Irrigation localisée :
Goutte à goutte ou micro-jet ?
Yassine Jamali, Docteur Vétérinaire, Agriculteur
En agriculture, du fait de la raréfaction des ressources en eau, particulièrement au Sud de la méditerranée, l’irrigation gravitaire tend à être remplacée par des modes d’irrigation plus économes en eau et plus flexibles. En arboriculture, le goutte à goutte s’est imposé comme la panacée, permettant une efficience dépassant largement le gravitaire. L’aspersion sous frondaison n’est pratiquement jamais utilisée. Cette alternative ne présente-t-elle aucun avantage par rapport au goutte à goutte quel que soit le cas de figure ?
Efficience
Elle est comprise en 50 et 60% pour le gravitaire, entre 80 et 90% pour l’aspersion et entre 90 et 100% pour le goutte à goutte et l’écart est net, en faveur du goutte à goutte. (source : Mémento de l’Agronome, CIRAD-GRET).
Cultures intercalaires
Omniprésentes dans les petits vergers familiaux de moins de 5 ha, elles consistent essentiellement en associations luzerne/grenadiers et luzerne/oliviers. Parfois la culture intercalaire est représentée par du bersim, des céréales ou des cultures maraichères. Qu’il s’agisse de fourrages ou de céréales, ces cultures intercalaires contribuent à la diversification des revenus de l’agriculteur et à la sécurité alimentaire au niveau national.
Au niveau de l’exploitation, elles permettent de répartir les risques en alimentant un petit troupeau laitier ou ovin, ou par la vente de bottes de luzerne ou de semences ou en assurant l’autosuffisance de la famille en céréales et la vente du surplus.
Il n’est donc pas envisageable pour le petit exploitant (polyculteur- éleveur) de renoncer à ces cultures intercalaires quels que soient les avantages du goutte à goutte sur le gravitaire. Aussi, le seul progrès en matière d’irrigation est-il dans ce cas là, l’aspersion sous frondaison. De plus, le calcul d’efficience hydrique devrait se faire en tenant compte de la double production, fruitière et fourragère ou céréalière.
D’autre part, en période de pointe, quand les températures dépassent largement les 40°, ce qui est assez fréquent dans le Tadla ou le Haouz, il semble que l’apport en goutte à goutte ne suffit pas à éliminer le stress hydrique, contrairement aux vergers associés à la luzerne.
Il est possible que le volume racinaire compris dans le bulbe d’humidité soit insuffisant pour acheminer la quantité d’eau nécessaire. Le goutte à goutte humidifie un volume de terre très inférieur à celui qu’humidifie l’aspersion. Donc lors d’une canicule, l’aspersion sécurisera mieux la récolte que le goutte à goutte.
Autre problème concernant le goutte à goutte, l’accumulation de sels dans le faible volume, au point que la salinité atteint quelquefois un niveau toxique pour la plante. Il est évident que l’augmentation du volume du bulbe d’humidité (correspondant à une surface humectée de 60 à 100% de la surface du verger au lieu de 5 à 10% pour le goutte à goutte) diminuera d’autant la salinité. L’aspersion sous frondaison est donc un palliatif efficace de la salinité.
Production de matière organique
Le manque de matière organique est fréquent dans les sols marocains. La culture d’engrais verts en intercalaire est un moyen de l’augmenter puisque les résidus restitués au sol l’enrichissent en matière organique. La production de matière organique, soit par les engrais verts, soit par les résidus de cultures nécessite une irrigation de type aspersion sous frondaison, plutôt que goutte à goutte.
Enfin, les micro-asperseurs et micro-jets utilisés en arboriculture fonctionnent avec la même pression de service que le goutte à goutte, la consommation d’énergie reste donc comparable pour les deux modes d’irrigation.
Conclusion
Il est évident qu’en arboriculture pure, le goutte à goutte est généralement préférable à l’aspersion sous frondaison. Cependant, des spécificités sociales et foncières rendent les cultures intercalaires incontournables dans certaines exploitations. Dans ce cas-là, l’aspersion sous frondaison est préférable au goutte à goutte, tout en améliorant significativement l’efficience de l’eau par rapport à l’irrigation gravitaire.
Le recours systématique au goutte à goutte doit être réévalué objectivement, sur la base de la valorisation du m3 d’eau, de l’unité de surface, et de l’UTH (Unité de Travail Humain).