oïdium et la cloque. Concernant les ravageurs, les pucerons, les acariens et les mineuses sont les plus à craindre.

 

  • Le greffage

Compte tenu des conditions climatiques de la vallée de Tigrigra, la seule méthode de greffage adoptée pour les arbres fruitiers à noyaux et à pépins est l’écussonnage à œil dormant. Cette opération s’étale généralement entre la 2eme quinzaine du mois de juillet et la fin du mois de septembre. La ligature  est enlevée après 25 à 30 jours, une fois l’écusson bien soudé. Les greffes échouées sont répétées.

Les greffons sont prélevés tous les 2 à 3 jours des parcs à bois ou, à défaut, des vergers bien entretenus. Les baguettes de greffons dépourvues des feuilles et emballées dans des tissus humides sont conservées au froid. Après la chute de feuilles, les tiges de porte-greffes sont coupées au dessus de la greffe en utilisant un mastic fongicide pour sa protection. Avec cette méthode les plants auront séjournés pendant 2 années en pépinière et atteindront des dimensions importantes que ce soit en hauteur ou en diamètre au collet.

 

La préparation du sol consiste en un labour profond (30 à 40 cm) précoce pour bien ensoleiller le sol, suivi d’un apport de fumure de fond organique et minérale. A partir du mois de novembre la préparation du sol est reprise par un labour superficiel pour casser les mottes et ameublir le sol.

La préparation du lit de semis dépend du type de multiplication. Pour le semis de noyaux, des fosses de 10 cm de profondeur sont confectionnés le long de la parcelle. Ces fosses sont distants de 70 à 80 cm et les semis de 10 à 15 cm. Pour les boutures et les rejets, des fosses de 15 à 20 cm de profondeur sont creusés sur la longueur de la parcelle. L’interligne est de 60 à 70 cm et les plants distants de 15 à 20 cm. Ces sont confectionnés soit mécaniquement soit manuellement. Des passages à l’intérieur des parcelles doivent être pris en considération pour faciliter le déplacement des machines.

 

 

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