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Céréales : Stockage

Stockage céréales

Une infrastructure à moderniser impérativement

Abdelmoumen Guennouni

Depuis l’aube de l’humanité, le stockage des denrées alimentaires et essentiellement les céréales, a représenté et continue de constituer un casse tête permanent. En effet, aussi bien pour les agriculteurs que pour les industriels, l’inévitable opération de stockage engendre des coûts supplémentaires et peut entraîner des pertes importantes si elle n’est pas menée convenablement.

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Il est regrettable de constater que, 60 ans après son indépendance les infrastructures de stockage de céréales au Maroc, représentant 45 MQX (Onicl 2011) restent largement insuffisantes par rapport aux besoins et concernent autour de la moitié de la production nationale. De même, elles sont le plus souvent inadaptées pour effectuer les opérations liées à cette activité (manipulations, transport, …). Par ailleurs, la répartition régionale de ces capacités montre une concentration dans les régions de Fès-Boulemane et Casablanca, qui en regroupent près de la moitié, le reste étant éparpillé (entre 2 et 12%) à travers les autres régions.

Cet état de fait, dont les responsables et l’ensemble des professionnels sont bien conscients, ne manque pas de causer des difficultés à toute la filière et de handicaper toutes les branches d’activité qui lui sont liées, surtout lors de campagnes exceptionnelle comme celle que nous vivons actuellement.

A signaler, par ailleurs que l’intérêt pour le stockage concerne essentiellement le blé tendre et secondairement le blé dur. Par contre, l’orge qui représente annuellement 40% des superficies emblavées et plus de 35% des tonnages produits, ne bénéficie d’aucune attention ou incitation pour son stockage. Ceci affecte directement la fluctuation de l’offre et des prix de cette céréale, dont dépend en grande partie l’alimentation de notre bétail.

Pourquoi stocker ?

Les céréales sont produites une fois par an et leurs utilisations s’étalent sur toute l’année, d’où la nécessité de les conserver soit à la ferme (production nationale) soit auprès d’organismes spécialisés (production nationale et importations) :

– Pour les producteurs plusieurs raisons imposent le stockage et en tête de liste viennent les problèmes de commercialisation. En effet, lors des moissons, les agriculteurs sont tenus de faire face à d’énormes problèmes de trésorerie (dépenses urgentes, échéances, …) et les seuls acheteurs sur le marché sont les intermédiaires. Ces derniers, profitant de la situation, proposent le plus souvent des prix équivalant à 60% du prix de référence fixé par les autorités de tutelle. Ceci incite les agriculteurs à se limiter à des ventes ponctuelles, à attendre la stabilisation des prix sur le marché et, pour cela, à procéder au stockage à la ferme, avec les surcoûts que cela entraîne (sacherie, main d’œuvre, manipulations, etc.). D’autre part, les agriculteurs stockent une partie de leur production pour leurs besoins personnels (autoconsommation, semences, réserves de trésorerie).

– Pour les minotiers une activité de stockage de courte durée est nécessaire pour garantir à leurs unités d’écrasement des réserves leur permettant de faire tourner leur industrie sans interruption, … Cependant, les capacités de stockage de cette catégorie restent très limitées et ne représentent qu’un faible pourcentage par rapport au total national. Selon les données de l’Onicl (Office national interprofessionnel des céréales et légumineuses), la capacité de stockage des céréales chez les minotiers est d’environ 1 Mt dont plus des 3/4 sous forme de silos. Cette capacité permet de loger un stock outil équivalent à 50 jours d’écrasement.

– Par contre, l’essentiel de la conservation est opéré par les organismes stockeurs (commerçants, coopératives, …) agréés par l’Onicl et qui bénéficient en contrepartie, de primes calculées sur la base du nombre de quintaux stockés, de la durée et du montant de la prime de stockage défini par la tutelle.

Procédés de stockage

Pour les agriculteurs, surtout les petits, la construction et l’aménagement de locaux spécialement dédiés au stockage ne sont pas justifiées en raison des investissements nécessaires et de la faible durée de séjour de la production sur place. C’est pour cette raison que dans de nombreuses régions du pays, ils recourent encore aux pratiques traditionnelles telles les ‘‘matmoras’’ souterraines. En outre tous les locaux existants chez le producteur, sont affectés en priorité à cette opération.

Par mode de stockage, la plus grande part de la production nationale est abritée dans des hangars, magasins et entrepôts, aussi bien chez les céréaliculteurs que chez les professionnels. Le grain y est déposé soit en vrac, soit le plus souvent en sacs en plastique, fréquemment réutilisés et dans un état pouvant laisser à désirer. Cependant, même si plusieurs professionnels ont engagé des investissements dans des équipements spécialisés, les capacités de ces unités, malgré son augmentation progressive ces dernières années, reste réduite. En effet, d’après l’ONICL, le tiers seulement de la capacité de stockage dont dispose le Maroc, minoteries et ports exclus, est sous forme de silos. Sans oublier de signaler l’état de délabrement avancé de certains d’entre eux.

Le stockage en silos, solution d’avenir

Le terme de ‘‘silo’’ désigne des installations de grande capacité composées de structures métalliques ou en béton armé (en batterie) et destinées à un stockage mécanisé de quantités importantes de grains dans un minimum de place et dans de bonnes conditions.  Ces silos sont toujours équipés des installations nécessaires pour la pesée, la manutention, le nettoyage, le séchage, la ventilation et la supervision, ce qui permet la gestion de grandes quantités de grains par des équipes très réduites.

Les silos métalliques, moins coûteux et plus commodes, sont sujets à un fort échauffement sous les conditions climatiques marocaines, surtout en été. Les températures élevées et les forts taux d’humidité de l’air, variables d’une région à l’autre, peuvent favoriser la dégradation du grain par des attaques d’insectes et de champignons. Dans ce cas la ventilation et éventuellement un refroidissement des denrées stockées ainsi que des traitements si nécessaire, sont des conditions essentielles pour une bonne conservation.

Vu leur coût et leur complexité, ces installations sont réservés au ‘‘stockage commercial’’ à grande échelle, par des organismes spécialisés (ports, coopératives, minoteries, etc.) alors que chez les particuliers on ne trouve ces ‘‘cellules’’ métalliques, de capacités adaptées aux besoins, que dans certaines grandes exploitations modernes.

La gestion de pareilles unités nécessite de grandes compétences et expérience pour la réception et la répartition des lots et pour faire face à toutes sortes de situations habituelles et nouvelles, cependant ce mode de stockage, le plus répandu dans le monde, se justifie pleinement dans notre pays et aurait du être encouragé depuis longtemps déjà.

Conditions pour un bon stockage

La réussite de l’opération de la conservation des grains commence à la récolte. En effet, des moissons opérées à la hâte sans respect des conditions minimales de qualité du produit, occasionnent inévitablement des préjudices ultérieurs, coûteux et souvent négligés par les agriculteurs en raison de l’urgence imposée par les délais de récolte. Certains expliquent par ces problèmes de qualité la préférence des minotiers pour les produits importés, plus cotés que les produits locaux.

Pour un stockage approprié des récoltes céréalières plusieurs conditions sont nécessaires :

– Nettoyage des locaux et sacheries réutilisées de tous restes de la récolte précédentes (poussières, …) et élimination des sources de contamination par chaulage des locaux ou l’utilisation de produits de traitement adéquats (fumigants)

– Ne moissonner que les cultures arrivées à pleine maturité physiologique

– Éviter de moissonner des champs contenant encore des mauvaises herbes (mal désherbés ou résultant de pluies tardives)

– Stocker de préférence un grain propre (sans impuretés ni graines étrangères…) et en bon état sanitaire (indemne de toxines, microorganismes, parasites, résidus de pesticides, …)

– Le taux d’humidité du grain doit respecter les normes requises (15-16%). Un taux plus élevé entraine le développement des moisissures et insecte et s’il est plus bas les manipulations peuvent causer la casse des grains,

– Éviter l’augmentation spontanée de la température des denrées stockées en mettant les grains ensachés sur palettes et en piles séparées pour faciliter l’aération du local (ventilation statique ou dynamique)

– Si on réserve une partie de la production aux semences de l’année suivant, les soins doivent être plus poussés afin de préserver les capacités germinatives du grain.

 A signaler que dans le cas  du stockage en vrac, il est plus difficile de respecter certaines de ces recommandations.

Sachant que, même en cas de bonne année agricole, avec des résultats record, le Maroc n’arrive pas à assurer son autosuffisance alimentaire, il est inadmissible de continuer à perdre une part importante de la production nationale en raison de problèmes liés aux conditions de stockage. Une réflexion profonde devrait être entreprise et les mesures adéquates prises par les autorités compétentes pour permettre la mise à niveau de cette filière dont dépend, du moins en partie, la sécurité alimentaire de notre pays.

 

 

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