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Irrigation : contrefaçon d’équipement

La contrefaçon  en équipement hydromécanique

Abdelmoumen Guennouni

 

A l’instar d’autres secteurs, l’agriculture n’échappe pas à la contrefaçon. Ce phénomène peut prendre plusieurs formes et concerner différents produits parmi les plus utilisés tels que les semences, les produits phytosanitaires, le matériel d’irrigation, l’outillage,…

 

La contrefaçon impacte la production, le consommateur, l’environnement, etc. et ses conséquences sont plus graves que la contrefaçon d’autres objets tels que le textile (habits). L’impact sur le marché est estimé par les professionnels à environs 20% en moyenne, même s’il est difficile à chiffrer. En pratique, la contrefaçon peut passer inaperçue tant qu’elle est limitée, mais quand elle prend de l’ampleur et devient répétitive elle devient préjudiciable à tous.

Par ailleurs, le phénomène est accentué par la forte demande en équipement de pompage et d’irrigation ainsi que par la multiplication des fournisseurs de ce type de matériel induisant une concurrence acharnée qui tire les prix vers le bas.

 

Pourquoi acheter des produits contrefaits ?

Le raisonnement fait par l’agriculteur est basé essentiellement sur le prix et ce d’autant plus que la différence avec celui de ‘‘l’original’’ est importante. Ainsi, il est encouragé par le faible prix d’acquisition et se dit que tous les fournisseurs sont les mêmes et même si le matériel est de moins bonne qualité, ça ne lui couterait pas plus cher d’en acheter un autre après quelques années d’utilisation s’il est hors service ou amorti.

Et même si le client, suite à une précédente déception, refuse d’acheter la même marque, le revendeur (pour éviter d’être pénalisé en cas de défaillance de son matériel) lui confirme qu’ils ont opté pour une marque meilleure pour différentes raisons (faillite de la société qui le fabrique, réticence des clients, …).

Dans ces conditions, même les lois de l’offre et la demande et la sanction des fraudeurs par le marché s’avèrent impossibles

NB : les revendeurs ont tendance à noyer l’agriculteur dans un jargon technique incompréhensible aux non spécialistes, d’autant plus s’il est plus ou moins analphabète ou peu instruit.

 

Pourquoi cette différence de prix ?

Sur notre marché, les pompes à axe vertical (d’une marque bien connue) sont vendues, avec l’étiquette de la marque, 30-40% moins cher que l’original. Dans ces cas de contrefaçon, la présentation est bien soignée (moyens importants) de façon à ressembler à un produit authentique. A ce prix le client croit faire une bonne affaire et pense acheter une bonne marque (équivalent, dans son esprit, à une certaine qualité).

Certains pays et sociétés commercialisant les marques leaders sur le marché, explique M. Mellouk directeur de KSB Pompes, investissent dans la recherche et développement et apportent des améliorations constantes sur la fonctionnalité de leur matériel, ce qui occasionne des coûts élevés. De même, qu’ils protègent leurs secrets de fabrication auxquels les contrefacteurs n’ont pas accès et se limitent donc à copier le nouveau matériel et sa forme sans toucher au fond.

Ainsi, par exemple, l’utilisation pour la fabrication de la pompe, de fonte bien compactée garantit son utilisation dans de bonnes conditions alors qu’en cas de fonte poreuse de mauvaise qualité, la pompe subit des torsions et fissurations et par conséquent une usure plus rapide aboutissant à la nécessité de son remplacement précoce.

Sur le plan consommation d’énergie, M. Mellouk explique : ‘‘L’un des atouts majeurs des grandes marques est d’arriver à un faible coût en énergie grâce à la géométrie interne de la pompe. Cette baisse de la facture énergétique permet à l’agriculteur d’amortir très rapidement (1 année) la différence de prix avec le matériel contrefait dont la dépense énergétique est sans commune mesure avec les performances obtenues avec un matériel d’origine. De même, la durée de vie du matériel est directement dépendante de sa qualité et en cas de contrefaçon la durée d’amortissement se trouve réduite des fois au minimum’’ (qui se croit malin mange deux fois plus au souk, dit le dicton).

 

Types de contrefaçon de l’équipement hydromécanique

La contrefaçon est essentiellement le fait de produits venant de l’étranger mais certaines pratiques peuvent résulter de malversations intérieures au pays. L’objectif de ces opérations est de minimiser le coût des produits et de maximiser le profit de ces opérateurs d’autant plus que la concurrence tire les prix vers le bas.

 

Non respect des normes

– De l’étranger : ce sont des circuits important des marques leaders contrefaites d’Asie (Chine, Inde, Turquie, etc.). D’après M. Hibaoui, directeur de la société Hibagricole, ‘’les produits asiatiques n’ont pas de normes. Les fournisseurs fabriquent selon la demande du client et pour baisser les prix, ils jouent sur la qualité de la matière première utilisée. Ceci se reflète sur la durée d’utilisation et la durée de vie du matériel’’.

– Mondialisation : Des produits identiques, destinés aux pays développés sont fabriqués en Chine mais contrairement à ceux destinés aux pays en développement, ils respectent les normes européenne (strictes en matière de qualité). De même, en cas de sous-traitance les vendeurs européens peuvent indiquer ‘’made in xxx’’ ou autre si 70% du produit est fabriqué dans le pays en question.

 

Etiquetage (Breed)

Les fabricants asiatiques mettent sur leurs produits la marque indiquée par le client qui peut changer légèrement le nom d’une marque connue afin de profiter de la confusion et tromper le client. Ce dernier étant le plus souvent un agriculteur sans formation particulière dans le domaine, se laisse avoir facilement (sous l’influence de revendeurs intéressés uniquement par les ventes).

De même, sur ce type de matériel on note l’absence de toute indication d’origine : sur le produit les importateurs-fraudeurs demandent de ne pas indiquer l’origine du produit pour éviter le handicap de la réputation des produits asiatiques. Pourtant, insiste M. Hibaoui, ‘’l’indication d’origine du produit est une mention légale obligatoire et les autorités douanières ou ministérielles devraient être plus strictes sur ce point. L’indication de l’origine est l’une des informations qui font partie des droits du consommateur à être informé sur le produit dont il fait l’acquisition’’. Et pour augmenter la confusion certains importateurs demandent au fabricant d’indiquer des mentions trompeuses comme ‘‘technologie italienne’’ ou autre mention destinée à susciter la confiance. Ils peuvent aussi indiquer l’adresse en Europe de la société mère, etc. en imitant le logo ou en gardant les couleurs caractéristiques connues des producteurs.

 

Autres formes

La pompe proposée peut être de bonne marque, mais avec des équipements annexes (accessoires) de qualité inférieure ou contrefaits, localement ou importés. Ainsi, on peut jouer sur le moteur (électrique ou diesel) entrainant la pompe qui peut être mal dimensionné ou autre, affectant sérieusement le rendement global du package et ayant sur l’utilisateur final un impact qu’il ne pouvait soupçonner.

 

Actions à mener

Une seule main ne peut applaudir, souligne M. Mellouk,  pour qui l’action devrait se situer à plusieurs niveaux :

 

L’agriculteur

L’impact de la contrefaçon affecte surtout l’utilisateur final, l’agriculteur : il n’estime pas à sa juste valeur la portée du phénomène à moyen ou long terme. Il est séduit par le prix et ne voit que les économies sur l’investissement initial.

Pour contribuer à la lutte contre ce fléau l’agriculteur doit s’informer et les foires et expositions sont le meilleur moyen (outil d’information) de prendre contact avec les fournisseurs, réunis au même endroit et exiger le maximum de renseignements. Cependant, parmi les agriculteurs, ceux qui manquent de formation sont les premiers visés par les distributeurs de matériel contrefait, car plus faciles à ‘’embobiner’’. Par ailleurs, l’effet contagion, bien connu dans le milieu agricole, peut influencer le choix du client s’il se limite uniquement à l’aspect prix d’acquisition. Il faut être vigilent, minutieux et chercher l’authenticité.

L’agriculteur, en tant que consommateur, ajoute M. Hibaoui, a droit à toute l’information nécessaire lui permettant une meilleur appréciation du produit proposé afin de faire son choix en toute transparence et en connaissance de cause et de procéder à des comparaisons justes entre différentes marques en concurrence sur le marché.

 

Les fournisseurs

De leur côté, les entreprises sérieuses sont présentes dans les salons, et organisent des journées d’information dans différentes régions et mènent des actions d’information des agriculteurs. Elles doivent néanmoins intensifier les participations pour attirer l’attention des agriculteurs. Les fabricants, importateurs, installateurs et revendeurs honnêtes, qui sont les premiers impactés avec les agriculteurs, doivent contribuer à avertir les concernés

 

Responsabilité de l’Etat

A en croire les professionnels, les autorités de tutelle ne font rien pour le contrôle du matériel et vont même jusqu’à subventionner les équipements contrefaits. Souvent les intermédiaires incitent l’agriculteur par le jeu de surfacturation et les taux des aides, pour la présentation de leurs demandes de subventions. L’Etat doit par conséquent :

– intervenir vu qu’en cas de défaillance du produit, c’est la santé du consommateur, du bétail, de l’environnement, … qui est en jeu

– mettre à jour des lois régulant le secteur

– jouer (par en haut) le rôle de régulateur qui impose le respect des normes et sanctionner les fraudeurs

– inspecter le matériel subventionné (offices, …)

 

Organisation professionnelle

Aucune organisation regroupant les importateurs de ce type de matériel n’existe au Maroc. Elle aurait pu inciter ses membres à un meilleur respect des normes internationales et des bonnes pratiques. Cependant, certains des importateurs profitant de la situation actuelle, n’ont pas intérêt à ce genre de structure et préfèrent le maintien du flou.

 

La multiplication du matériel bâtard et des produits contrefaits pourrait conduire, à plus ou moins long terme, à la disparition des bonnes marques et le marché sera dominé par la mauvaise qualité. L’utilisateur pourrait réclamer un certificat d’origine et de matière (les composantes) car certains peuvent se révéler nocifs.

 

 

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