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Maraîchage : Pomme de terre, enjeux de la conservation

Pommes de terre

Enjeux de la conservation

Brice Dupuis(1), Rachid Tahzima(2) en collaboration avec Green Smile(3)

Le tubercule de pomme de terre contient de 80 à 90% d’eau et est un organe vivant physiologiquement actif. Il est par conséquent difficile à conserver. Le stockage des pommes de terre nécessite de trouver le bon équilibre entre trois éléments principaux: la durée de la dormance de la variété, l’utilisation de produits inhibant la germination et enfin la température de stockage.

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Le stockage commence au champ

Afin d’assurer une bonne conservation, il est important que les tubercules qui entrent au stockage soient à maturité et avec un épiderme bien formé. On laissera donc un délai suffisant entre le défanage et la récolte. Il faut préalablement s’assurer que les tubercules  aient une teneur en matière sèche  adéquate avant de procéder au défanage. La récolte devra se réaliser dans de bonnes conditions, c’est-à-dire lorsque le sol n’est ni trop froid ni trop humide, de sorte que les tubercules soient faciles à déterrer et à sécher par la suite. On écartera bien entendu tous les tubercules pourris, blessés ou présentant des galeries de teigne qui pourraient infecter les tubercules sains du même lot.

 

Le choix de la variété

Chaque variété de pomme de terre a une durée de dormance qui lui est propre. Les variétés à dormance longue peuvent être conservées plusieurs mois à 12-15°C sans germer, tandis que celles  à dormance courte commenceront à germer après quelques semaines. Par conséquent, si le producteur n’a pas accès à des locaux réfrigérés ni à des produits d’inhibition de la germination, il a intérêt à produire des variétés à dormance longue, surtout pour les conserver plusieurs mois.

 

Les nouveaux produits d’inhibition de la germination

Seul le chloprophame (CIPC) est homologué au Maroc comme produit d’inhibition de la germination des pommes de terre. Il est homologué sous forme de poudre à appliquer sur les tubercules à l’entrée au stockage. Ce produit est intéressant car il est bon marché et parce qu’un seul traitement suffit pour inhiber la germination pendant de longs mois. Toutefois, son avenir  est menacé en raison de la présence possible de résidus sur les tubercules, surtout pour les applications sous forme de poudres (risque de surdosage).

C’est pourquoi de nombreux pays européens cherchent des solutions alternatives à l’utilisation du CIPC. Plusieurs pistes ont été identifiées. L’application au champ d’hydrazide maléique sur le feuillage est l’une d’entre elles. Ce produit est homologué au Maroc pour le traitement des oignons. L’hydrazide maléique permet de prolonger la dormance des pommes de terre de plusieurs semaines. Toutefois, son efficacité est assez variable et ce produit convient peu pour de longues conservations. Les deux produits mentionnés ci-dessus ne peuvent en aucun cas être utilisés pour stocker des plants de pommes de terre, car ceux-ci ne lèveront pas une fois plantés.

Certaines huiles essentielles appliquées par thermonébulisation dans les locaux de stockage permettent aussi de stopper la germination. Deux produits à base d’huiles essentielles sont actuellement commercialisés en Europe, l’un est à base d’huile de menthe et l’autre à base d’huile de carvi. Ces produits sont souvent homologués en agriculture biologique mais sont relativement onéreux.

Enfin, le gaz éthylène peut également être utilisé pour ralentir la germination. Toutefois, son utilisation n’est pas compatible avec le stockage des variétés destinées à la transformation en frites ou en chips car le gaz éthylène induit une transformation accélérée de l’amidon en sucre, ce qui provoque des phénomènes de brunissement à la friture. La propagation d’éthylène doit se faire dans des frigos suffisamment étanches pour limiter les pertes de gaz. Cette technique nécessite l’achat d’un appareillage coûteux, mais elle est relativement économique à moyen terme. Une fois déstockés, les tubercules stockés sous éthylène doivent être commercialisés sans délais car la germination va reprendre rapidement.

 

Type de conditionnement

Deux types de conditionnements principaux sont envisageables, en vrac ou en caisses. Le stockage des pommes de terre en vrac nécessite moins d’investissements au départ mais doit inclure un système de ventilation du tas, soit grâce à des gaines de ventilation, soit grâce à un système de stockage sur caillebotis ventilés. Le stockage en caisses permet de stocker plus de pommes de terre par unité de surface de frigo et permet un meilleur contrôle des conditions de stockage. De plus, les caisses sont plus faciles à déplacer que les tas, ce qui facilite considérablement la manutention. Le stockage de petits volumes destinés à une commercialisation locale se fera plutôt en caisses de 35 kg, tandis que le stockage de gros volumes se fera dans des caisses palettes (palox) de 500 à 2000 kg.

 

Régulation de la température et de l’hygrométrie

Après l’arrachage, il convient de sécher rapidement les tubercules et de les refroidir progressivement à 12-15°C afin de favoriser la cicatrisation de leur épiderme. Une fois que le local frigorifique est plein, on baissera progressivement la température des pommes de terre de 0,2 à 0,5°C par jour jusqu’à la température souhaitée. La température devra ensuite être la plus stable possible durant toute la durée du stockage. La pomme de terre est un organisme vivant qui respire et produit du dioxyde de carbone (CO2).  Il ne faut pas laisser ce gaz s’accumuler dans les locaux de stockage afin d’éviter l’asphyxie des tubercules, surtout dans les locaux de stockage bien isolés. On veillera donc à renouveler l’air au moins une fois par jour. L’hygrométrie  doit avoisiner les 80-90% afin de prévenir les pertes de poids qui peuvent être importantes si les pommes de terre sont stockées dans une atmosphère trop sèche. Si le producteur n’a pas accès à des frigos, il est recommandé de stocker les pommes de terre dans un local le plus frais possible et de préférence en caissettes afin de limiter le risque de fonte de tas en cas de développement de pourritures. Il est impératif de réchauffer les tubercules avant toute manipulation car un tubercule froid est beaucoup plus sensible aux chocs.

 

Température de stockage et variétés

Les variétés destinées à la transformation doivent être stockées à des températures plus élevées que celles destinées au marché du frais. En effet, le froid, tout comme l’éthylène, favorise la transformation de l’amidon en sucre et donc le développement de brunissements à la friture. Pour une conservation courte (1 à 4 mois), on stockera les variétés industrielles à une température proche de 9°C et pour une conservation plus longue (5 à 8 mois), on l’abaissera de 1 ou 2 degré(s). Attention toutefois, certaines variétés industrielles ne peuvent pas être stockées plus de 6 mois au froid. Les pommes de terre destinées au marché du frais (à chair ferme) ont généralement une dormance plus courte mais peuvent être stockées à une température plus basse pour retarder le développement des germes. On recommande généralement une température avoisinant 4,5 à 5°C.

Sans installations frigorifiques, il est difficile de conserver les variétés à dormance courte plus de deux mois. Pour une conservation plus longue, il est impératif de les traiter avec un produit inhibant la germination.

 

 

(1) chargé de recherche, Agroscope, Institut des sciences en production végétale IPV, Nyon, Suisse

(2) expert pommes de terre, Institute for Agriculture and FisheriesResearch (ILVO), Gand, Belgique

(3) Organisateur du PotatoMorocco

 

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