La pomme de terre
et les ressources hydriques
L’agriculture est confrontée à un double enjeu: cultiver suffisamment de nourriture pour une population mondiale tout en réduisant sa consommation d’eau. Et là, la pomme de terre a son mot à dire…
Au cours du siècle dernier, l’utilisation par l’homme de l’eau douce a augmenté deux fois plus vite que le taux de croissance démographique. Les prélèvements d’eau annuels pour l’utilisation humaine sont estimés à 3 830 km3 (ou 3 830 trillions de litres), la part du lion revenant au secteur agricole qui représente environ 70% de tous les prélèvements.
La soif de l’agriculture n’est cependant pas soutenable à long terme. Face à la vive compétition des utilisateurs urbains et industriels, et aux preuves désormais évidentes que les utilisations humaines compromettent l’efficacité des écosystèmes de la planète, le secteur est tenu d’améliorer sans relâche son volume de production par unité d’eau utilisée.
Productivité nutritionnelle
La pomme de terre se distingue par son utilisation ‘’productive’’ de l’eau, car elle produit plus de nourriture par unité d’eau que toute autre culture principale. À l’instar de l’arachide, de l’oignon et des carottes, sa «productivité nutritionnelle» est extrêmement élevée: pour chaque m3 d’eau appliqué, la pomme de terre donne 5 600 calories d’apports énergétiques, contre 3 860 pour le maïs, 2 300 pour le blé et tout juste 2 000 pour le riz. Toujours par m3, la pomme de terre contient 150 g de protéines, soit le double du blé et du maïs, et 540 mg de calcium, deux fois plus que le blé et quatre fois plus que le riz.
On pourrait ainsi atténuer la pression exercée sur les ressources hydriques en augmentant la part de pommes de terre dans l’alimentation. À l’heure actuelle, la production d’aliments – essentiellement de produits animaux – constituant le régime alimentaire moyen du monde développé requiert des prélèvements d’eau estimés à 4 000 litres par jour par habitant (il faut, par exemple, quelque 13 000 à 15 000 litres d’eau pour produire 1 kg de boeuf nourri au grain). Or, une étude récente a estimé qu’un régime équilibré à base de pommes de terre, d’arachide, d’oignon et de carottes ne nécessiterait que 1000 litres d’eau par jour et par habitant.
Si une alimentation à base de pomme de terre est difficilement applicable – il en faudrait 4 kg pour couvrir les besoins énergétiques et protéiques journaliers d’une personne – une consommation accrue de produits à base de pomme de terre et l’extraction des substances nutritives de la pomme de terre offrent un moyen économe en eau de satisfaire les besoins nutritionnels.
Les besoins en eau de la pomme de terre
Les variétés modernes de pomme de terre sont sensibles aux déficits d’eau dans le sol et ont besoin d’une irrigation fréquente et peu profonde. Une culture de pommes de terre de 120 à 150 jours consomme de 500 à 700 mm d’eau, et un déficit de plus de 50% des disponibilités d’eau dans le sol durant la période de croissance réduit les rendements.
Pour diminuer les besoins en eau du tubercule, les scientifiques mettent au point des variétés résistantes à la sécheresse dotées de systèmes racinaires plus longs. Mais on peut surtout économiser l’eau dans la culture des variétés commerciales d’aujourd’hui en adaptant le calendrier et la profondeur des applications d’eau à des stades spécifiques du cycle de croissance de la plante.
En règle générale, les déficits d’eau du milieu à la fin de la période de croissance – durant la stolonisation et l’initiation et le grossissement des tubercules – tendent à réduire les rendements, alors que la culture est moins sensible au début de la phase de croissance végétative. On peut également faire des économies d’eau en laissant s’épuiser l’eau autour de la période de maturation pour faire en sorte que la plante utilise toute l’eau disponible stockée dans la zone racinaire, pratique qui peut également accélérer la maturation et accroître la teneur en extrait sec.
Selon les variétés, la pomme de terre répond mieux à l’irrigation au début ou en fin de phase du grossissement des tubercules. Les variétés ayant peu de tubercules sont généralement moins sensibles aux carences d’eau que celles qui possèdent de nombreux tubercules.
Si l’on doit maintenir un taux relativement élevé d’humidité dans le sol pour optimiser les rendements, l’irrigation fréquente à l’eau froide peut abaisser la température du sol en dessous de la valeur optimale pour la formation des tubercules (de 15 à 18° C), ce qui se répercute sur les rendements. Par ailleurs, des sols humides et lourds peuvent créer des problèmes d’aération du sol.
Les méthodes les plus courantes d’irrigation pour les cultures de pomme de terre sont les systèmes par rigoles d’infiltration et par aspersion. Les premiers ont un rendement hydraulique relativement faible et sont adaptés aux situations de grandes disponibilités d’eau. Dans les zones de pénurie d’eau, en revanche, il vaut mieux recourir à l’irrigation par aspersion ou au goutte-à-goutte, en particulier sur des sols ayant une faible capacité de rétention d’eau.
Qualité et rendement des tubercules
Le volume et le calendrier des applications d’eau ont des répercussions importantes sur la qualité des tubercules – l’irrigation fréquente réduit les risques de malformation. Le manque d’eau au stade initial de la formation du rendement accroît la probabilité de tubercules fusiformes (plus visible dans les variétés ovales que rondes) et, s’il est suivi de l’irrigation, peut se traduire par la fissuration des tubercules ou par la maladie du coeur noir.
À l’aide de bonnes pratiques agricoles, y compris d’irrigation lorsque cela s’avère nécessaire, une culture de 120 jours environ sous des climats tempérés et subtropicaux peut donner de 25 à 40 tonnes de tubercules frais par hectare.
Calories produites par litre d’eau
L’agriculture doit considérablement améliorer son volume de production par unité d’eau utilisée.
La pomme de terre produit plus de nourriture par unité d’eau que n’importe quelle autre culture vivrière.
Avec la même quantité d’eau, la pomme de terre produit davantage d’apports énergétiques que le riz, le blé et le maïs.
On peut réduire les utilisations d’eau en adaptant le calendrier et la profondeur des applications d’eau à des stades spécifiques du cycle de la pomme de terre.
Source : FAO