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Irrigation : Déclenchement par les plantes

L’irrigation déclenchée par les plantes :

Une amélioration de la gestion de l’eau agricole

 

 

Alors que l’irrigation agricole absorbe près de 80% des ressources annuelles d’eau consommées par l’humanité, des chercheurs de Cornell University (USA) ont mis au point une puce qui reproduit la structure du bois de la vigne et des pommiers, dans l’idée de l’introduire directement dans les plantes. Ce capteur inséré doit permettre la mesure des besoins en eau des végétaux en conditions réelles et au plus près des organismes.

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Le défi de l’eau agricole

Avec près de 3500 km3 d’eau douce attribués à l’agriculture sur les 4400 km3 prélevés par an par l’humanité, l’irrigation et l’élevage constituent de très loin le plus gros poste de consommation à l’échelle terrestre. L’industrie vient ensuite, avant la consommation domestique. La ressource est néanmoins limitée, et les prélèvements inconsidérés impactent l’environnement et créent des tensions politiques. Les exemples tristement célèbres ne manquent pas : de l’assèchement de la Mer Morte aux tensions dans la vallée du Ferghana, l’irrigation est directement responsable.

Les rendements de l’irrigation sont traditionnellement mauvais : la FAO estime par exemple les pertes en eau à plus de 50% dans les zones arides, pour des raisons de qualité du réseau d’approvisionnement (présence de fuites), d’infiltration et d’évaporation. Les techniques modernes d’irrigation tendent à privilégier l’incorporation au plus près du sol pour limiter les pertes par évaporation, et en goutte à goutte quand cela est possible.

La problématique est prise très au sérieux par un nombre croissant d’Etats, qui mettent en place des politiques de gestion de l’eau, tendent à faire contribuer les agriculteurs ou limitent les quantités d’eau disponibles. La gestion de l’irrigation devient alors une activité délicate et à part entière pour les agriculteurs, qui doivent faire au mieux pour exprimer le potentiel de leur culture, sans mettre en jeu leur récolte.
Le contrôle de l’irrigation traditionnellement focalisé sur l’environnement des cultures

Trois questions se posent alors : comment irriguer, quand irriguer, et quelle dose prévoir ? Si la première question dépend principalement du matériel disponible, et donc d’investissements antérieurs aux propres opérations culturales, les deux dernières sont fonctions d’un nombre très important de facteurs au cours du cycle de culture, dont les conditions climatiques (température, luminosité, vents, etc.), le type de sol et sa capacité de rétention de l’eau, son humidité, le stade de la culture, etc.

Une fois les données collectées, des calculs complexes sont nécessaires et font références à des modèles de cultures historiques dans des environnements spécifiques. Les principaux moyens de gestion de l’irrigation utilisés aujourd’hui reposent donc sur la mesure des conditions de l’environnement et l’estimation des besoins de culture à l’aide de modèles parfois éloignés des réalités du terrain.

De plus, ces différents facteurs peuvent varier considérablement sur un court laps de temps ou au sein d’une même parcelle, et ces variations rendent la planification théorique de l’irrigation difficile. Les observations en parcelles peuvent également permettre de déclencher l’irrigation, mais tout signe de manque sur la plante est déjà considéré comme préjudiciable pour les rendements. Il est donc nécessaire d’anticiper.
La difficulté des mesures au niveau des plantes

Mesurer les niveaux d’eau à l’intérieur même de la plante est un moyen plus précis pour évaluer les besoins hydriques, mais c’est jusqu’alors un processus couteux, manuel et gourmand en main-d’œuvre. L’agriculteur coupe une feuille, la place dans une chambre pressurisée et y augmente la pression jusqu’à ce que de l’eau en sorte. Cette méthode, bien que plus efficace, consomme temps et énergie, est destructive et ne peut être automatisée. Elle n’est de fait pas souvent utilisée. De plus, elle ne fournit qu’une image instantanée de la santé de la plante, qui ne permet pas de suivi continu.

Pour pallier cela, de nouvelles mesures non destructives ont fait leur apparition, notamment dans les centres de recherche de l’INRA France, pour mesurer la déshydratation des végétaux in situ : mesure micrométrique des variations de diamètre de tiges ou de fruits pour déterminer leur contraction, détection d’ultrasons ou de sons très ténus produits par les bulles d’air ou de vapeur qui se créent dans les canaux conducteurs de sèves, mesure de flux de sève dans les organes ligneux des arbres par voie thermique, mesure de la température foliaire, etc.

 

Une première solution sur mesure pour la vigne et le pommier

Ces mesures nécessitent toutefois du matériel de contrôle couteux et ne peuvent être mises en œuvre à l’échelle de la parcelle. Partant de ce constat, l’équipe de chercheurs menée par le professeur Alan Lasko a souhaité développer une méthode, simple, précise et efficace, qui mesure les besoins en eau des plantes en permanence.

Pour ce faire, chaque plante devrait être équipée de son propre capteur d’eau – c’est ce qu’a créé l’équipe de recherche de Cornell University. Le capteur, une puce électronique, doit être inséré directement dans la plante. Pour concevoir la structure de la puce, l’équipe s’est inspirée de la physiologie végétale : les feuilles de la vigne et du pommier sont dotées de minuscules pores, qui sont remplis d’eau provenant des racines. Cette eau peut s’évaporer à travers les membranes des feuilles. La puce comporte également une cavité remplie d’eau et une membrane à travers laquelle l’eau peut s’évaporer.

Le capteur, dont les chercheurs estiment le coût de production industrielle à environ 3,5 euros la pièce, étant intégré dans la plante, les variations hydriques des tissus y sont répercutées : si la plante épuise ses réserves hydriques, l’eau que contient la puce diminue. Lorsque le niveau d’eau atteint un seuil d’alerte, la puce envoie un signal (par fil ou sans fil) à un enregistreur de données, pour y être stockées et interprétées à l’échelle de la parcelle. L’agriculteur est alors averti qu’il est temps d’arroser les plantes. Après l’irrigation, lorsque les cultures disposent de suffisamment d’eau, la puce reconstitue son humidité. Le cycle peut alors recommencer.

Ce suivi dynamique et en temps réel devra permettre d’ajuster au plus près les apports en eau dans les vignobles et les vergers équipés : il sera possible d’éviter tout stress hydrique, mais également tout apport d’eau en trop grande quantité. Certains cépages tendent à développer plus leurs feuillages en présence d’eau en quantité trop importante. Un léger stress hydrique est nécessaire pour favoriser le développement des grappes. Les scientifiques viennent de passer à la phase d’essai de grande envergure.


L’avancée que constitue ce capteur est rendue possible grâce au type de plantes concernées : la présence de bois permet de placer la puce facilement sans impacter la plante. Reste à concevoir les micro-puces, capables d’être implantées – sans trop d’efforts et à moindre coût – dans les herbacées : pour ce qui est du maïs, du sorgho ou du tournesol, la taille des plantes permet raisonnablement de percevoir un aboutissement technique dans les années à venir. Rien n’est moins sûr, dans un futur proche, pour ce qui est du colza, du blé, de l’orge, etc, du fait de leurs tiges de quelques millimètres de diamètre.

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